Tiré du site du CADTM.
La suspension de paiement, qui se fait avec l’accord implicite du FMI et de gros créanciers privés comme Blackrock, n’est malheureusement pas accompagnée des mesures qui permettraient de trouver une solution favorable à la population. Le gouvernement veut poursuivre le même type de politique qu’auparavant mais il est tout simplement dans l’incapacité d’assurer le paiement de la dette car les caisses de l’État et les réserves de change sont à un niveau très bas. Nous reviendrons là-dessus dans un prochain article. En attendant nous publions une interview d’un militant sri lankais.
Entretien. Depuis quelques semaines, la crise économique au Sri Lanka est fréquemment mentionnée dans la presse internationale. Zoom sur ce pays où cela fait plus de vingt ans que le clan mafieux des Rajapaksa a accaparé le pouvoir, combinant au népotisme la violence contre les Tamouls et plus généralement la population pauvre. Interview de Don Samantha, militant révolutionnaire sri lankais en exil.
Quelle est la situation économique actuelle au Sri Lanka ?
Le pays se trouve dans une crise économique majeure. Il est incapable de rembourser sa dette extérieure, qui atteint 51 milliards de dollars. Le gouvernement a emprunté sur les marchés et se pose la question d’emprunter au FMI et à la banque asiatique de développement. Les intérêts de la dette sont supérieurs au revenu national. Depuis deux ans l’inflation mensuelle atteint 22 ou 25 %. Ce mois-ci 27 % officiellement, mais pour les biens de première nécessité comme la nourriture, c’est plutôt 50 % ! La banque nationale du Sri Lanka a émis des lettres de crédit pour importer du pétrole, qui ont été refusées à cause de l’instabilité. Le gouvernement obtient des prêts sur les marchés privés internationaux afin de rembourser d’autres emprunts nationaux. Le régime des Rajapaksa [1] imprime massivement de la monnaie, ce qui renforce l’inflation. Les coûts des biens et des services augmentent : c’est un massacre économique. Les gens vivent sans électricité, sans gaz ni essence… Sur 24 heures on en passe 13 sans électricité. Les gens font la queue toute la journée pour trouver de l’essence ou du gaz.
Quelles sont les conséquences politiques de cette crise économique ?
Le 2 avril, le gouvernement a déclaré une situation d’urgence nationale, face aux manifestations massives. Celles-ci débordent les partis politiques. Une activiste et ancienne parlementaire de l’UNP (parti bourgeois libéral), Hirunika Premachandra, a par exemple entraîné une foule de femmes qui ont fait le siège du palais présidentiel. Des gangs de brutes aidés par la police les ont attaquées. Le gouvernement n’a pas de solution. S’il se tourne vers le FMI il devra se plier à ses exigences. Alors il préfère se financer sur les marchés privés. Pendant ce temps, la population manque des denrées de première nécessité. Il n’y a pas de transport car il n’y a pas d’essence. L’État est proche de la banqueroute. Le gouvernement a vendu à la Chine et à l’Inde beaucoup de ressources, dont les ports. Les droits d’exploitation forestière ont été bradés à des multinationales. Lundi 11 avril, des milliers de manifestants ont défilé partout dans le pays et devant la maison du président avec le slogan : « Go home Gotha ! ». Sur Twitter le fils du Premier ministre a dit que son père s’adresserait à la nation et a parlé de démission à cause de la pression populaire.
Qui organise ces manifestations ?
La droite et la gauche ont organisé des manifestations ces deux dernières années. À gauche, le JVP (nationaliste de gauche, stalinien, maoïste) s’est renforcé avec la crise économique et a organisé une grande manifestation à Colombo, bien plus suivie que prévu. Mais le JVP promet surtout de régler problèmes… si on vote pour lui. Et propose d’emprunter au FMI ! À la base, les mobilisations sont auto-organisées : les gens bloquent les routes, campent autour de la résidence présidentielle, cuisinent et vivent là. La plupart sont hostiles aux partis politiques. Voici leurs principales revendications :
– Le président doit démissionner ;
– Le Parlement doit être dissous ;
– Rajapaksa doit rembourser l’argent qu’il a volé (il est mentionné dans les Pandora Papers) ;
– De l’aide médicale doit être envoyée par la communauté internationale ;
Les engrais pour les paysans doivent être subventionnés ;
– L’évasion fiscale par les multinationales doit être remboursée.
Propos recueillis par Stan Miller
Notes
[1] Gotabaya Rajapaksa est président de la République depuis 2019 et son frère, Mahinda Rajapaksa, est redevenu Premier ministre après ses deux mandats présidentiels.
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