L’apparition du nouveau pronom à la troisième personne a fait un tollé. Cela permet d’évoquer une personne quel que soit son genre. C’est une nouveauté qui a grandement été acclamée par de nombreuses personnes qui ont un genre mi-conforme.
Par contre, il est déjà difficile pour la majorité de ne pas mégenrer les personnes trans. L’inclusion des personnes non-binaires dans notre écriture sème alors la discorde. Il y a plusieurs inquiétudes face à ce mot. La difficulté à comprendre, la peur de vexer et le tracas de délaisser ses traditions sont des sentiments partagés. Il est important de comprendre ici qu’un néo-pronom ne déconstruit pas le français. À l’inverse, cette officialisation crée une ouverture en raffinant notre lexique.
Pour mettre les choses au clair, j’ai demandé à trois expertes du Québec de nous en parler.
Reconnaitre la souplesse de la langue est toujours une avancée
Nadine Vincent, lexicographe, nous explique que « iel » est un néologisme. Il provient de la communauté LGBTQ+, qui revendique ce pronom pour désigner les personnes non-binaires. Par extension, cela mène à considérer la langue comme neutre.
Ainsi, « iel » devient bon pour tout le monde quand on ne connait pas le genre de la personne.
Ce n’est pas la première fois que la notion du genre est contestée par la langue française. Par exemple, madame Vincent souligne que la lettre e dans le titre de professeure n’a pas toujours été de mise.
Elle a observé que iel n’est pas encore très fréquemment utilisé. Le Robert, en n’intégrant que iel, ne permet pas de savoir comment désigner des personnes non-binaires quand le pronom est complément du verbe (et pas complément sujet). À titre d’exemple, le pronom complément dans « Je le ou la vois entrer » devrait s’accorder avec un pronom non-genré comme « je lae vois entrer », mais son usage n’est pas courant.
Il faut prendre note que le Petit Robert lui a attribué la caractéristique linguistique « rare ».
Ça nous permet de ne pas exclure
Émilie Drouin, doctorante en littérature contemporaine, affirme que ce pronom fait partie des enjeux queers depuis plusieurs années. Le phénomène serait aussi relié à une tentative de féminisation de la langue qui existe depuis longtemps. Selon Émilie, une langue française ne respectant pas une binarité des genres n’est toujours pas représentative collectivement. Elle croit que ça aura une posture militante tant que ça ne sera pas populaire.
Dans le cadre de ses cours, elle doit aborder l’utilisation de pronoms neutres. À cette fin, elle a déniché le roman québécois Querelle de Roberval, de Kevin Lambert, qui utilise « illes ». Dans le chapitre « Vox populi » on y lit : « Ce sont de jeunes garçons ou de jeunes filles, elle a du mal à distinguer leur sexe, illes portent toustes de semblables jaquettes pâles, un peu sales, aux coutures déchirées. »
Émilie nous précise que le mot « illes » apparait dans une scène survenant après la mort du personnage principal nommé Querelle, dont la présence subvertit l’idéologie hétéropatriarcale dominante. Selon l’auteur, ce pronom a été prononcé par un personnage qui pouvait le dire. Un campagnard, par exemple, n’aurait pas nécessairement eu connaissance de ce langage. Ainsi, l’utilisation du pronom neutre demeure réaliste.
Un devoir moral
Marie-Philippe Drouin, à la coprésidence de Divergenre, un organisme par et pour les personnes trans à Québec, salue le Petit Robert. Sa mission est d’éduquer sur les réalités qui affectent la pluralité des genres. Depuis que la Charte des droits et libertés québécoise protège l’identité de genre, l’ensemble de la société se doit de mettre en place des pratiques qui affirment l’identité de genre de toutes les personnes. L’écriture inclusive est une de ces bonnes pratiques. Ainsi, on évite d’éventuelles discriminations.
C’est la deuxième édition de leur Guide de grammaire neutre et inclusive. À l’intérieur, on y propose des stratégies pour mieux communiquer avec les personnes non-binaires.
Le masculin dominant le français, la langue a été le champ de bataille pour de nombreuses québécoises. On y explique que l’écriture inclusive du guide permet de donner de la visibilité à des personnes stigmatisées. Inclure ce pronom dans la langue française permet aux personnes non-binaires de se visibiliser. C’est un signe de reconnaissance envers elleux.
Pour conclure, l’ajout de ce nouveau pronom neutre est bénéfique pour sa richesse. Malgré la controverse, ça restera une preuve d’acceptation pour toute une communauté qui partage une même culture. Sans compter que c’est une bénédiction pour de nombreux croyants ignorant le genre de Dieu. Enfin, nous sommes mieux outillés pour parler adéquatement d’Iel.
Notes
1. https://journalmetro.com/societe/2727165/ecriture-inclusive-inviterait-version-ligne-petit-robert/
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