Les États-Unis, qui ont été le bastion du capitalisme sauvage, oppressif et impérial depuis la fin de la Guerre civile. L’ennemi juré du communisme à la Soviétique, du Parti socialiste américain et de toutes les variantes du socialisme présentes sur le sol américain. Un pays qui s’est servi du Maccarthisme pour arrêter, emprisonner et interroger tout individu suspecté d’être « antiaméricain ». Le pays qui a assassiné Martin Luther King, Malcolm X, Fred Hampton (Black Panther) et les frères Kennedy soupçonnés d’être « soft » sur le communisme. Nous pourrions écrire une encyclopédie sur les actions du FBI, de la CIA et d’autres corps policiers qui ont tenté de détruire toute présence des idéologies issues de la gauche radicale, tant aux États-Unis qu’à l’international.
Ceci ne veut pas dire que le FBI et compagnie ont délaissé aujourd’hui cette chasse aux sorcières. Mais alors, toujours dans un contexte où l’idéologie capitaliste est dominante, nous pouvons nous demander comment les forces de la gauche américaine ont pu répandre l’idée et le mot « socialiste » et soulever les discussions, les adhérences et réduire la peur qui a toujours existé autour du socialisme aux États-Unis.
Depuis plusieurs années, avant les élections de 2016 et avant une avalanche de nouveaux et nouvelles membres pour le DSA (Democratic Socialists of America), les militants et militantes de gauche avaient conçu une stratégie de propagande basée sur le pragmatisme. Cette vieille philosophie a toujours été au cœur des débats pour avancer avec des solutions concrètes. Pour les travailleurs et travailleuses, il faut chercher ensemble des solutions pratiques à nos problèmes, mais pour les militants et militantes socialistes, il fallait aussi faire la jonction avec l’avenir, qui était le socialisme.
La question de la démocratie aux États-Unis a toujours été une question de classe, opposant la classe ouvrière et les salarié-e-s en général à des élections présidentielles financées par et pour les grandes fortunes. La démocratie américaine a pratiquement toujours été une affaire de riches, avec la bourgeoisie américaine (le fameux 1%) qui, à travers leurs partis (démocrate et républicain), indique aux travailleurs et travailleuses que cette démocratie ne leur appartient pas. Aujourd’hui, les militants et militantes socialistes parlent de socialisme démocratique.
Dans une veine similaire, quand ces militants et militantes parlent des coûts de la médecine privée, ils et elles prônent alors la santé universelle. De même pour les coûts des médicaments, et l’emprise des compagnies pharmaceutiques – la réponse socialiste vise un contrôle étatique. Dans plusieurs autres domaines, c’est la même stratégie qui est appliquée, entre réforme et révolution sociale. Rosa Luxembourg serait fière de voir que son meilleur livre, « Réforme et Révolution » est toujours en vie, et même aux États-Unis.
Il y aussi toute une approche de propagande, car oui il y a de la propagande de gauche, qui circule sur l’idée du socialisme. Le directeur de la revue marxiste Jacobin, Bhaskar Sunkara, vient de publier aux éditions Basic Books un manifeste socialiste, intitulé « The Socialist Manifesto : The Case for Radical Politics in an Era of Extreme Inequality ». Sunkara commence ce manifeste avec l’exemple d’un travailleur dans une usine du New Jersey, pour lui expliquer les hauts et les bas du marché du travail que subissent constamment les travailleurs et travailleuses sous le capitalisme. Il fait ensuite un résumé de l’histoire du mouvement socialiste dans le monde et aux États-Unis, et il finit avec un programme socialiste applicable pour la classe ouvrière américaine. Tout ceci est illustré avec des exemples, des solutions pragmatiques et dans un langage clair et compréhensible.
Il faut aussi dire que le socialisme perce les pages des grands quotidiens américains présentement. Sunkara a récemment écrit dans le Washington Post (voir l’édition du 23 août 2019), où il a ciblé Joe Biden comme un défenseur du 1%. Le Washington Post savait sûrement que Sunkara est ouvertement socialiste, défenseur de Bernie Sanders et directeur de la revue Jacobin. Alors, pourquoi lui ouvrir les pages du prestigieux Washington Post ?
Il ne faut pas oublier aussi le livre de Bernie Sanders « Political Revolution », où Sanders évoque la nécessité pour les travailleurs et travailleuses de prendre en main le processus politique et ainsi leur destinée. Son livre est paru après l’élection de 2016 et a connu un succès fulgurant.
Journaux et revues de gauche circulent également dans les localités à travers les États-Unis. Plusieurs organisations comme « l’Oakland Workers Collective », une des plus militantes aux États-Unis, ont un petit feuillet qu’elles distribuent dans leurs villes, leurs quartiers et sur les campus. Ceci ne s’est pas vu depuis les premières années du mouvement des droits civiques et de la lutte contre la Guerre du Vietnam.
Certes, il ne faut pas tomber dans le piège du rêve et de l’utopie. L’idée du socialisme, indépendamment des grands pas faits depuis les élections présidentielles de 2016, n’est pas encore sur le bout des lèvres, ni dans l’esprit de chaque Américain et Américaine, même si elle est mentionnée à CNN et à FOX News quand ces médias invitent Bernie Sanders.
Il faut analyser et apprécier les avancées de la gauche américaine présentement, mais il ne faut pas oublier que la nouvelle lutte contre le capitalisme aux États-Unis n’est qu’à ses débuts. La contre-attaque par la bourgeoisie américaine viendra sûrement, comme nous l’avons déjà mentionné avec les quelques exemples du passé. Plus l’idée du socialisme va progresser, plus les obstacles vont apparaître, et particulièrement ceux venant des forces d’extrême droite et fascisantes. C’est la raison pour laquelle la gauche radicale américaine, qui est très consciente de la situation, travaille pour élargir sa base d’appui au sein du mouvement syndical et ouvrier, notamment avec les grandes grèves des enseignants et enseignantes, afin d’élargir le mouvement socialiste et de se préparer pour toute opposition éventuelle venant de la bourgeoise américaine.
Dans mon prochain blogue, nous regarderons en détail cette approche stratégique mise de l’avant par les militants et militantes socialistes.
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