Développement des réseaux de pipelines, nouvelle campagne de forages en Arctique, réouverture du gaz et du pétrole iranien au marché mondial de l’énergie ; en pleine préparation de la conférence des nations unies sur le climat (COP21), l’objectif des gouvernements et compagnies exploitant les hydrocarbures ne semble pas tourné vers une transition énergétique pourtant nécessaire. Bien au contraire, la période 2015-2030 est planifiée pour une augmentation massive des infrastructures permettant l’exploitation et le transport des énergies fossiles.
Grands contributeurs de la production de gaz à effet de serre, les hydrocarbures comme le gaz naturel et le pétrole constituent également une importante réserve d’énergie nécessaire au maintien et à l’expansion de l’industrie moderne. Par ailleurs, la connaissance et les infrastructures requises pour produire les carburants et produits dérivés à partir d’énergies fossiles ne peuvent être amorties que sur de longues périodes d’exploitation. Le monde capitaliste n’a, dès lors, aucun intérêt à entamer une transition énergétique tant que les dernières gouttes d’hydrocarbures n’auront pas été extraites du sous-sol. Dans cette optique, de grands chantiers déjà entamés entraineront une augmentation toujours plus rapide de l’exploitation et de la consommation des énergies fossiles dans les années à venir.
Augmentation des réseaux de distribution d’hydrocarbures
En juin dernier, la Suisse se glorifiait de sa participation au projet de gazoduc trans-adriatique devant relier le gaz naturel de la mer Caspienne au marché européen. Ces chantiers déjà importants ne sont que le début d’un vaste projet d’extension visant à quadrupler la capacité des moyens de transport d’hydrocarbures d’ici 2030. Sur les 15 prochaines années, les principales régions exportatrices d’énergie fossile (Moyen-Orient, Asie centrale, Russie etc.) seront reliées par un gigantesque réseau de pipelines et routes maritimes aux plus importants consommateurs que sont les Etats-Unis, la Chine et l’Europe.
En parallèle, de nouvelles usines de production de gaz naturel liquéfié verront le jour en Amérique du Nord, en Russie, en Afrique et en Indonésie. Le processus de liquéfaction du gaz étant coûteux en énergie, la production de CO2 est plus importante qu’avec le gaz non-liquéfié. Il semble que, pour certains, l’investissement dans des énergies plus polluantes ne représente aucun problème alors que l’impact des changements climatiques se fait toujours plus visible.
Outre l’augmentation de la consommation d’hydrocarbures, le transport d’énergies fossiles présente des risques environnementaux avec de graves conséquences pour les populations affectées. Taux de cancers et de mortalité supérieur à la moyenne, malformation des nouveau-nés, maladies de la peau etc. sont autant de fléaux qui accablent les communautés touchées par la pollution des eaux potables et des sols engendrées par des accidents liés au transport de gaz et de pétrole.
Les « nouveaux » réservoirs de l’or noir
De leur côté, les Etats-Unis se sont lancés depuis 2008 dans une transition énergétique du charbon… au gaz naturel. Certes, les émissions de gaz à effet de serre s’en trouvent réduites, mais à quel prix ? Ce virage énergétique s’est négocié avec l’investissement massif dans l’exploitation du gaz de schiste. Ce type d’exploitation, plus complexe et coûteux que le gaz conventionnel, demanderait donc une exploitation à plus long terme pour assurer sa rentabilité. C’est là-dessus que tablait l’administration Obama et les compagnies d’exploration et de production qui annonçaient fièrement une forte augmentation de la production de gaz naturel étatsunien jusqu’en 2040. Or, les dernières estimations indiquent que les principaux puits de gaz de schiste seront à sec d’ici 2 ou 3 ans maximum.
Est-ce un hasard si, le 17 août dernier, le Département de l’Intérieur des Etats-Unis autorisait Shell à reprendre l’exploitation d’hydrocarbures au nord de l’Alaska ? Pour rappel, Shell avait déjà tenté d’établir une plate-forme de forage en Arctique en 2012, mais une tempête avait envoyé la plate-forme s’échouer sur une île à l’ouest du golf d’Alaska. La compagnie a cependant reçu son autorisation sans fournir aucun plan garantissant que de tels accidents ne se reproduiraient pas.
Et que penser de l’accord du 14 juillet sur le nucléaire iranien ? Grand enjeu de ces négociations : la levée des sanctions économiques pour début 2016 permettra le retour des ressources énergétiques iraniennes sur le marché international. 4e réserve de pétrole et 1re réserve de gaz naturel mondiale, seul le développement des infrastructures d’exploitation manquent à l’Iran pour devenir l’une des premières puissances exportatrices d’énergies fossiles. La ruée des investisseurs (allemands et français en tête) à Téhéran démontre leur volonté d’aller dans ce sens.
Et le climat dans tout ça ?
Les négociations prévues à Paris cet hiver semblent vides de sens face à la volonté évidente des grandes puissances économiques de booster les capacités d’exploitation et de distribution des énergies fossiles dans les prochaines décennies. Le signal est clair, face aux intérêts de l’économie capitaliste, seules les mobilisations populaires seront à même d’établir une transition énergétique permettant l’établissement d’une société durable, capable de remédier aux effets du changement climatique.
Florian Martenot
P.-S.
* « QUEL FUTUR POUR LES HYDROCARBURES ? ». Paru dans solidaritéS (Suisse) n° 275, p. 10. http://www.solidarites.ch/journal/