Mme Trahan cite une étude d’Hydro-Québec suivant laquelle il est peu probable qu’un avion de ligne frappe la centrale parce qu’elle n’est pas suffisamment élevée au-dessus du sol. Cet « espoir » de l’étude citée est contredit par le fait qu’un Boeing 757 a frappé le Pentagone le 11 septembre 2001. Le Pentagone a 24 mètres de hauteur, ce qui est moins élevé que le dôme de la centrale Gentilly-2 qui s’élève à 46 mètres.
D’autre part Mme Trahan cite le maire de Bécancour, M. Maurice Richard, selon lequel Hydro-Québec a installé de « l’armement lourd ….pour prévenir les attaques externes, autant terrestres qu’aériennes ».
Il est légitime de se demander si Hydro-Québec nourrit ainsi « l’espoir » que l’équipement lourd pourra abattre à coup sûr des missiles lancés à partir de la terre, des airs ou du fleuve Saint-Laurent ? Est-ce que de « l’armement lourd » pourra se tourner assez rapidement pour abattre un ou des missiles ?
Les agences de sécurité canadiennes et américaines ont étudié ces questions. Elles ont publiquement prévenu les gouvernements que les réacteurs nucléaires sont sur les listes de cibles potentielles des groupes terroristes. Si ces agences sont convaincues que les avions et missiles terroristes n’atteindraient pas leurs cibles, pourquoi ont-elles prévenu les gouvernements d’une menace de terrorisme nucléaire ?
La firme française Areva est une des plus importantes au monde dans la construction de réacteurs nucléaires. Dans ses nouveaux réacteurs à Olkiluoto en Finlande et à Flamandville en France, Areva a installé une double enceinte de béton armé d’une épaisseur totale de 2,6 mètres. Gentilly-2 a seulement un mètre de béton armé, ce qu’Areva juge insuffisant pour une protection anti-avion et anti-missile et insuffisant aussi pour contenir les effets potentiels d’un cœur en fusion, genre Fukushima. Il est légitime de se demander si Hydro-Québec a pris en considération ces précautions d’Areva ?
La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a aussi des inquiétudes au sujet des attaques terroristes. Le 13 avril 2011, durant une audience publique de la CCSN à Bécancour, en réponse à une question du commissaire André Harvey, le vice-président de la CCSN Ramzi Jammal a décrit ce qui suivra l’impact d’un avion (ou autre événement) malveillant sur le réacteur nucléaire Gentilly-2 en ces mots (page 94 de la transcription sur le site web de la CCSN) : « Alors, le point c’est à faire ici ; à préciser que l’arrêt va prendre place et le réacteur sera dans un état sécuritaire en cas où il y a un impact et puis l’analyse est déjà fait. » À noter l’expression « état sécuritaire ».
Ce qu’il faut bien comprendre ici c’est que M. Ramzi Jammal parlait des deux premières secondes suivant une attaque terroriste. En effet, la fission nucléaire dans un réacteur est arrêtée en descendant en deux secondes des barreaux absorbeurs de neutrons. Même en admettant que les deux secondes aient été disponibles suite à un avertissement d’attaque, ce qui suivra pourra nous mettre dans la situation de Fukushima. Après l’arrêt de la fission nucléaire, la radioactivité du cœur du réacteur dégage pendant des heures une puissance thermique colossale capable de faire fondre le cœur si le refroidissement fait défaut.
C’est ce qui est arrivé à Fukushima. Le tremblement de terre et le tsunami ont mis hors de combat les quatre éléments nécessaires au refroidissement du coeur : des tuyaux intacts, des pompes fonctionnelles, de l’électricité et un accès à beaucoup d’eau. Il est fort probable que la destruction massive accompagnant une attaque terroriste mettrait hors de combat plusieurs de ces éléments.
Par rapport à cette question qui touche Hydro-Québec, nous demandons à la CCSN d’informer objectivement le public sur la problématique du terrorisme potentiel contre les réacteurs nucléaires canadiens. Il est légitime de se demander si simplement « espérer » qu’un avion ou missile terroriste va rater sa cible sera suffisant pour rassurer le public, ainsi que les firmes qui considèrent la possibilité de s’installer dans le Parc industriel de Bécancour, le plus grand au Québec.
La meilleure façon de sécuriser Gentilly-2 est de poursuivre indéfiniment l’arrêt actuel du réacteur et d’entrer dans la phase de déclassement. La majorité des emplois permanents après attrition (départ à la retraite) pourra être conservée en entreprenant ce déclassement pour lequel des fonds ont déjà été provisionnés. Ainsi, cette décision attendue par une grande majorité de québécois nous coûtera bien moins cher, avec comme heureuse conséquence de ne pas produire un autre 2500 tonnes de déchets radioactifs à léguer aux générations futures.
Michel Duguay et Philippe Giroul, MSQN, le 13 septembre 2011
Co-signataires :
Louis Bertrand, Sébastien Bois, Daniel Breton, Kim Cornelissen, Jacques Dagenais, Marie-France Doucet, Robert Duchesne, Gordon Edwards, Michel Fugère, Raymond Gauthier, François A. Lachapelle, Hélène Lamothe, François Lapierre, Denis l’Homme, Éric Notebaert, Denis Poussart, Jean-Yves Proulx, Gilles Provost, Lucie Sauvé, Colette Tardif, Jean Zigby