Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Suivez les pointillés

Je m’apprête à prendre des vacances, le beau temps aidant, et plutôt que de
vous laisser sur un coup de gueule contre la petitesse qui accable souvent
nos sociétés pourtant capables de tant d’humaine humanité, j’ai voulu
suggérer une série de questions que l’on pourrait bien se poser ensemble.

Par exemple, demandons-nous si l’économie existe en dehors de nous.
L’économie dirigée a donné certaines catastrophes environnmentales ;
l’économie non dirigée a donné certaines catastrophes environnementales.
Alors pourquoi laisserions-nous tomber l’économie régulée ?

Passons tout de suite à une autre question. Avons-nous besoin de héros ? Du chevalier blanc, nous sommes passés aux chevaliers de l’industrie. Quand
j’étais petit, je me cherchais des idoles. On a tendance aussi à avoir des
figures tutélaires quand on est adolescent. Mais une société mature
pourrait-elle se passer de statues emblématiques ? Le « Ni Dieu ni maître »
des anarchistes est bien sympathique. À tout le moins, on pourrait avoir la
chance de consentir au pouvoir qu’on accorde et être capable de le retirer
quand on estime qu’il n’est plus légitime. N’était-ce pas là la question
fondamentale que posait La Boétie dans *Le discours de la servitude
volontaire* ?

De grandes questions qu’on se pose tout le temps depuis toujours. Bon,
allons-y donc avec des questions plus spécifiques.

Depuis quelque temps, je me demande, en voyant évoluer les ondes publiques, s’il suffit que la télé et la radio d’État se proclament d’ici pour se
dédouaner de leur soumission à l’empire marchand. Un capitaliste d’ici
est-il moins exploiteur qu’un capitaliste d’ailleurs ?

Bon, c’est encore une trop grosse question peut-être. J’entendais récemment
un spécialiste patenté du journalisme affirmer péremptoirement qu’il y
avait déjà trop d’opinions dans les médias. Trop d’opinions ? Quand on est
spécialiste du discours public, il me semble qu’il ne suffit pas d’écrire *il
me semble* pour avoir une opinion.

Des sentiments, des commentaires, des impressions, des goûts, des avis, oui
il y en a pléthore. Ça ce sont des opinions au sens commun du gros bon sens
grâce auquel on pourrait toujours croire que la terre est plate, mais
est-ce qu’on pourrait, quand vient le temps d’analyser de manière sérieuse
le rôle politique du monde médiatique, car oui le monde médiatique est par
définition politique puisqu’il rapporte les affaires de la cité, et s’il ne
les rapporte pas, c’est justement un choix délibéré, donc ne pourrait-on
pas faire les distinctions qui s’imposent et rappeler que l’opinion au sens
spécifique de l’étude des discours est une prise de position basée sur des
arguments, lesquels sont des faits soumis à ce qu’on appelle en logique « 
les tables de la vérité », c’est-à-dire susceptibles d’être qualifiés de
vrai ou de faux. Donc, l’opinion journalistique, pas le sentiment au sens
commun, c’est quelque chose de rare. Et par ricochet, donc, vous m’entendez
venir, que peut-on espérer d’un nouveau média ?

En mettant ces ingrédients dans la mijoteuse, qui sait si la potée sera
plus digeste.

De retour pour un nouveau billet quelque part en juillet.

LAGACÉ, Francis

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
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