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Une association locale a essentiellement deux mandats : participer à la vie démocratique du parti et préparer le terrain pour les élections. Elle doit donc convoquer des assemblées générales pour travailler sur le programme. Ce n’est pas une mince affaire dans un parti très démocratique comme QS. Beaucoup de temps doit aussi être consacré aux différentes campagnes de financement du parti. La plupart des associations remplissent difficilement ces deux mandats, mais c’est davantage un défi de trouver des bénévoles pour faire du financement que pour discuter de politique.
Le développement de QSHM
L’association de QS dans Hochelaga-Maisonneuve est une des premières mises sur pied après le congrès de fondation du parti en février 2006, mais elle commence son véritable développement après le début du dernier mandat de Jean Charest en 2008. Lors du scrutin de 2012, les militantes et militants d’Hochelaga-Maisonneuve constatent l’importance insoupçonnée des enjeux locaux. Bien que le parti soit doté d’une plateforme détaillée sur plusieurs sujets d’intérêt national, l’association n’a pas un argumentaire local très développé. Pour pallier ce problème et mieux connaître les besoins de notre milieu, un comité « présence locale » est mis sur pied.
En 2014, il manque quelques centaines de voix pour remporter l’élection locale. Les attentes sont donc fortes envers l’équipe du « futur député », qui peine à assurer une présence sur le terrain similaire à celle d’une équipe bénéficiant de ressources parlementaires. De plus, les militantes et militantes de QSHM sont très actifs dans d’autres milieux (syndicats, groupes communautaires, etc.). Cependant, l’association est assez solide pour assumer la participation à la vie démocratique du parti et l’organisation préélectorale, sans compter l’action politique locale.
Deux pôles d’action politique
Notre expérience dans QSHM nous amène à analyser l’action politique d’une association locale à travers deux approches : le soutien et l’animation.
Le rôle de soutien vise essentiellement à publiciser et à participer à des actions déjà organisées par des groupes ou des regroupements citoyens. Ce rôle requiert peu d’énergie en matière d’organisation mais il ne permet pas de mettre de l’avant le parti. Le rôle d’animation, quant à lui, permet à une association d’organiser une action politique sur ses propres bases et de pouvoir par la suite en récolter les fruits. Ainsi, l’association construit sa crédibilité envers les groupes et les citoyens de son quartier ou de sa région. En d’autres mots, elle anime son milieu de vie.
QSHM, tout comme la majorité des associations locales, valse entre ces deux pôles. Elle a cependant à composer avec une particularité propre à Hochelaga-Maisonneuve, à savoir la présence de très nombreux groupes communautaires et citoyens au fort historique de mobilisation. En conséquence, il devient difficile de prendre des initiatives sur plusieurs dossiers sans empiéter directement sur la mission de ces groupes. Impossible, par exemple, d’organiser quelque chose sur la sécurité alimentaire sans empiéter sur le Chic Resto Pop ou la Cuisine collective, pour ne nommer que ceux-là. Quel serait l’intérêt d’organiser seul une action sur le logement social alors que le comité BAILS occupe très bien ce terrain ? Nous vous proposons d’explorer notre modèle d’analyse à travers ce tour d’horizon de quelques exemples où QSHM s’est impliquée politiquement, soit en soutien ou en animation.
Soutien
En 2007, la plus récente version du projet de transformation de la rue Notre-Dame en autoroute est rendue publique. Cette vision ne prend pas en compte les désirs de la population locale, qui n’a d’ailleurs pas été consultée. Plusieurs groupes se mobilisent et QSHM participe aux différentes activités en plus de corédiger un mémoire en défaveur du projet.
En 2009, l’archevêché de Montréal annonce qu’il ferme l’église Très-Saint-Nom-de-Jésus car le bâtiment requiert de sérieuses rénovations. Il laisse également entendre qu’il pourrait vendre le merveilleux orgue Casavant qui s’y trouve depuis des décennies. Des rumeurs de démolition pour faire place à des condominiums se font également entendre. La communauté se mobilise et QSHM prend publiquement position tout en appelant ses membres à se joindre à un rassemblement organisé devant l’église afin de sauvegarder ce patrimoine bâti.
En 2011, la direction de la Régie des installations olympiques (RIO) organise des consultations citoyennes sur la mise en valeur du Stade olympique et de ses espaces environnants. QSHM envoie deux équipes participer aux visites guidées et aux consultations en plus de produire un mémoire.
En 2013, des dizaines d’artistes qui habitent et créent au sein des lofts Moreau reçoivent un avis d’expulsion suite à une visite du Service de sécurité incendie de Montréal. Pris entre la Ville qui doit faire respecter ses normes et le propriétaire qui n’a pas fait les travaux nécessaires, les artistes s’organisent et réclament la solidarité du quartier. QSHM prend position publiquement et appelle ses membres à participer aux différentes actions de solidarité.
En 2015, le mouvement #Jesoutiensmonécolepublique fait beaucoup parler de lui. Organisant de nombreuses chaînes humaines devant les écoles primaires et secondaires du Québec, il a été un des premiers mouvements citoyens à riposter à l’austérité libérale. Comme les autres associations locales du parti, QSHM participe avec enthousiasme aux chaînes humaines tout en invitant les citoyennes et les citoyens à continuer à combattre l’austérité dans les autres domaines de l’État (santé, culture, etc.).
En 2012 et 2016, les usines Mabe (électroménagers) et Mondelez (biscuiterie) annoncent leur fermeture. Dans les deux cas, QSHM se coordonne avec le service des communications du parti pour mettre de l’avant des propositions issues du programme en matière de relance des usines rentables en mode coopératif.
