Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Ukraine - Les enjeux

Qu'est ce que cette guerre étrange en Ukraine où on demande au pays envahi de se soumettre à la volonté de l’envahisseur ?*

Évidemment, rien de plus normal que l’actuelle escalade de la guerre en Ukraine fasse peur.

*par Yorgos Mitralias*

*Et aussi, rien de plus normal que la possession de l’arme nucléaire par l’une des forces impliquées (la Russie) donne lieu à des inquiétudes tout à fait justifiées. Cependant, rien ne pourrait justifier l’actuel -énième depuis presque quatre ans- déchaînement de déclarations alarmistes qui se concluent toujours par des appels adressés non pas à l’envahisseur possédant l’arme nucléaire (la Russie) mais au pays envahi (l’Ukraine) de se montrer raisonnable, en faisant des concessions pour ne pas provoquer l’ire nucléaire de son ennemi envahisseur ! *

Conclusion logique : face à une puissance possédant l’arme nucléaire, les pays qui n’en possèdent pas ont le devoir de ne pas résister et d’accepter de se soumettre sans discussion. En somme, tous ceux qui se sont battus becs et ongles dans le passé contre des puissances nucléaires, n’étaient que des décervelés irresponsables qui s’en foutaient éperdument du mal qu’ils faisaient au reste de l’humanité ! Comme par exemple, *les Vietnamiens * qui se sont battus avec le succès que l’on sait, contre la superpuissance nucléaire nord-américaine ou *les Algériens* qui ont fait de même contre la puissance nucléaire française. Ce qui nous conduit également logiquement à considérer (rétroactivement) ceux qui ont soutenu ces Vietnamiens et ces Algériens luttant pour leur liberté et leur autodétermination, comme des aventuriers politiques, des inconscients et des apprentis sorciers qui jouaient avec le sort de l’humanité…

En réalité, ces appels des bien pensants de tous bords -de gauche et de droite- à la raison des... victimes, n’a de nouveau que leur trop claire référence à l’arsenal nucléaire de l’envahisseur russe. Car ça fait déjà presque quatre ans, qu’on entend la même litanie des mises en demeure adressés aux Ukrainiens, les invitant à céder une partie de leur pays afin de ne pas trop énerver M. Poutine. Ce qui nous oblige à (ré)proposer, sans changer un seul mot, ce qu’on écrivait déjà en juin 2022, quelques mois après le début de cet interminable guerre que nous qualifions déjà d’ "étrange" en acceptant comme allant de soi que « *les deux pays en guerre n’ont pas les mêmes droits et ne se battent donc pas à armes égales * » :

“*Cette guerre est « étrange » parce que la plupart de ceux qui se déclarent solidaires de la lutte du peuple ukrainien sont en même temps opposés à l’envoi d’armes qui permettraient à ce peuple de se défendre de manière un tant soit peu efficace. En d’autres termes, ils sont solidaires d’eux à condition qu’ils ne puissent pas se défendre, et qu’ils se contentent du rôle… de cadavre héroïque !*

*Mais les « bizarreries » de cette guerre – qui n’en est pas une – n’ont pas de fin. Par exemple, comment expliquer le fait – sans précédent dans l’histoire mondiale – que les deux pays en guerre n’ont pas les mêmes droits et ne se battent donc pas à armes égales ? C’est-à-dire que tandis que l’un (la Russie qui agresse) a le droit d’avoir une force aérienne, l’autre (l’Ukraine qui se défend) ne l’a pas. Que l’un (la Russie) a le droit de monopoliser le ciel de l’autre (l’Ukraine), tandis que cet autre – qui est en fait celui qui se défend – n’a que le droit de se faire arroser de bombes et de missiles tombés du ciel. Et aussi, alors que la Russie peut avoir et utiliser des armes lourdes de toutes sortes et sans aucune restriction, l’Ukraine qui se défend ne peut utiliser que des armes « défensives » et aucune arme « offensive ». Et en plus, alors que la Russie peut bombarder l’Ukraine en canonnant et en tirant des missiles depuis les territoires russe et biélorusse, il est expressément interdit à l’Ukraine de riposter en frappant des cibles à l’intérieur de la Russie et du Belarus, etc. etc*

*Mais, le plus « étrange » dans cette guerre, n’est pas que l’Ukraine ait été soumise à toutes ces restrictions scandaleuses de son droit (inaliénable) à se défendre comme elle l’entend. Le plus « étrange », c’est surtout que tous les gouvernements occidentaux et tous les médias occidentaux non seulement soutiennent ces « restrictions », qui n’ont aucun précédent dans l’histoire des guerres, mais les présentent en permanence comme évidentes, allant de soi, indiscutables et incontestables ! Et le résultat de cette situation scandaleuse est que lorsque Zelensky ose défier l’une de ces « restrictions », par exemple en demandant des avions pour protéger ses villes et leurs habitants, non seulement sa demande est instantanément rejetée, mais elle est également qualifiée d’inappropriée et… « dangereuse »…*

