Tiré d’Orient XXI.
Oubliée par la communauté internationale et les médias occidentaux après de longues années de guerre dont les conséquences continuent de se faire sentir, la Syrie s’est de façon brutale et tragique rappelée au monde au lendemain du séisme qui a frappé le sud-est de la Turquie et fait un millier de morts sur son territoire, touchant de nombreuses zones du nord dont Alep, la deuxième ville du pays martyrisée. Au total, le séisme a fait plus de 6 000 morts (ce chiffre atteint 15 000 le 9 février) dans les deux pays. Quelques 23 millions de personnes pourraient avoir été touchées, indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mardi 7 février.
Quel avenir pour les sanctions ?
Saisissant la situation désastreuse qui frappe la population syrienne, amplifiée par cette catastrophe naturelle, des responsables ont lancé un nouvel appel à la levée des sanctions des pays occidentaux. « Face à ce malheur qui frappe la population syrienne, peut-être les gouvernements des pays occidentaux pourraient-ils lever les sanctions contre la Syrie (…) Que Dieu nous protège ! » a déclaré le 6 février à Orient XXI Nabil Antaki, médecin et humanitaire qui dirige l’association des Maristes bleus, présente à Alep depuis le début de la guerre des années 2000.
Les Maristes bleus se sont donné pour mission de répondre aux besoins d’urgence de la population en accueillant notamment dans leurs classes des enfants issus des familles défavorisées de toutes les confessions, tout en organisant des cours de formation pour les adultes et des soutiens divers aux adultes. Leurs appels ces dernières années ont été relayés par de nombreuses ONG, églises et personnalités, sans résultat.
Les sanctions sont une série de mesures économiques prises par l’Union européenne (UE), les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Suisse et la Ligue arabe, essentiellement à la suite de la répression contre les civils à partir de 2011. En août 2011, les États-Unis ont mis en place un embargo sur le secteur pétrolier et gelé les actifs financiers d’un certain nombre de personnalités et celles de l’État lui-même, ainsi qu’une série de mesures ayant un large impact sur la population syrienne et le prix des denrées de première nécessité et produits médicaux. En septembre 2011, l’UE a adopté à son tour un embargo contre le secteur pétrolier syrien.
Punir Assad ou punir le peuple ?
Malgré des appels à lever les sanctions contre la Syrie, mettant en avant les souffrances de la population locale, celles-ci sont toujours en vigueur et leurs effets induits sur les gens sont réels, bien que difficiles à mesurer. Pour l’UE et l’opposition syrienne — aujourd’hui bien affaiblie —, il s’agit notamment de punir le régime de Bachar Al-Assad pour ses exactions contre son peuple, et amener à la mise en œuvre d’un processus politique.
Aux yeux de Paris et de Washington, qui prônent une politique dure vis-à-vis de Damas, le régime syrien demeure le principal responsable de la crise humanitaire en Syrie, où 13 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire d’urgence et commencent à subir les rigueurs de l’hiver sans mazout, ni essence ni électricité, avec une monnaie nationale en chute libre (la livre syrienne, engagée dans une spirale de baisse, vaut la moitié de sa valeur à l’automne 2022).
Dans ce bras de fer, Damas refuse toute assistance humanitaire extérieure qui ne passe pas par elle. Une impasse qui pourrait perdurer des années encore, avec un Bachar Al-Assad plus en place que jamais, une population lasse et laissée à son sort, et une communauté internationale qui détourne les yeux et a désormais d’autres priorités.
Cependant, face à cette nouvelle catastrophe, « la Syrie appelle les États membres de l’ONU (…) le Comité international de la Croix-Rouge et d’autres groupes humanitaires (…) à soutenir les efforts du gouvernement syrien pour faire face au séisme dévastateur », a déclaré lundi le ministère syrien des affaires étrangères dans un communiqué.
À Alep, la situation est catastrophique
En attendant, le séisme a tôt fait de traumatiser autrement, mais autant des villes comme Alep avec ses deux millions d’habitants qui ont pourtant une terrible souvenir des bombardements traumatisants des années 2012-2018. « La situation est catastrophique, les gens ont passé ce qui restait de la nuit et la journée de lundi dans les rues. Beaucoup ont quitté leur domicile en pyjama, des dizaines d’immeubles se sont effondrés », a affirmé par téléphone à Orient XXI le Dr Antaki, qui habite et exerce dans un hôpital d’Alep.
Citant le ministère syrien de la santé, ce médecin indique encore qu’il y a eu dans cette ville « environ 350 morts et des milliers de blessés », ajoutant que le gouvernement a décrété la fermeture des écoles publiques pour les transformer en centres d’hébergement, alors que « les hôpitaux de la ville continuent d’accueillir des victimes ».
D’autres habitants racontent qu’ils comptent passer les prochaines nuits dans la rue, dans les abris ou dans les églises et mosquées. Immeubles effondrés et édifices publics et archéologiques fissurés font craindre de fatales répliques. Cependant, comme souvent, les dégâts les plus importants se situent dans les quartiers périphériques et populaires de la ville millénaire.
Alep est réputée notamment pour sa citadelle, endommagée en plusieurs endroits par l’impact du séisme. C’est un joyau architectural de l’époque médiévale ainsi que sa vieille ville, classée en 2018 au patrimoine mondial en péril de l’Unesco, après des années de guerre civile. Des mosquées ont également été touchées et un prêtre est décédé dans son logement.
Dans le nord de la Syrie, au moins 1 600 personnes ont péri selon un bilan provisoire, et les décomptes cumulés de l’agence officielle syrienne et des secouristes en zone rebelle faisaient état plus tôt dans la journée de plus de 2 000 blessées. En dehors d’Alep, des villes comme Hama et Lattakié ont été touchées, ainsi que la région d’Idleb tenue par les rebelles islamistes et frontalière de la Turquie. Et pour la première fois, Damas a promis son aide aux sinistrés dans la région sous contrôle des rebelles, malgré la pauvreté de ses moyens. L’espoir au milieu des décombres ?
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