Édition du 12 novembre 2024

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Privatisation – Un sentiment de déjà-vu

Il y a quelques jours, la ministre de la Santé, Danielle McCann, confirmait que le projet pilote permettant à trois cliniques privées de procéder à des opérations d’un jour dans la grande région de Montréal serait prolongé pour une année supplémentaire.

Exprimant le besoin d’avoir plus de temps pour comparer les coûts des chirurgies dans le privé à ceux dans le réseau public et prenant en considération l’accessibilité aux services, la prolongation de ce projet pilote est tout de même lourde de sens et procure un sentiment de déjà-vu.

Les nombreuses années au pouvoir des libéraux nous ont habituées à ce type d’apologie du privé présenté en « sauveur » du réseau public. Maintenant que la CAQ est au pouvoir, l’histoire semble vouloir se répéter.

Disons-le, ce type d’exercice est vicié à la base parce qu’il compare des pommes avec des oranges. L’écart de productivité entre le public et le privé s’explique, non pas par une plus grande efficacité du privé, mais bien parce que les conditions dans lesquelles y sont réalisées les chirurgies sont exemptes des contraintes avec lesquelles doit composer le réseau public. Si l’on veut vraiment comparer l’efficacité du privé et celle du public, donnons au public les mêmes conditions de réussite que celles que nous offrons sur un plateau d’argent au privé ! Notamment, avec des professionnelles en soins en nombre suffisant pour fournir des soins sécuritaires et de qualité !

Vous me direz que prolonger d’un an cette entente pour trois cliniques privées, ce n’est pas la fin du monde. C’est vrai ! Mais en même temps, c’est la somme de toutes ces ouvertures au privé en santé qui fait en sorte que l’on ne pourra plus revenir en arrière. Plutôt que de chercher à mieux répondre aux besoins de la population, ces projets offrent surtout des bénéfices importants aux médecins, propriétaires de cliniques privées.

Loin de contribuer à « désengorger » le réseau public, le réseau privé le draine de ses ressources humaines et accentue la pénurie de personnel dans le réseau public, ce qui rallonge encore plus les listes d’attente dans celui-ci.

Et comme c’est souvent le cas, le secteur privé en santé est en mesure d’obtenir des résultats intéressants en raison du phénomène du cherry picking, permettant aux entrepreneurs de sélectionner soigneusement les opérations et les tâches génératrices de profits, pour ensuite laisser au secteur public les cas plus lourds ou ceux comportant des risques plus élevés de complications.

Que la population ait accès à des services plus rapidement, c’est ce que tout le monde souhaite, y compris mon organisation et moi-même. Cependant, il ne fait aucun doute que le réseau public est et demeure le meilleur moyen de garantir des soins de santé sécuritaires et de qualité à la population. Chacune des brèches qu’on lui inflige menace les principes d’accessibilité et d’universalité des soins. Restons vigilant-e-s !

Nancy Bédard

Présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ)

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