Édition du 1er avril 2025

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Asie/Proche-Orient

Philippines : Ils détruisent et nous souffrons

Le capitalisme est en train de détruire la planète. Maintenant, nous souffrons. L’horreur dévastatrice déclenchée par le typhon-monstre Yolanda (Haiyan) sur les régions de l’est et du centre des Philippines est indescriptible. Au moment où nous écrivons, les estimations du nombre de victimes et des dommages réels sont encore provisoires car de nombreuses zones restent isolées et les systèmes de communication et d’énergie, les routes et les ports sont détruits.

Une première estimation donnée par le gouvernement provincial de Leyte et la police régionale porte le nombre de morts à plus de 10.000. 70 à 80 % des maisons et des structures le long de la trajectoire du typhon ont été détruites. Dans la seule ville de Tacloban, les fonctionnaires ont dit aux médias que le nombre de morts "pourrait aller jusqu’à" 10.000, les gens étant morts en masse sous l’effet des raz-de-marée. (…) Il y a également peu d’informations sur les villes de la région orientale de Samar, la première que Haiyan a touché en venant du Pacifique.

Les destructions et pertes massives de vies vont en effet bien au-delà des mots pour les décrire. Le nombre de morts va sûrement encore augmenter lorsque les opérations de sauvetage et de récupération atteindront les zones isolées. L’aide nationale et internationale commence à arriver mais il y aura certainement une pénurie catastrophique de la plupart des éléments vitaux tels que la nourriture, l’eau, l’énergie, le logement et les médicaments. Les pouvoirs locaux et le gouvernement national se sont montrés totalement impréparés à faire face à l’impact colossal de Haiyan. Et quatre ou cinq typhons devraient encore venir cette année, selon les prévisions météorologiques officielles.

Ce sont les pauvres qui souffrent le plus

Les pauvres - l’armée de tous ceux qui survivent avec un bas revenu, qu’ils aient un travail ou non – sont ceux qui souffrent le plus lors de chaque catastrophe. Et cela parce qu’ils n’ont ni les moyens de se protéger lors de celles-ci ni la capacité de survivre et de s’en remettre par la suite.

La plupart des pauvres, à la fois dans les zones rurales et urbaines, vivent dans des zones de danger (les bidonvilles, les berges des fleuves, les criques, les côtes, les pentes des montagnes) qui sont sujettes à la fois aux catastrophes naturelles et à celles d’origine humaine. Leurs maisons sont faites de matériaux légers, qui suffisent à peine pour les protéger du soleil et de la pluie, mais pas des inondations, des glissements de terrain ou des raz-de-marée.

En outre, le secteur de l’agriculture, qui est le plus grand employeur du pays, est le premier à souffrir de l’impact à la fois de La Niña (inondations) et d’El Niño (longue période de sécheresse) qui sont maintenant des phénomènes courants dus au changement climatique et qui menacent chaque jour davantage la sécurité alimentaire du pays et les possibilités d’emploi.

Malheureusement, les pauvres ne savent même pas pourquoi la nature est si méchante avec les gens, et surtout avec eux. Ils n’ont pas été informés que la colère qu’ils affrontent aujourd’hui est bien plus d’origine humaine que naturelle. Ils doivent encore comprendre que c’était le capitalisme qui a exploité et détruit cette planète au-delà de ses limites, créant en fait une fusion destructrice des crises économique, sociale et climatique.

Les Philippines face à la colère de la nature

Les Philippines ont la cause la plus haute et l’argumentation la plus forte à porter aux négociations climatiques des Nations-Unies qui vont commencer à Varsovie en Pologne. Les précédentes négociations sur le climat n’ont rien produit car le processus est dominé par les pays développés qui sont connus pour prendre beaucoup d’engagements mais ne rien faire.

Le moment est en effet "tragiquement ironique", comme l’a fait remarquer un auteur. La 19e Conférence sur le Climat (COP19) en Pologne s’est ouverte juste après que les Philippines aient été frappées par le plus fort typhon qu’ait connu la Terre dans l’histoire récente, laissant derrière lui des milliers de morts parmi les plus de quatre millions de personnes qui ont souffert de ce que les scientifiques considèrent comme une tempête monstre.

