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Politique canadienne

Réfugiés : Le projet de loi C-31 met la vie de réfugié-es LGBTQ à risque

[20-06-2012]
En février dernier, le gouvernement fédéral soumettait au parlement le projet de loi C-31 : Loi visant à protéger le système d’immigration au Canada[1]. Le projet de loi C-31 est un autre projet de loi omnibus que le gouvernement conservateur veut adopter en toute vitesse et sans réel débat, ces jours-ci, à la Chambre des communes. Malgré son nom qui prête à confusion, ce projet de loi concerne plutôt les réfugié(e)s et non les immigrant(e)s. Malheureusement, le projet de loi C-31 déplorable aura des graves conséquences pour tous les réfugié(e)s, y compris les réfugié(e)s LGBT.

(Tiré de Fugues, juillet 2012)

De plus en plus d’individus et d’organismes ont dénoncé le projet de loi C-31 et continuent à la faire. Parmi eux, mentionnons, le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie internationale, l’Association canadienne des libertés civiles, Solidarité sans frontières et la Human Rights Watch. Depuis le début, les organismes ethnoculturels et racisés LGBT ont mobilisé leurs communautés et la population pour lutter contre ce projet de loi et les informer des conséquences négatives sur la vie des personnes réfugié(e)s LGBT. D’ailleurs, l’organisme AGIR (Action LGBTQ avec les immigrants et réfugiés) a créé et mis sur Youtube un courts-métrage intitulé Arrêtez le projet de loi C-31 : Une loi contre les réfugié(e)s[2]. En plus, AGIR, Au-delà de l’arc-en-ciel (ADA), Arc-en-ciel d’Afrique, Gais et lesbiennes asiatiques de Montréal (GLAM), Helem Montréal, Action santé travesti(e)s et transsexuel(le)s du Québec (ASTT(e)Q) et le Conseil Québécois des gais et lesbiennes (CQGL) ont émis un communiqué de presse et une lettre ouverte afin de dénoncer ce projet de loi discriminatoire.

Après quelques mois de pression publique, le ministre de Citoyenneté et de l’Immigration, Jason Kenney, a annoncé des modifications sur le projet de loi C-31. Par exemple, au lieu de mettre certaines demandeurs d’asile, identifié comme des « arrivées irrégulières », en détention obligatoire pour une durée d’au moins un an, sans droit de revue de détention, ces personnes auront des contrôles de détention après 2 semaines et puis après 6 mois. Malheureusement, cette modification ne protégera pas davantage les personnes LGBT des dangers auxquels ils doivent faire face dans le milieu carcéral, milieu où ces personnes restent d’autant plus vulnérables face à l’homophobie et la transphobie systémique et interpersonnels. De plus, cette modification n’affectera pas le pouvoir que le ministre s’arroge d’identifier, à lui seul, ces supposées « arrivées irrégulières » et ce dès qu’au moins deux personnes réfugiées du même pays arrivent ensembles. Autre modification apportée au projet de loi, est l’annulation de la « clause de cessation », qui stipulait que le statut de résident permanent pouvait être enlevé à une personne si le ministre jugeait que le pays originaire de cette personne était soit disant « sécuritaire ».

Cependant, malgré ces modifications, de nombreux aspects de ce projet de loi mettront en danger la vie des réfugié(e)s LGBT. D’ailleurs, les organismes assurant la défense des réfugié(e)s lesbiennes, gais, bisexuel-les et trans s’inquiètent que le projet de loi C-31 prévoit que les demandeurs de statut de réfugiés en provenance d’un pays dit « sécuritaire » verront le processus d’examen de leur demande accéléré et sans droit d’appel ; que ce projet de loi permette au ministre de désigner les pays « sécuritaires » selon son bon vouloir et sans consultation. Encore plus inquiet de constater que le ministre ne définit pas les paramètres d’analyse de ladite notion de sécurité ce qui, dans l’état actuel des décisions prise par ce gouvernement, laisse planer des doutes sur la capacité du ministre de juger adéquatement les demandes d’asile.

D’autant plus que dans de nombreux pays, la persécution et les sévices quotidiens vécus par les personnes LGBT proviennent souvent d’individus et de groupes sociaux ou politiques avec l’aval de l’État. Dans certains pays l’État se fait même complice de meurtres commis contre les personnes LGBT, par l’entremise des forces militaires, policières et des institutions judiciaires. En conséquence, l’acheminement de chaque demande de statut de réfugié doit être spécifique au contexte vécu par cette personne et tous les facteurs qui contribuent à la persécution de cette personne doivent être soigneusement considéré et ce projet de loi tel que formulé empêche ce processus d’analyse.

Au même temps d’avancer le projet de loi C-31, le gouvernement fédéral ont présenté certaines modifications réglementaires des politiques sur les réfugié(e)s. Une modification réglementaire puisse
instaurer une période de résidence permanente « conditionnelle » pour certain(e)s conjoint(e)s parrainé(e)s par des réfugié(e)s en plus de retirer l’accès à certaines médicaments et services essentiels à certains demandeurs d’asile et réfugié(e)s. L’introduction d’une période de résidence permanente « conditionnelle » et les changements au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) sont des modifications réglementaires mis en place par le gouvernement sans consultation et sur la base d’informations erronées.

Le projet de loi C-31 et les modifications réglementaires, tels que formulés, vont mettre la vie de réfugié(e)s LGBT à risque. En accolant C-31 aux autres changements des politiques de l’immigration, on peut questionner les motivations réelles des conservateurs à l’égard des réfugié(e)s.

Bref, ce nouveau projet de loi est une honte. C-31 va non seulement à l’encontre de la Charte Canadienne des Droits et Libertés, de la Convention de Genève et de la Convention relative aux droits de l’enfant, mais il va aussi à l’encontre la Loi C-11, adoptée l’année dernière à la Chambre des communes, et que le gouvernement conservateur refuse toujours de mettre en application.

Au cours des derniers mois, la société québécoise se voit bouleversée par les mouvements étudiants et sociaux qui remettent en cause, entre autre chose, les politiques néolibérales du gouvernement. Parmi les nombreuses questions soulevées par les manifestant(e)s, nous retrouvons celle liée aux valeurs que nous souhaitons mettre de l’avant pour notre société. J’espère que les valeurs d’entraide et de la solidarité l’emporteront et que ces vents de changements et d’ouverture toucheront aussi notre lutte contre le projet de loi C-31. J’espère que la justice et la dignité des immigrant(e)s et des réfugié(e)s, y compris celles et ceux issues des communautés LGBT, pourront jouir d’un système d’immigration qui donne la priorité à notre humanité et ce, même si au moment où vous lisez ces lignes, le projet de loi C-31 sera probablement adopté.

[1] ccrweb.ca/fr/la-reforme-refugies
[2] www.youtube.com/watch?v=n4vNH2TuAR0 (version française)
www.youtube.com/watch?v=sCNmiTyz_Jc&feature=relmfu (version angla

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