Québec, le 17 mars 2011 - Pour prendre la juste mesure du budget présenté aujourd’hui par le ministre des Finances, la FQPPU estime utile de rappeler les mesures draconiennes adoptées dans celui de l’an dernier dont l’objectif est l’élimination du déficit budgétaire dès 2014, alors que le Canada et l’Ontario se donnent respectivement deux et quatre années de plus pour y parvenir. Parmi ces mesures, mentionnons la forte réduction du rythme de croissance des dépenses de programmes qui va se traduire par des services publics diminués, une hausse générale de la taxe de vente à laquelle s’ajoute une hausse de la taxe sur les carburants, des hausses des droits de scolarité universitaires à partir de 2012 et du tarif de l’électricité patrimoniale à partir de 2014, l’imposition d’une contribution santé, l’annonce d’un projet de ticket modérateur pour les soins de santé et une tarification accrue des services publics. En somme, le grand coup a été porté l’an dernier.
Puiser ainsi sans vergogne dans le portefeuille des moins nantis par un recours accru à une imposition régressive qui les frappe davantage est d’autant plus outrageant au moment même où le gouvernement brade le patrimoine collectif en laissant aller pour une bouchée de pain les droits d’exploration des gaz de schiste et se prive ainsi d’importants revenus, comme vient de l’établir le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. Il faut souhaiter que le gouvernement corrige cette situation comme il l’a évoqué dans le budget en annonçant, sans préciser d’échéance, une révision du régime de redevances.
Malgré l’imposante mobilisation syndicale et populaire en réaction au budget de l’an dernier, qui a culminé le 12 mars dans une manifestation de 55 000 personnes à Montréal, le gouvernement a fait la sourde oreille à ce rejet de ses orientations, dont il n’a pas changé un iota dans le budget déposé aujourd’hui.
Les mesures budgétaires annoncées l’an dernier permettaient de combler 11 des 12 milliards de dollars du déficit anticipé de 2014 selon les prévisions du gouvernement, qui réservait pour les années suivantes l’identification de nouvelles mesures pour éliminer le milliard restant. Le budget d’aujourd’hui n’annonce rien en ce sens. Le gouvernement se félicite d’avoir réalisé ses objectifs de réduction de dépenses pour l’année 2010-2011 et garde le cap sur l’élimination complète du déficit en 2013-2014. Pourtant, il réajuste à la hausse (3,1 % plutôt que 2,9 %) le taux moyen de croissance annuelle des dépenses qu’il prévoit entre 2010 et 2014, ce qui démontre l’irréalisme de ses projections de l’an dernier.
Le plat de résistance de ce budget est l’annonce surprise d’un Plan de financement des universités équitable et équilibré, qui ajouterait annuellement au budget de fonctionnement des universités, entre 2011-2012 et 2016-2017, des sommes additionnelles qui atteindraient 850 millions de dollars dans six ans. Si cette annonce inspire l’optimisme, on ne peut que l’accueillir avec un certain scepticisme, à la lumière des nombreux engagements non respectés du passé.
Par ailleurs, si 430 des 850 millions doivent provenir du gouvernement, 265 viendront de la hausse des droits de scolarité, dont 35 % doivent en principe revenir aux étudiants par l’entremise des Programmes d’aide financière aux études. Les droits de scolarité seront majorés de 325 dollars par année pour une année d’étude de 30 crédits à compter de 2012, ce qui compromettra inévitablement les projets d’études de plusieurs personnes. Il va sans dire que la FQPPU ne souscrit nullement à cette mesure à laquelle elle s’oppose avec tous les syndicats et associations étudiantes des universités québécoises.
Le gouvernement annonce aussi la création de Placements Universités, un organisme destiné à accroître un financement privé des universités, associé à une subvention de contrepartie versée par le gouvernement, que les universités pourront utiliser sans conditions. Le budget est peu loquace quant aux retours d’ascenseurs que les entreprises donatrices seront en droit d’attendre en contrepartie de leurs dons. Il ne donne que l’exemple d’un tel financement privé à l’Université York qui stipule :
Les collaborations avec les entreprises portent sur les stages, les recherches, le recrutement de personnel, le transfert technologique, ainsi que les services de consultation entre les facultés et l’industrie.
L’université permet aux entreprises de mettre en place des programmes encourageant la philanthropie parmi ses employés.
Une entreprise peut associer sa marque de commerce avec l’Université York pour la production de matériel promotionnel et de campagnes de marketing.
L’association des diplômés… propose des partenariats incluant le partage d’une partie des profits avec des entreprises fournissant des biens et des services.
Voilà un exemple frappant de la tendance à l’imbrication de l’université et de l’entreprise privée que la FQPPU déplore et qui s’est manifestée en particulier dans la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation.
Le gouvernement annonce enfin une nouvelle mouture des contrats de performance, qui furent institués à la fin des années 1990 par le ministre péquiste François Legault. Il les désigne par les euphémismes Engagements de performance et Ententes de partenariat, ayant une durée de vie de cinq ans, qui sont conçus comme « un instrument de dialogue continu entre universités et gouvernements ». Il crée enfin un Fonds pour l’excellence et la performance universitaire, doté d’un montant annuel qui doit atteindre 160 millions en 2016-2017.
Au-delà de ces annonces pour l’avenir, les chiffres des crédits alloués pour l’année 2011-2012 quant aux crédits alloués aux universités aux fins de leurs dépenses de fonctionnement montrent une augmentation de 2,8 % par rapport à 2010-2011, ce qui est supérieur aux 2,2 % de la croissance globale des dépenses du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, mais demeure inférieur aux coûts de système. Quant aux fonds alloués aux trois organismes de financement de la recherche (FQRSC, FQRNT et FRSQ), ils augmentent de 19 % par rapport à ceux de 2010-2011, ce qui est apparemment un exploit. Il faut toutefois relativiser cette augmentation par le fait que les crédits dont ces fonds ont bénéficié l’an dernier avaient diminué de 19 % par rapport à ceux de l’année précédente. Cette chute est expliquée dans les documents gouvernementaux par le fait que les trois fonds avaient bénéficié de bonifications pour les seules trois années précédentes. Il faut également souligner que l’essentiel des fonds a été accordé en soutien à la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, qui privilégie l’orientation en faveur des activités liées à la commercialisation de la recherche appliquée, au détriment de la recherche fondamentale.
En somme, un budget qui réaffirme l’orientation gouvernementale en faveur d’une université utilitariste au service de l’entreprise privée.