Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Sur les méthodologies de sondage : lorsque vous ne valez pas plus qu’une statistique, et parfois moins !

Sergio de Rosemont. François Brosseau est du Collectif RISQ

Si votre opinion, vos convictions tombent plus bas d’un certain pourcentage, on ne leur accorde que très peu de valeur, particulièrement dans le monde des sondages politiques. Nos expériences et études sur les sondages nous ont permis de réaliser à quel point les méthodologies d’entrevues utilisées ont tendance à orienter indûment les choix des répondantes et répondants.

Question de mieux vous permettre de saisir, veuillez porter attention au texte d’un sondage que nous mettons ici à votre disposition. Il s’agit d’un exemple classique de question utilisée afin de savoir pour quel parti politique vous voteriez s’il y avait des élections au provincial.

Exemple de question de sondage politique :

Si des élections provinciales avaient lieu aujourd’hui, pour quel parti auriez-vous l’intention de voter ? Dans le cas où un répondant était sans opinion, la question suivante était posée : même si votre choix n’est pas encore fait, pour lequel des partis politiques suivants auriez-vous le plus tendance à voter ? Serait-ce pour…

Si vous portez attention à ce texte de sondage, vous remarquerez qu’il y a du texte marqué en jaune et il y a aussi des résultats qui ont été mis entre parenthèses rouges.

Commençons par les résultats mis entre parenthèses :

 ... un autre parti : 3 %

 Je ne voterais pas : 3 %

 J’annulerais mon vote : 3 %

 Je ne sais pas : 3 %

 Je préfère ne pas répondre : 2%

Toutes des réponses auxquelles les firmes de sondage semblent ne pas accorder beaucoup d’importance, comme s’il s’agissait de choix négligeables.
Effectivement, on aura sûrement tendance à se dire : « Bof, ce ne sont que de
petits 3 % ! »

Pourtant, si nous les additionnons (3 % + 3 % + 3 % +3 + 2 %) nous obtenons 15 % !
Est-ce à dire que pour chaque 100 électrices ou électeurs, il y en a 15 qui n’ont que peu de pertinence, moins d’importance ?

Lorsqu’un intervieweur d’une firme de sondage vous appelle pour un sondage politique, soyez assurés que même si les choix mis entre parenthèses sur le texte du sondage apparaissent sur son écran, il reçoit la consigne de ne pas les nommer. Cette méthodologie d’entrevue est jugée tellement essentielle qu’elle peut même entraîner le congédiement des celles et ceux qui ne la respecteraient pas.

Examinons ensemble ces choix de réponse entre parenthèses :

CHOIX # 1 : ... un autre parti 3 %

Comme c’est un choix fermé, il est impossible de savoir pour quel parti la personne voterait. Pourtant, il aurait été intéressant de savoir combien ont choisi de voter pour un candidat indépendant, s’il y aurait une vedette locale émergeante dans la circonscription.Y a- t-il un tiers parti qui semble vouloir prendre de l’ampleur et qui pourrait un jour devenir un joueur qui pourrait prendre une certaine importance ?

CHOIX # 2 : Je ne voterais pas : 3 %

Les motivations derrière les abstentions peuvent être variées. Nous aurions tendance à croire que les abstentions sont motivées par une certaine idéologie de non-participation au système électoral. Mais, dans les faits est-ce que l’ensemble de ce 3 % correspond réellement à cette perception ?

Serait-il possible par exemple : qu’une personne ressente qu’elle n’a pas assez suivi la politique pour honnêtement se prononcer, donc pour voter ? Serait-il aussi possible qu’une personne qui croit au système électoral se retrouve dans une situation où elle ne trouve aucun choix la représentant et décide simplement de s’abstenir de voter pour cette élection-là ? Difficile de l’évaluer sans ouvrir les questions sur des explications.

CHOIX # 3 : J’annulerais mon vote 3 %

Très semblable au CHOIX # 2, à l’exception que la personne se rend à la boîte de scrutin pour s’assurer que son vote soit annulé, donc pour que personne d’autre ne puisse voter à sa place.

CHOIX # 4 : Je ne sais pas 3 %

Encore une fois, ici on se prive d’informations pertinentes : au lieu de simplement relancer les choix de réponses vers les principaux partis, n’aurait-il pas été plus pertinent de voir quels étaient les motifs qui faisaient en sorte que le/la répondantE se sentait indécisE, ce qui permettrait de mieux comprendre où les partis ont fait fausse route ?

Pour des questionnaires plus neutres

Dans une étude se voulant objective, l’ensemble des réponses devraient avoir la même pertinence et être analysées en profondeur, car, après tout, un sondage politique est comme un cliché photographique de la réalité politique du moment où l’étude se fait !

En utilisant cette méthode, les firmes de sondage sont en mesure de mettre l’emphase sur les choix jugés prioritaires au préalable et de minimiser ceux jugés comme moins importants. De surcroît, les réponses entre parenthèse sont ce que l’on appelle des réponses fermées, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune place pour ajouter des précisions ou commentaires dans le questionnaire. En ce qui concerne les sondages sur internet, les réponses qui sont entre parenthèses sur le texte du sondage, sont visibles au répondant mais toujours encore-là sous la forme d’une question fermée.

Oui, que des réponses fermées, là où il aurait été pertinent d’avoir des réponses ouvertes, pour savoir les raisons qui poussent les gens à ne pas voter ou à voter pour un tiers parti, par exemple. Un 15 % qu’on tente de marginaliser par la banalisation. On ne cherche qu’à mettre le projecteur sur les 4 principaux partis.

Par exemple, cela a pris quelques années pour que ces firmes de sondage acceptent d’inclure Québec Solidaire dans cette liste de choix. Nous remarquons aussi que dans les analyses globales des sondages politiques, on met davantage l’emphase sur les 3 principaux partis.

En conclusion, les méthodologies utilisées dans la plupart des sondages politiques ne permettent de recueillir qu’une information biaisée et partielle sur l’électorat. Le fait d’orienter les répondant-e-s sur certains choix, le manque de détail sur les raisons poussant les électeurs à annuler, refuser ou être indécis nous porte à croire que ces enquêtes visent à mettre en lumière les tendances majoritaires plutôt que d’analyser de façon rigoureuse l’opinion. Dans un système uninominal à un tour, tel que le nôtre, cette information diffusée au moment opportun peut non seulement orienter mais même transformer les tendances. Le sondage est un outil politiques beaucoup trop puissant pour qu’on le laisse être utilisé sans encadrement.

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...