Nous pouvons légitimement questionner l’intervention policière. Aurait-il pu en être autrement ? Est-ce possible que la négociation ait été quelque peu mise de côté dans les pratiques policières ? Est-ce possible que les policiers aient pris peur ? Est-ce possible que les policiers traitent différemment les sans-abris ? Toutes ces questions ont leurs place et méritent d’être posées.
La question d’un processus d’enquête indépendant a également fait couler beaucoup d’encre. À mon avis, la réponse à cette question est assez simple, bien sûr que c’est nécessaire !!! Et il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures pour comprendre pourquoi.
Dans cet article, cependant, j’aimerais m’attarder au traitement que notre société accorde aux personnes psychiatrisées et itinérantes.
Tout d’abord laissons tomber le stéréotype des policiers mal intentionnés, qui veulent tuer et espèrent dégainer, nous savons tous au fond qu’il n’en est rien. Cependant, une chose apparaît cependant comme assez claire, les itinérants sont victimes d’une violence structurée à laquelle participe le corps policier de Montréal. Mais les citoyens, les institutions, le système en soi sont aussi d’une grande violence envers les itinérants et les personnes psychiatrisés. Les regards méprisants des passants, le traitement parfois assez corsé des centres hospitalisés, les besoins de base difficilement comblés, le rejet d’une société, voilà ce à quoi ils font face tous les jours.
Le vieux préjugé voulant que l’itinérance soit un choix contribue à cet état de fait. L’itinérance et la santé mentale sont souvent mal comprises de la population en général, policiers compris. Quand ces personnes ne sont pas perçues comme dangereuse, elles sont responsabilisées vis-à-vis de leurs conditions de vie. Mais quelles responsabilités avons-nous comme société ?
Au plan sociétal, quelques éléments peuvent expliquer l’itinérance ; la précarisation du travail salarié, la crise du logement, les problèmes de santé liés à l’abus de substances et la désinstitutionalisation.
Attardons nous un instant sur ce dernier facteur, la réforme des services de santé mentale au Québec a entraîné la fermeture de plusieurs lits dans les hôpitaux psychiatriques. À l’époque ont avait promis de réinvestir dans les ressources de suivis dans la communauté, dans les approches alternatives en santé mentale. Force est de constater que ces promesses n’ont pas été tenues.
Un grand nombre de personnes souffrant de troubles mentaux sévères et persistants se sont retrouvés à la rue, laissées à elles-mêmes. Aujourd’hui, elles entrent en urgence dans nos hôpitaux, et sont rapidement stabilisées et retournées à la rue subito resto. Sur les tables de consultation en itinérance, les grands refuges de Montréal le nomment très clairement : les refuges ne sont plus de simples refuges pour personnes itinérantes, ce sont des asiles. Des asiles sans médecins, sans intervenants qualifiés, sans ressources, arrivant tout juste à répondre aux besoins de base des individus.
La réalité est que Mario Hamel était, comme plusieurs autres, un homme malade. Un homme malade qui a tord ou à raison a été perçu comme dangereux, et qu’on a abattu. La triste réalité est que dans l’état actuel des choses notre société se montre incapable de protéger adéquatement les personnes aux prises avec un problème de santé mentale. Malgré cela on continue à couper dans les services en santé mentale, dans les ressources, dans le financement aux organismes communautaires. La responsabilité policière c’est une chose et je ne la mets pas de côté, mais je repose la question une dernière fois, qu’en est-il de notre responsabilité comme société ?
Photo : Radio-Canada