Monsieur le député,
Depuis le 1er septembre, la majorité des télédiffuseurs canadiens ont cessé d’émettre en mode analogique, pour passer au mode numérique.
Tout l’été, le gouvernement du Canada a voulu prévenir les Canadien-ne-s concerné-e-s de ce changement et de la nécessité pour ces derniers, s’ils voulaient continuer à capter les signaux de télévision par ondes hertziennes, de se doter d’un convertisseur ; des publicités télévisées ont martelé ce message pendant plusieurs semaines.
Malheureusement, après le 1er septembre, le gouvernement du Canada ne s’est pas préoccupé de savoir si la transition s’était faite sans heurt. En fait, elle s’est très mal passée pour des milliers de Canadien-ne-s et leur gouvernement les a abandonné-e-s à leur sort.
Depuis octobre, l’Union des consommateurs documente les cas problèmes au moyen d’un questionnaire accessible sur le Web. À ce jour, près de 3000 personnes ayant connu des problèmes y ont répondu. Compte tenu de la diffusion limitée de l’information sur l’existence de cette enquête et du fait que plusieurs personnes ne pouvaient pas y répondre, par exemple, parce qu’elles n’avaient pas accès à Internet, ou ne trouvaient plus pertinent d’y répondre parce qu’elles s’étaient résignées à s’abonner à un service payant de télédistribution, nous pouvons présumer que ce sont des dizaines de milliers de personnes qui ont été touchées pour le Québec seulement.
Il ressort des informations recueillies jusqu’à présent que, dans de nombreuses régions, dont la nôtre, les téléspectateurs et téléspectatrices éprouvent aujourd’hui des difficultés à capter par voie hertzienne certaines chaînes qu’ils et elles captaient auparavant, malgré que ces personnes aient fait tout ce qui leur a été suggéré de faire, malgré les sommes qu’elles ont dû dépenser, malgré l’information qu’elles sont allées chercher de peine et de misère...
Ces personnes nous disent également que les intervenant-e-s, Patrimoine Canada, le CRTC, le ministère canadien de l’Industrie, les télédiffuseurs, tous semblent se renvoyer la balle ou se laver les mains des problèmes. Malgré ce qu’affirmait le CRTC, le gouvernement prétend maintenant que l’accès à la télévision par ondes hertziennes n’est pas un droit et renvoie la responsabilité sur les télédiffuseurs.
Cette situation nous parait d’autant plus scandaleuse que bon nombre des personnes touchées comptent parmi les plus vulnérables de notre société et que la télévision est souvent l’un de leurs seuls moyens de divertissement et d’accès à l’information et à la culture. D’ailleurs, rappelons qu’au Québec, selon le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), la prestation de base de 589$ reçue par une personne prestataire d’aide sociale doit servir à couvrir 9 besoins jugés essentiels dont les télécommunications et les loisirs.
Dans son Avis public de radiodiffusion 2002-31 du 12 juin 2002, qui visait à assurer une transition harmonieuse des signaux de télévision vers le numérique, le CRTC rappelle « l’importance qu’il accorde au fait que tous les Canadiens puissent continuer à avoir accès à des services de télévision traditionnelle en direct » et déclare « que les téléspectateurs ne devraient pas être privés de ce droit en raison du remplacement des émissions en mode analogique par des émissions en mode numérique ». Le CRTC encourageait les télédiffuseurs à assurer aux Canadien-ne-s, lors du passage au numérique, une couverture équivalente à la couverture analogique dont ils et elles disposaient[1].
L’une des solutions pour les personnes privées de télévision consiste en un abonnement à la télédistribution par satellite de l’entreprise Shaw Direct, qui offre les chaînes de base gratuitement pendant cinq ans aux foyers qui ont perdu la réception d’au moins une chaîne. En effet, lors de l’acquisition de Canwest Global, Shaw Direct s’est engagée devant le CRTC à consacrer 15 millions $ à ce programme[2]. Cependant, très peu de citoyen-ne-s ont été mis au courant de l’existence de cette offre. Les critères d’admissibilité demeurent obscurs et bon nombre de personnes disent s’être fait refuser le service parce que leur « secteur » n’était pas couvert. Finalement, certain-e-s ne peuvent pas en bénéficier parce que la réglementation interdit l’installation de coupole satellite dans l’immeuble où ils habitent.
Par la présente, nous vous demandons d’intervenir auprès du gouvernement fédéral en faveur des personnes privées de télévision depuis le 1er septembre, pour qu’il prenne sans délai les mesures requises pour redonner aux Canadien-ne-s une couverture numérique équivalente à la couverture analogique dont ils bénéficiaient avant la transition. Nous demandons aussi qu’une mesure de cohérence soit prise par le MESS en vertu de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles et qu’une prestation couvrant l’achat d’un convertisseur soit accordée aux personnes à faible revenu qui seraient autrement privées d’accès à la télévision.
Nous souhaitons que le conseil municipal adopte une résolution à cet effet et la fasse parvenir aux ministres James Moore et Christian Paradis, en ajoutant copie à l’Union des consommateurs (info@uniondesconsommateurs.ca).
ou
Nous vous demandons d’intervenir en ce sens auprès des ministres James Moore et Christian Paradis, en leur écrivant et en ajoutant copie à l’Union des consommateurs (info@uniondesconsommateurs.ca) et de soulever cette question au caucus de votre parti et éventuellement à la Chambre des communes.
Le gouvernement a les moyens d’agir, puisqu’il empochera des sommes qui dépasseront probablement le milliard de dollars lorsqu’il vendra aux enchères les spectres d’ondes libérés par la fin des émissions analogiques.
Veuillez agréer nos plus sincères salutations.
Marielle Bouchard du Regroupement des Femmes Sans Emploi du Nord de Québec.