Le 16 mai dernier, le Département de la Défense des États-Unis (DoD) a annoncé qu’il finançait la minière Lomiko Metals Inc. (Lomiko) à la hauteur de 8,35 M $US pour développer son projet de mine à ciel ouvert de graphite au Québec dans la Petite-Nation, au cœur de la zone récréotouristique du triangle Montréal/Ottawa/Mont-Tremblant. Le ministère fédéral canadien de l’Énergie et des Ressources naturelles ajoute également une subvention de 4,9 M $CAD. Ce projet ne bénéficie d’aucun appui des populations et organisations locales. Celles-ci, soutenues par plusieurs groupes environnementaux nationaux, dénoncent vivement cette ingérence américaine dans l’appropriation du territoire québécois à des fins militaires. Le 6 août 2023, 450 personnes ont manifesté dans les rues de Lac-des-Plages contre ce projet minier. Des dizaines de pancartes contre l’activité minière sont affichées partout dans la région.
Depuis des années, sans en faire la démonstration, Lomiko Metals fait la promotion de ce projet minier comme étant essentiel à la transition énergétique et à l’électrification des transports. L’investissement massif d’intérêts militaires étrangers avant même la réalisation des évaluations environnementales constitue aujourd’hui un retournement majeur pour la vocation du projet et un choc pour la population.
Vers une militarisation généralisée du sous-sol du Sud du Québec ?
Le projet de mine à ciel ouvert La Loutre de Lomiko n’est pas le seul à provoquer des levées de boucliers dans le Sud du Québec où un boom minier fait rage depuis 2020. Que ce soit en Outaouais, dans les Laurentides, dans Lanaudière ou en Mauricie, des municipalités et des communautés locales considèrent l’industrie minière comme une menace environnementale et sociale et non comme une solution.
La subvention par ce même DoD des États-Unis d’un projet de mine de cobalt de la minière Fortune Minerals dans les Territoires du Nord-Ouest fait craindre que des projets équivalents en phase exploratoire reçoivent le même traitement de faveur au détriment du consentement des gens de la Mauricie et de Lanaudière, notamment.
Québec complice ?
Dans un monde de plus en plus en conflits, il est établi depuis longtemps qu’une part importante des minéraux supposément critiques et stratégiques du Québec est convoitée pour alimenter la course aux armements. Durant l’étude des crédits du Ministère québécois des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) le 25 avril dernier, la ministre Maïté Blanchette Vézina a clairement indiqué son objectif de « développer une filière et une chaîne d’approvisionnement en énergie pour la transition du gouvernement américain ».
Nous sommes étonnés de constater que l’entente de mentionne aucunement la participation du gouvernement du Québec. Il y a lieu de se demander si le gouvernement du Québec a été consulté et s’il a donné son accord. Dans tous les cas, il est clair que les gouvernements impliqués n’ont aucunement considéré la volonté de la population locale.
Citations
« Avec cette annonce combinée du gouvernement canadien et du Département de la Défense des États-Unis, comme élus, ce qu’on perçoit, c’est que ce qui était déjà un refus social de ce projet minier est en train de se transformer en colère sociale. Plus que jamais nos citoyens ressentent qu’on ne tient absolument pas compte d’eux », David Pharand, Maire de Duhamel, co-porte-parole de l’Alliance Municipalités de Petite-Nation Nord en matière de relations auprès du gouvernement et des médias
« Il importe peu à l’armée américaine que le territoire choisi pour approvisionner ses activités militaires soit un lieu habité et un joyau de nature en périphérie de Montréal et Ottawa. On assiste ici au sacrifice d’une région entière et de sa population. D’autres suivront », Louis St-Hilaire, président du Regroupement de Protection des Lacs de la Petite-Nation et porte-parole de la Coalition QLAIM
« Ottawa et Washington, avec la complicité de Québec, sont prêts à sacrifier la Petite-Nation pour faire la guerre. Sacrifice et guerre sont des mots qui vont bien ensemble. Mais ça ne change rien, les gens d’ici vont continuer de se défendre et de tout faire pour empêcher ce projet », Claude Bouffard, coordonnateur du Comité citoyen d’opposition au projet minier La Loutre
« Mentir aux amis écologiques des zones récréotouristiques que le sacrifice de leurs terres servira la transition vers les énergies renouvelables pour sauver la planète, est honteux, alors qu’on fait le contraire, en soutenant le militarisme qui en accélère la destruction », Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la paix
« Militariser un projet minier nocif et rejeté par la population avant même de procéder à une évaluation environnementale est un acte de violence inouï du système envers les gens et la nature que nos gouvernements sont censés défendre et non attaquer », Rodrigue Turgeon, avocat, co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine
« L’ingérence frontale de l’armée américaine confirme ouvertement le détournement de la propagande de ‘‘transition énergétique’’ de la politique canadienne de mise en valeur des minéraux au profit d’une vocation essentiellement militaire », Jamie Kneen, coresponsable du programme national, MiningWatch Canada
« Dans le sillon de tous ces projets miniers se trouvent systématiquement des lacs, des rivières et des sources d’eau souterraines sacrifiées. Cette réalité est déjà très préoccupante, mais de constater que ces sacrifices seront faits pour le compte de la militarisation américaine, c’est tout simplement inadmissible. Nos gouvernements doivent comprendre la gravité des enjeux et agir en conséquence », Rébecca Pétrin, directrice générale, Eau Secours.
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