L’impact de ces réalités est particulièrement grave pour toutes les femmes migrantes à statut précaire (MSP). Lors d’une grossesse, pour leur santé reproductive et sexuelle ou parce qu’elles ont des enfants en bas âge, ces femmes subissent les graves conséquences de ces décisions politiques. De plus, avec la pandémie, la précarité des femmes MSP a empiré : avec le report systématique des audiences d’acceptation du statut est venue l’impossibilité de se projeter dans le futur.
Il s’agit d’un cercle vicieux et à nos yeux d’une violence institutionnelle - c’est-à-dire des pratiques discriminantes qui sont mises en place, reproduites ou tolérées par les institutions. Comment prendre pleinement part à la société et vivre dignement lorsqu’on n’a pas accès à une garderie, lorsque l’accès à des interprètes lors des rendez-vous médicaux est fastidieux, lorsqu’il faut s’endetter de centaines, voire de milliers de dollars pour des soins médicaux de base ? Par exemple, il est usuel qu’un hôpital demande un dépôt allant jusqu’à 20 000$ en vue d’un accouchement – ce montant ne compte pas les coûts supplémentaires qui peuvent découler de l’accouchement. Ces femmes sans couverture médicale se tournent parfois vers le milieu communautaire pour assurer certains soins. Mais avec le manque criant de ressources et de financement pour les organismes communautaires, il s’agit d’une solution trop peu accessible.
On brandit souvent la menace du tourisme médical pour justifier la barrière d’accès aux services de santé. Pourtant, ce phénomène, qui n’est pas documenté, alimente plutôt un mythe lié à l’immigration, et plus particulièrement, aux femmes immigrantes qui sont en attente d’un statut permanent.
Urgence d’agir
Rappelons que depuis septembre dernier, avec l’adoption de la loi 83, tous les enfants qui résident au Québec, peu importe le statut migratoire de leurs parents, sont couverts par les régimes d’assurance maladie et d’assurance médicaments. Suite à l’adoption de cette loi, la RAMQ a eu le mandat de rendre ses recommandations, d’ici la fin juin 2022, quant à la possibilité d’étendre la couverture aux femmes à statut migratoire précaire pour les soins périnataux. Il est essentiel que cela se fasse. Et plus encore !
En ce sens, nous appuyons le mémoire déposé par Médecins de monde le 17 mars dernier dans le but d’exiger la couverture des soins de santé sexuelle et reproductive pour les femmes MSP. Nous appuyons également la campagne du Comité Accès Garderie, qui exige l’accès aux services de garde subventionnés aux personnes à statut migratoire précaire.
Il y a urgence d’agir pour sortir ces femmes de l’invisibilité. En effet, nous ne savons pas combien de femmes MSP ont recours au système de santé, puisque les établissements de soins de la province ne comptabilisent pas les suivis ou interventions médicales réalisées auprès des personnes MSP.
Il y a aussi urgence d’agir pour que les personnes travaillant dans le système de santé aient des encadrements clairs et justes afin de pouvoir procurer les soins nécessaires à toutes les personnes qui en ont besoin.
Surtout, il y a urgence d’agir pour que les femmes, peu importe leur statut migratoire, puissent avoir accès aux services de santé, à la sécurité et à la dignité. Pour leur bien et celui de toute notre société.
Élise Landriault-Dupont, co-coordonnatrice au Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale
Lorena Suelves Ezquerro, Comité de femmes immigrantes de Québec, anthropologue à l’Université Laval
Marielle M’Bangha, coordonnatrice au Service de référence en périnatalité pour les femmes immigrantes de Québec
Erika Corona, anthropologue et membre du comité de formation du Service de référence en périnatalité pour les femmes immigrantes de Québec
Un message, un commentaire ?