Nous accueillons chaleureusement toute l’aide internationale et les actions de solidarité en provenance des pays du Nord. Mais c’est le moins que ceux-ci peuvent faire – apporter leur participation face aux urgences climatiques comme aux Philippines. Mais nous demandons plus. Nous voulons la justice climatique. Les pays capitalistes doivent être tenus pour responsables de la crise climatique. Ils doivent être obligés de payer la dette climatique qu’ils doivent aux pays pauvres.

Les pays capitalistes, nous insistons sur ce point, sont responsables de la crise climatique. Ils rejettent plus de carbone dans l’atmosphère – de nombreuses fois plus que ce que font les pays pauvres. Les gaz à effet de serre émis par les industries capitalistes portent les températures mondiales à de nouveaux niveaux. Cela provoque des réactions climatiques comme le réchauffement des océans et l’élévation du niveau de la mer et conduit finalement à la formation de typhons monstres comme Haiyan.

Depuis plus d’un siècle, les capitalistes ont profité de la nature en la monétisant plutôt qu’en protégeant ses riches ressources naturelles. Et ce sont les populations pauvres et les pays pauvres qui souffrent le plus de la crise climatique créée par les pays riches. Les Philippines sont parmi les pays les plus hautement vulnérables. En fait, nous avons déjà assez souffert de typhons dévastateurs tels que Frank (Fengshen, 2008), Ondoy (Ketsana, 2009), Sendong (Washi, 2011), Pablo (Bopha, 2012), et maintenant Yolanda (Haiyan, 2013). Et le pire est peut-être encore à venir.

Etat corrompu et marché libre

Ce qui rend la crise encore plus dévastatrice est que Haiyan a frappé les Philippines alors que les Philippins ne sont pas encore remis d’un récent tremblement de terre qui a tué des centaines de personnes. La tempête monstre est également survenue au moment où Philippins affrontent des scandales de corruption massive impliquant d’énormes quantités de fonds publics.

La corruption dans les Philippines réduit la capacité des gouvernements tant locaux que nationaux à répondre à des urgences climatiques de cette ampleur, car des milliards de fonds publics sont perdus à travers des escroqueries officielles.
Plus encore, l’adoption par la classe dirigeante de l’idéologie du marché libre depuis les années 1980 a rendu les populations pauvres plus vulnérables. Les riches partagent donc également la responsabilité de cette situation et doivent répondre des conditions misérables de vie de la population.

Le néolibéralisme a fait que le gouvernement s’est entièrement reposé sur le secteur privé pour créer des emplois. Des services publics comme l’eau et l’énergie ont été privatisés. Les prix des biens et des services ont été déréglementés. Cela s’est traduit par un chômage et un sous-emploi massifs (près de 30%). Les infrastructures et les services sociaux sont en mauvais état. Le taux de pauvreté reste à 28% alors que la faim affecte 19% de la population.

Essayez d’imaginer autant de personnes pauvres vivant dans l’une des régions les plus pauvres du pays devant faire face à la colère de super-typhons. Les images de l’après-Haiyan montreront mieux leur situation misérable. Elles ont vraiment un profond besoin d’une aide et d’une assistance immédiates. Beaucoup ont déjà eu recours à des confiscations de matériel disponibles dans des magasins et centres commerciaux. Nous considérons ces actions comme justifiées et ce serait encore beaucoup mieux si celles-ci étaient organisées collectivement de manière à isoler les éléments criminels et les pulsions individuelles de survie. Lorsque le gouvernement échoue, les gens devraient se lever collectivement.

Nous avertissons donc le gouvernement de ne pas utiliser la force contre notre peuple sans défense. Les gens ont besoin de nourriture, d’eau et de maisons où habiter, pas d’une force de police qui réprime leur volonté de survie. Et un gouvernement qui ne parvient pas à éradiquer la corruption au plus haut niveau n’a certainement aucune raison acceptable d’utiliser la force pour réprimer la lutte désespérée de sa population pour la vie.

Appel à la solidarité avec les victimes des typhons Yolanda / Haiyan :
www.laborpartyphilippines.org / funddrive

Article publié le 12 novembre sur le site australien Redflag,org 


Traduction pour Avanti4.be : Jean Peltier

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