Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Pour un rassemblement des militant-e-s syndicaux !

Réponse au texte Négos du secteur public : Renouer avec le syndicalisme de combat

Alternative socialiste ne peut que saluer l’initiative des militants René Charest et Philippe Boudreau avec leur texte Renouer avec le syndicalisme de combat [1]. Nous croyons aussi que les syndicalistes doivent adopter un syndicalisme plus revendicatif afin de freiner l’offensive patronale.

Juin 2013.

Pour alimenter le débat, AS souhaite apporter sa réflexion sur ce sujet.
Il ne fait aucun doute que l’épisode du Printemps érable nous offre la possibilité d’espérer qu’un mouvement plus large contre l’austérité se mettent en branle au Québec. Le caractère mobilisateur du mouvement étudiant a apporté une énergie nouvelle dans notre rapport de force avec les élites économiques et politiques du Québec. Plusieurs enseignements de cet épisode charnière peuvent inspirer le monde syndical.

Il est également vrai que les négos du secteur public pourraient être un catalyseur pour l’irruption d’un mouvement politique important ayant le potentiel de devenir « un moment privilégié pour articuler et diffuser une vision du rôle général de l’État, des valeurs communes et de l’avenir de la société québécoise [2] ». Nous relevons quand même certaines limites au document.

Cibler la racine des problèmes qui nous touchent tous et toutes !

Au point 3, les auteurs soulignent à juste titre que « les revendications doivent concerner la société dans son ensemble ». Cela démontre une volonté de sortir du corporatisme syndical, mais il ne faut pas oublier pour autant les revendications qui viennent répondre directement aux problèmes que vivent les travailleurs et les travailleuses des services publics. Par exemple, pour les travailleurs-euse-s de la santé, les conditions de vie au travail ont connu une détérioration considérable au cours des dernières années. Les réorganisations de travail font rage dans le système public, notamment via l’introduction du Lean management [3], modèle de gestion très en vogue chez les technocrates. Les critiques portant sur l’organisation du travail ont toujours été un élément important dans le discours du mouvement ouvrier et socialiste tout au long de son histoire. La mise au rencart de la critique de l’organisation du travail laisse le champ libre aux classes dominantes pour imposer leur propre vision de la chose. Il ne faut pas simplement avancer une défense du pouvoir d’achat, mais aussi articuler une critique contre la gestion capitaliste des services publics et surtout souligner son impact sur les conditions de travail des salariés.

Au-delà du secteur public, les grands oubliés de ce texte sont les travailleurs et les travailleuses précaires, de plus en plus nombreux. Nous assistons aujourd’hui à une précarisation générale du travail : horaires atypiques et non adaptés aux besoins de chacun, travail à forfait, coût de la vie qui ne cesse d’augmenter par rapport aux salaires et recours à la sous-traitance pour abaisser les conditions de travail pour un même emploi. Il faut également en parler ! Pour mobiliser le plus grand nombre, les auteurs avancent de nombreuses revendications, telles que l’abolition de la taxe santé et le refus des hausses de tarifs d’Hydro-Québec. Ces dernières sont évidemment pertinentes pour mobiliser cette couche de travailleur-euse-s. Toutefois, nous ne devons pas nous contenter de dénoncer les mesures d’austérité du gouvernement et souhaiter des réformes. Il faut également les contextualiser dans la violence de notre système économique, le capitalisme. Le mouvement syndical aura une opportunité en or de faire valoir une prise de contrôle politique par et pour les travailleurs et travailleuses à travers un mouvement politique défendant d’abord et avant tout leurs intérêts.

Réinvestir les syndicats

Au point 5, les auteurs parlent de « l’appareil syndical hypertrophié » qui sclérose la démocratie syndicale. Cette critique est juste, mais il faut également souligner le fait que l’inertie de l’appareil syndical est aussi le reflet de l’état d’esprit de leurs membres, assommés par des années de concertation avec la classe dominante. Il existe une véritable fracture entre l’appareil et les membres. Lorsque les auteurs écrivent qu’il faut « travailler en Front commun, de la base jusqu’au sommet », nous ne pouvons que nous réjouir. Mais cela sera difficile à concrétiser puisque dans le secteur public plusieurs syndicats se livrent une compétition au membership virulente (APTS, FSSS-CSN, SCFP, SQEES, FIQ). Comme quoi l’organisation et la défense de la classe ouvrière se retrouvent noyées dans la simple recherche de plus de membres et de cotisations. La tâche des militant-e-s socialistes dans les syndicats est donc difficile ; il faut à la fois prendre en considération les critiques justes des membres à l’égard des syndicats, mais également les convaincre d’investir ses structures afin de les rendre plus démocratiques et combatives.

La gauche syndicale devrait s’intéresser grandement à ces enjeux si elle souhaite mobiliser davantage, tant lors des prochaines négociations dans le secteur public que dans d’autres conflits. L’importance de formuler des revendications auxquelles l’ensemble des travailleurs-euse-s peut s’identifier est capitale si nous voulons encourager la création d’un mouvement politique de masse capable de riposter et de vaincre l’establishment et ses politiques. Pour ce faire, il est essentiel de s’organiser le plus tôt possible.

Se réseauter pour défendre nos intérêts

Pour Alternative socialiste, la création d’un réseau de travailleurs et de travailleuses syndiqués et non syndiqués prônant le syndicalisme de combat s’avère nécessaire pour franchir une nouvelle étape en ce sens. Tel que nous le concevons, un réseau du genre vise la formation et la mobilisation des militant-e-s de la base sur des sujets qui concernent l’ensemble des travailleurs-euse-s. Nous pourrions nous inspirer de ceux qui existent déjà aux États-Unis avec Labor Notes [4] où en Angleterre avec le National Shop Stewards Network (NSSN) [5]. Le Québec a besoin d’une organisation qui transcende les différentes allégeances syndicales et les revendications sectorielles pour mener des campagnes politiques sur les milieux de travail et les quartiers populaires.

Alternative socialiste appel tous ceux et celles qui veulent créer ce type d’organisation à prendre contact avec nous pour déterminer une première rencontre d’organisation durant l’été.

Pour nous joindre : info@alternativesocialiste.org
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[1René Charest et Philippe Boudreau, « Négos du secteur public : Renouer avec le syndicalisme de combat », À Babord, no 49, printemps-avril 2013, p.10-11.

[2Ibid, p.11.

[3Comité STAT, Gestion Lean : L’économie de la santé, octobre 2012 http://stat.badacid.koumbit.org/leanstat.pdf

[4Labor Notes :Putting the movement back in the labor movement, http://www.labornotes.org/about

[5National Shop Stewards Network (NSSN) : building the rank-and-file since 2006, http://shopstewards.net/about-the-nssn/

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