*La raison de ce traitement « étrange » de l’Ukraine par les ennemis, et surtout par les amis, s’est fait connaître progressivement, au fil du temps, et seulement à partir du moment où la possibilité d’un échec ou même d’une défaite de l’« opération militaire spéciale » russe a commencé à être envisagée : l’Ukraine n’a droit qu’à une défense de basse intensité contre l’invasion russe parce que… « Le président Poutine ne doit être ni vaincu ni humilié » ! Et pas seulement ça. Les partisans de cette position qui ne sont pas seulement des réactionnaires avérés comme Orban ou le vieux zombie qu’est Kissinger, mais aussi des démocrates néolibéraux plus présentables, comme tous les dirigeants occidentaux, Macron en tête, ne cessent d’affirmer avec une insistance croissante qu’« il doit y avoir une porte de sortie pour Poutine », une proposition qui lui permette de gagner quelque chose dans cette guerre afin d’éviter d’affronter ses compatriotes les mains vides au moment du décompte final. Et tout cela pour qu’il ne soit pas évincé et pour qu’il reste au pouvoir, ce qui est d’ailleurs ce qu’ils souhaitent tous publiquement ! Et pour atteindre cet objectif, non seulement ils commencent à « conseiller » de plus en plus instamment à Zelensky d’abandonner sa « rigidité » actuelle, de devenir plus
« réaliste » et d’accepter de donner à Poutine une partie de son pays. Mais ils ont aussi le culot de commencer à discuter entre eux quelle partie de l’Ukraine ils pourraient céder, ces impérialistes occidentaux (!), à Poutine, dans le dos des Ukrainiens et de leur gouvernement !*

*Bien que nous ayons ici un cas carabiné de l’interventionnisme et du paternalisme impérialiste le plus scandaleux, il y a peu de gens de gauche qui osent faire ce qui va de soi, à savoir le dénoncer publiquement, comme il le mérite. Et malheureusement, sont encore moins nombreux ceux qui osent soutenir le droit encore plus évident et élémentaire des Ukrainiens – qu’ils défendent bec et ongles – de se battre jusqu’au bout et par tous les moyens contre les envahisseurs russes, en décidant eux-mêmes librement et démocratiquement, et sans aucune ingérence étrangère hostile ou « amicale », de l’avenir de leur pays et des personnes qui y vivent !*

*En fait, un regard sur le passé très récent montre que l’attitude actuelle de l’Occident à l’égard de la Russie n’est pas surprenante, mais, contrairement à ce que pensent certains poutinistes plutôt naïfs, elle s’inscrit dans la continuité de sa position ferme en faveur du développement sans entrave de ses relations économiques avec ce pays, véritable eldorado pour ses capitalistes. En effet, rappelons-nous quelles ont été les premières réactions de tous ses dirigeants (Biden, Macron, Johnson…) dans les heures et les jours qui ont suivi l’invasion russe en Ukraine : Ils ont suggéré à Zelensky de l’exfiltrer d’Ukraine, car eux-mêmes et les médias de leur pays croyaient fermement que l’occupation de Kiev, et du pays entier, par l’armée russe était une question de quelques jours.*

*Tout a changé lorsque Zelensky a exhorté ses compatriotes à résister, en répondant à la proposition de Biden par la phrase désormais historique « La bataille sera menée ici, en Ukraine. J’ai besoin d’armes, pas d’un taxi » ! Et en effet, c’est parce que le peuple ukrainien a résisté et résiste encore bec et ongles, provoquant une vague de sympathie et de solidarité sans précédent dans l’opinion publique internationale, qu’il a de fait forcé les gouvernements occidentaux à faire quelque chose qui n’était pas dans leur agenda et qui était radicalement différent de la passivité dont ils ont fait preuve lorsque Poutine a occupé et annexé la Crimée en 2014 : Soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine et imposer des sanctions économiques de plus en plus sévères à la Russie de Poutine et à ses oligarques »*.(1)

Notes

*1.*
*https://www.pressegauche.org/Qu-est-ce-que-cette-guerre-etrange-ou-on-interdit-a-l-Ukraine-que-Poutine-soit*
<https://www.pressegauche.org/Qu-est...>

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Yorgos Mitralias

Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.

http://www.contra-xreos.gr

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