En 2017, la mairie d’arrondissement révèle ses plans concernant une éventuelle Cité de la logistique. Malgré des inquiétudes concernant d’importants chambardements pour les résidentes et les résidents habitant près du site de ce projet, le maire d’arrondissement Réal Ménard refuse de procéder à des consultations élargies par crainte de ralentir le projet. Des citoyens s’organisent pour collecter les 6000 signatures requises afin d’obliger l’Office de consultation publique de Montréal à se saisir du dossier. Plusieurs membres de QSHM s’impliquent dans cette action politique et participent à l’impressionnante récolte de signatures dans un temps record. L’association prend position en faveur d’une consultation en bonne et due forme.
Animation
Lors de la campagne électorale de 2012, l’équipe de QSHM prend acte des plaintes sur la fréquence insuffisante du service d’autobus de deux lignes de la Société du transport de Montréal (STM), la 125 Ontario et la 34 Sainte-Catherine. Constatant qu’aucun groupe ne joue sur ce terrain, QSHM lance une pétition en 2013 qui recueillera des centaines de noms. L’association obtient une rencontre avec la STM. Lorsque la pétition est déposée au conseil d’administration public de l’organisme, nous apprenons que l’offre de service des deux lignes sera bonifiée comme le demande la pétition.
Pour un parti souverainiste, il est facile de prévoir des activités pour la Fête nationale du 24 juin. Il n’en va pas de même pour le 1er juillet, fête de la Confédération, mais également grande journée de déménagement. Inspirés par une idée appliquée dans un quartier voisin, des membres de l’association distribuent de la limonade aux personnes en train d’emménager dans le quartier. C’était une manière de souhaiter la bienvenue aux nouveaux résidents et nouvelles résidentes et de leur parler de la vision solidaire que nous mettons de l’avant pour notre milieu de vie.
Une situation délicate
Il arrive parfois que l’association veuille jouer un rôle d’animation malgré que l’on tente de la cantonner dans un rôle de soutien. L’association a vécu cette situation dans le dossier des trois écoles de la rue Adam fermées en 2012 pour cause de moisissures. Très tôt, le quartier se mobilise pour une solution rapide face à ces fermetures. QSHM désire jouer un rôle, mais certaines personnes très impliquées dans la coordination de cette mobilisation nous demandent de rester discrets. Elles craignent que notre présence dans le dossier froisse la députée péquiste locale et ralentisse la progression de celle-ci au sein du gouvernement Marois. Elles vont même jusqu’à nous demander de ne pas venir à une marche organisée dans le quartier. Nous faisons alors face à une tentative de marginalisation complètement improductive, car elle laisserait le champ libre au parti au pouvoir, alors qu’il doit au contraire être talonné sans relâche par l’« opposition officielle » dans le quartier. Nous craignons également de donner l’impression de ne pas nous être intéressés au dossier, alors qu’il est prioritaire pour nous. En gardant tous les canaux de communication ouverts avec la coordination citoyenne du mouvement, QSHM décide alors d’organiser ses propres interventions médiatiques. Nous sommes convaincus qu’en ayant été actifs de manière parallèle sur ce dossier, nous avons appliqué une pression efficace sur le gouvernement pour qu’il accélère la reconstruction des écoles.
Une expérience toute en nuances
Finalement, cette valse entre rôle de soutien et rôle d’animation se transpose au niveau national. La relation entre un parti politique de gauche et les mouvements sociaux a été maintes fois étudiée. Le parti doit-il se limiter à accompagner les mouvements sociaux en reprenant telles quelles leurs revendications dans son programme ? Doit-il, au contraire, maintenir une saine distance avec les mouvements sociaux, et tenter d’incarner une synthèse inspirante et mobilisante de leurs différentes aspirations et intérêts ?
L’expérience locale de QSHM est intéressante dans la mesure où elle offre une lecture nuancée de cette dualité. Pour répondre aux besoins et attentes des différents militants et militantes, il faut entretenir un heureux mélange d’activités internes du parti et d’activités locales. Alors que certains préfèrent la rigueur des assemblées, conseils nationaux et congrès, d’autres préfèrent le contact humain d’une action de mobilisation. Le développement de QSHM s’est d’ailleurs accéléré lorsque nous avons été en mesure d’offrir les deux types d’activités. Tout le monde pouvait alors y trouver son compte et se sentir utile au sein de l’association. Cela a permis d’intéresser sur le moyen et long terme des membres que l’association aurait autrement revus beaucoup moins souvent.
Pour les adeptes d’actions de mobilisation, l’atteinte d’un équilibre entre les pôles de soutien et d’animation est délicate, particulièrement dans un quartier très politisé qui héberge beaucoup de groupes communautaires comme Hochelaga-Maisonneuve. Pour occuper une place importante dans la circonscription, l’association doit avoir le courage de jouer un rôle d’animation même si, pour cela, elle n’aura parfois pas les mêmes intérêts que des groupes déjà existants. Identifier, assumer et tempérer ses divergences fera de l’association une actrice utile à son milieu.
Alexandre Leduc est conseiller syndical à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Il s’implique au sein de Québec solidaire depuis sa fondation et dans l’association de QSHM depuis l’élection de 2008. Il y sera candidat pour la troisième fois à l’élection d’octobre 2018.
Alexandre Leduc
Nouveaux Cahiers du socialisme
https://www.cahiersdusocialisme.org/soutien-ou-animation-quel-role-pour-une-association-de-circonscription-dun-parti-politique-comme-quebec-solidaire/
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