On parle beaucoup sur toutes les tribunes du premier livre de GND que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt et dans lequel j’ai appris énormément de choses qu’on ignorait sur la grève étudiante et surtout sur le porte-parole de la CLASSE - Gabriel Nadeau-Dubois. Ce livre m’a fait réaliser jusqu’à quel point nous ne savions pas grand-chose de ce qui s’est passé durant et après le printemps érable 2012.
Alors pourquoi les gens ne savaient-ils rien au juste et n’en savent toujours rien ? Les libéraux de Jean Charest, aidés par les grands médias dominants de la droite québécoise ont commandité une vaste campagne de salissage et de désinformation à grande échelle dotés de firmes de communication et de relations publique, de forces policières, de juges et d’avocats redoutables, armés d’injonctions qu’on qualifierait même de non-démocratique, espérant ainsi mettre un terme à cette grève qui pourtant fût démocratique et légitime de la part des étudiants.
Il y a longtemps que je n’avais pas lu un aussi bon livre écrit par un québécois pure laine, devenu par la force des choses, l’un des plus grands acteurs et auteurs québécois de cette décennie ; j’irais même jusqu’à dire : le plus grand québécois que j’ai connu. Donc un livre que je recommande à tous ceux et celles qui ont appuyés la grève étudiante au printemps érable 2012 et du coup, qui ont appuyé le droit de scolarité autant que le droit à la démocratie qui constitue pourtant un droit légitime dans la revendication d’une démocratie directe au Québec que les lignes de partis politiques de la droite traditionnelle ont toujours refusées. Un livre à se procurer sans faute.
En voici quelques extraits…
Armand Pouliot
DOSSIER
Au printemps 2012, nous avons marché vent debout, à l’envers du temps, et c’est vers nous que nous allions.
Saint-Antoine-de-Pontbriand, juin 2013
MESURER LA RÉSISTANCE DE LA CLASSE DOMINANTE... ET LA DÉTERMINATION NÉCESSAIRE À LA MOBILISATION CITOYENNE
Faire un commentaire de lecture sur le livre paru récemment de Gabriel Nadeau-Dubois « Tenir tête » (Lux Éditeur, 2013, 222p.), pour une personne extérieure au mouvement étudiant peut être hasardeux. Jugement à l’emporte-pièce ou lecture a-critique, les dangers d’un commentaire hors contexte sur le mouvement du printemps 2012 est
toujours présent. « Tenir tête », c’est un point de vue par l’un des acteurs central de cette mobilisation. Ce n’est pas LE bilan de l’événement mais ça apporte un angle de l’intérieur qui permet d’apprécier une certaine lecture des événements. Mais le livre ne contient pas que des commentaires sur la lutte en 2012 mais aussi sur ces conséquences récentes, sur les répercussion de cette mobilisation sans précédent sur la politique au présent qui sont parmi les plus intéressants. Ce sont peut-être ces premiers enseignements qui sont les plus forts du bouquin. Voici quelques-unes de
mes impressions après une première lecture.
http://www.pressegauche.org/spip.php?article15441
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http://www.luxediteur.com/sites/lux.aegirphp52.koumbit.net/files/files/tenir-tete-site.jpg
« Toute histoire a un commencement, et pour moi l’aventure du printemps 2012 débute le 12 juin 2009 lorsque j’ouvre le journal Le Devoir. »
Dans ce livre, écrit avec le style qu’on lui connaît, on suit pas à pas Gabriel
Nadeau-Dubois au fil des luttes, des rencontres décisives, des assemblées générales, des confrontations avec journalistes, ministres, juges et policiers, mais aussi dans son analyse de la grève de 2012. Chemin faisant, le lecteur prendra acte, non sans stupéfaction, de la misère morale et intellectuelle d’une certaine élite québécoise. Il renouera surtout avec la formidable vigueur des étudiants qui se sont opposés au mercantilisme de cette élite.
Tenir tête doit être lu par ceux qui ont partagé la colère des étudiants, mais aussi par les autres, qui se surprendront peut-être à admettre que
la cause des étudiants est également la leur.
Gabriel Nadeau-Dubois a été l’un des porte-parole de la Coalition large de
l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) pendant la grève étudiante de 2012. Après des études en Histoire, culture et société à l’UQAM, il étudie à l’Université de Montréal en philosophie. Il est aussi chroniqueur à Radio-Canada.
Extraits de « Tenir Tête » et « d’entrevues » avec GND
http://centpapiers.com/extrait-de-tenir-tete-gabriel-nadeau-dubois/
http://www.lactualite.com/societe/extrait-tenir-tete-par-gabriel-nadeau-dubois/
http://quebec.huffingtonpost.ca/2013/10/10/tenir-tete-gabriel-nadeau-dubois_n_4054445.html
http://leglobe.ca/2013/10/tenir-tete-entrevue-avec-gabriel-nadeau-dubois/
Gabriel Nadeau-Dubois... (La Presse, Martin Chamberland)
Dans le discours de la classe politique, et même au sein du mouvement étudiant, on oppose trop souvent la démocratie directe des mouvements sociaux à la politique institutionnelle.
