6 juin 2024 | tiré du site de l’IRIS
https://iris-recherche.qc.ca/.../reforme-hydro-quebec.../...
Description du modèle actuel et de la modification envisagée
Contrairement à une idée reçue, la société Hydro-Québec ne détient pas le monopole de la production d’électricité. En effet, 17% de l’électricité produite au Québec est de source privée. Par exemple, les installations hydroélectriques de Rio Tinto Alcan représentent environ 5% de la puissance hydroélectrique d’Hydro-Québec. L’aluminerie utilise l’énergie produite pour ses propres besoins industriels.
À l’heure actuelle, les surplus que les producteurs privés ne consomment pas sont obligatoirement achetés par Hydro-Québec Distribution, qui détient le monopole de la vente d’électricité. Le schéma ci-dessous illustre le modèle actuel.

Source : Éric Pineault, « Appropriation énergétique des territoires et capacité de planification », présenté dans le cadre du webinaire HEC-UQÀM Quelle place à la production privée et à la vente libre d’électricité dans la transition au Québec ?, 13 mars 2024, en ligne, https://www.youtube.com/watch?v=3LMovII5TRY.
Le projet de loi déposé aujourd’hui modifie cette prérogative et permet à des producteurs privés de vendre par eux-mêmes de l’électricité à des consommateurs privés adjacents au site de production d’électricité. La CAQ facilite ainsi la création d’un marché de production et de vente de gré à gré dont la société d’État Hydro-Québec est exclue. Le schéma ci-dessous illustre cette libéralisation.

Source : Éric Pineault, « Appropriation énergétique des territoires et capacité de planification », présenté dans le cadre du webinaire HEC-UQÀM Quelle place à la production privée et à la vente libre d’électricité dans la transition au Québec ?, 13 mars 2024, en ligne, https://www.youtube.com/watch?v=3LMovII5TRY.
Faire comme l’Alberta ?
Le projet de loi déposé aujourd’hui, dont l’objectif est de transformer le cadre réglementaire entourant la distribution et la production d’électricité au Québec de manière à attirer des investissements privés, s’inspire du modèle développé en Alberta. Dans cette province, le secteur de l’électricité est libéralisé, c’est-à-dire que la production et la distribution sont contrôlées par des entreprises privées, à l’instar de l’époque pré-nationalisation au Québec. Cette volonté de s’inspirer du modèle albertain en dépit de ses échecs est questionnable, mais n’étonne pas : tout indique au contraire qu’il s’agit du modus operandi de la CAQ en matière de réforme des services publics. Par exemple, la réforme Dubé du réseau de la santé et la création de l’agence Santé Québec est un copier-coller du modèle albertain, malgré l’existence d’une documentation étoffée sur les faillites de cette approche centralisatrice.
Quels objectifs poursuit la CAQ ?
Les modifications réglementaires proposées dans le projet de loi 69 ont pour objectif d’attirer des capitaux privés afin d’augmenter les investissements dans la production d’électricité renouvelable et ainsi augmenter la capacité du Québec à accueillir des entreprises désireuses de développer des projets industriels alimentés en énergies renouvelables. Le but est d’accroître la production d’électricité sans engager les fonds publics colossaux requis. Cette approche s’appuie sur deux piliers principaux : (1) élargir l’accès du secteur privé à la possibilité de réaliser des profits sur la vente d’électricité ; et (2) laisser au secteur privé les gisements électriques (gisements éoliens, remplacement de turbines de barrages) les plus intéressants sur le plan commercial afin de stimuler des investissements. À ce titre, les crédits d’impôt remboursables du gouvernement fédéral pour la production d’énergies renouvelables stimulent les investissements privés dans ce secteur, tel que le projet de production d’hydrogène par énergie éolienne de l’entreprise TES Canada, en Mauricie.
La société Hydro-Québec, troisième plus grande entreprise d’hydroélectricité au monde, dispose pourtant d’une partie des leviers financiers nécessaires pour engager des investissements dans de nouvelles infrastructures ou pour la rénovation des infrastructures existantes. Le fait qu’elle doive remettre à l’État 75% de ses bénéfices annuels, plutôt que 50% comme c’était le cas jusqu’en 2008, amoindrit cependant sa capacité d’investissement. De plus, au lieu de mobiliser ces fonds pour faire des investissements structurants, la CAQ entend s’en remettre à des capitaux privés pour financer en partie le plan d’action d’Hydro-Québec, qui prévoit des investissements additionnels de 180 milliards $ d’ici 2035.
Les entreprises privées du secteur de l’énergie et le précipice écologique
En permettant à des entreprises privées de produire et de vendre de l’électricité de façon autonome sur le territoire québécois, la CAQ empêche la planification de la transition énergétique et l’allocation de cette ressource publique à des fins de viabilité tant écologique qu’économique. Pour la CAQ, l’apparition d’un champ d’éoliennes privé alimentant une usine voisine de batteries destinées à propulser des VUS électriques est synonyme de développement économique et de transition. Or, il s’agit d’une politique énergétique et industrielle de courte vue qui repousse le moment d’une véritable transition écologique. La libéralisation du marché de production-distribution d’électricité rend difficile la planification publique de la consommation des ressources d’électricité, qui doit avant tout être guidée par des principes de diminution de la consommation énergétique.
La plus grave crise de l’histoire des sociétés humaines — la crise écologique et les changements climatiques — est causée en grande partie par le fait que le secteur névralgique de l’énergie a été laissé aux mains de grandes entreprises fossiles, qui l’ont alors réduit à une occasion d’affaires, en dépit des conséquences écologiques de cette approche. Le développement des bien mal nommées « énergies renouvelables », qui demeurent dépendantes de ressources rares, doit au contraire absolument être affranchi de la logique de profitabilité et orienté vers la transition énergétique ainsi que la diminution de la demande énergétique.
Conclusion : la privatisation de la transition
La CAQ considère la transition énergétique comme une occasion d’affaires et met de l’avant une politique énergétique qui favorise la surconsommation d’électricité. Or, la sortie des énergies fossiles, dont la consommation énergétique québécoise demeure dépendante à 50%, implique plus que jamais de conserver le caractère public du secteur de l’électricité au Québec, afin d’en faire un outil de transition écologique et de planification économique. Tout indique que le projet de loi déposé aujourd’hui nous en éloigne.
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