C’est une erreur. Le jour du déclenchement des élections d’août 2012, Jean Charest a misé sur cette fausse opposition en déclarant : « La rue a fait beaucoup de bruit. C’est maintenant au tour des Québécois de parler et de trancher cette question. » Or, il ne s’agit pas de deux mondes séparés. Toute l’histoire du XXe siècle, particulièrement au Québec, est faite de luttes populaires, syndicales, étudiantes et féministes qui, en interaction constante avec le pouvoir politique, ont fait avancer les conditions de vie des Québécois.
Par l’intermédiaire des mouvements sociaux, une partie importante de la population s’engage dans la vie politique et exprime ses idées, ce qui n’a rien à voir avec le lobbyisme, qui vise à influencer le pouvoir politique pour servir des intérêts strictement privés. Autrement dit, la « rue » est loin de provoquer l’effritement de la démocratie. Au contraire, elle est partie intégrante et essentielle de celle-ci, et un gouvernement démocratique se doit de dialoguer avec elle, c’est-à-dire avec ceux qui sont concernés par les décisions qu’il prend.
LUX Edition
Les associations étudiantes, tout comme les syndicats et les groupes populaires, appartiennent à cet espace de discussion qui sert en partie de garde-fou au pouvoir, aussi démocratique soit-il. La marche qui sépare l’individu et le pouvoir de l’État est haute, et la démocratie a besoin de paliers qui les relient, d’espaces mitoyens où l’on apprend à se soucier des enjeux particuliers de nos existences, où l’on s’engage à les confronter et à les intégrer au tout de la société. Une société libre est renforcée — et non affaiblie — par le nombre et la diversité de ces lieux de participation politique, qui permettent aux individus de s’élever progressivement à
la hauteur des enjeux collectifs, souvent abstraits.
C’est notamment ce que montre, chiffres à l’appui, l’économiste américain Paul Krugman, lauréat du prix Nobel d’économie en 2008. Aux États-Unis, explique-t-il, la puissance du mouvement syndical a clairement favorisé la conscientisation et la participation politique des Américains dont le revenu est faible ou moyen. Il cite une analyse récente qui révèle que si la proportion de syndiqués dans la population active avait été aussi importante en 2000 qu’en 1964, la participation électorale des adultes issus des deux tiers les moins nantis de la population aurait été de 10 % supérieure, et seulement de 3 % dans le tiers le plus riche.
Pour Krugman, le désintérêt actuel envers la chose publique provient en outre du sentiment qu’ont la plupart des travailleurs moyens que leur vote individuel ne compte pas, et ce, même si le résultat électoral a un effet concret sur leur vie. « Quand on a un emploi à conserver et des enfants à élever, rien ne nous incite à suivre attentivement les campagnes électorales. En pratique, ce désintérêt rationnel biaise le processus politique en faveur des classes supérieures. [...] L’électeur moyen a donc un revenu nettement plus élevé que le citoyen moyen, et c’est l’une des raisons de la tendance des candidats et des élus à concevoir leurs politiques en pensant aux milieux relativement prospères », écrit-il dans L’Amérique que nous voulons.
En demandant explicitement aux travailleurs d’aller voter, mais surtout en
favorisant l’éducation politique et l’implication citoyenne dans ses propres
structures, le syndicalisme contribue à combler ce fossé : « Les débats politiques qui ont lieu dans les réunions syndicales, les lettres à contenu politique envoyées aux syndiqués, etc., élèvent le niveau de conscience politique, chez les syndiqués et aussi chez ceux avec lesquels ils discutent, à commencer par leur conjoint, leurs amis, les membres de leur famille. »
Ce propos s’applique très bien au mouvement étudiant québécois : cette grève historique a favorisé le dynamisme de la démocratie en politisant des centaines de milliers de personnes. Même les gens qui défilaient dans les rues avec leurs casseroles en défiant la loi spéciale ne rejetaient pas bêtement l’autorité politique pour lui substituer la « rue ». Ils défendaient l’autorité du droit contre l’usage arbitraire du pouvoir législatif. Ils exprimaient leur profond attachement à la démocratie. Cette grève, avec ses assemblées et le mouvement des casseroles qui en a été le sommet, a été la meilleure école d’engagement politique que l’on puisse imaginer. Elle aura, je n’en doute point, mieux servi les mœurs démocratiques que ne
l’auront fait les libéraux, leurs bailleurs de fonds et leurs meneuses de claques médiatiques.
Tenir tête, par Gabriel Nadeau-Dubois
Lux Éditeur.