Bien que des résistances souvent vigoureuses se manifestent dans plusieurs secteurs et lieux - parmi celles-ci la lutte étudiante au Québec, le mouvement autochtone Idle No More ainsi que les mobilisations contre les pipelines d’Enbridge et de Transcanada - nous n’avons pas vu, jusqu’à maintenant, de riposte unitaire pancanadienne. La question se pose : est-il possible d’organiser une contre-attaque à l’échelle du Canada ?
Un axe Québec-Premières Nations
La réponse venant du Québec est que celle-ci est absolument nécessaire vu la gravité des attaques impulsées par le gouvernement Harper tant sur les programmes sociaux (assurance chômage) ou les services publics (Postes Canada) que sur le droit de grève dans les secteurs sous juridiction fédérale. Et de fait, les mouvements sociaux québécois, autant les centrales syndicales que la Fédération des femmes du Québec, le FRAPRU ou l’ASSÉ, sont aux avant-postes de la préparation de ce forum depuis plus de deux ans. Même chose du côté des communautés autochtones qui cherchent à élargir les appuis à leurs mobilisations contre l’exploitation des sables bitumineux et les projets d’extraction minière qui ravagent leurs territoires ancestraux. C’est ce qui explique la formation d’une dynamique caucus autochtone regroupant des militan-te-s des mouvements Idle No More, Indigenous Environmental Network et Femmes autochtones du Québec. C’est bien cet axe Québec-Premières Nations qui est le moteur du Forum des peuples 2014.
Appuis syndicaux et communautaires hors Qpébec
Mais qu’en est-il du Canada anglais ? Depuis près d’un an, les appuis au FSP 2014 se multiplient comme en témoigne la présence active de militantes et militants syndicaux ou communautaires provenant de plusieurs régions du Canada. Un caucus syndical est maintenant en action. Celui-ci regroupe non seulement des représentant-e-s des centrales québécoises, mais aussi des délégués de syndicats pan canadiens (le Syndicat canadien de la fonction publique, l’Alliance de la fonction publique du Canada, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, UNIFOR) ou de fédération hors-Québec (la Fédération des travailleurs de l’Ontario, la Fédération des travailleurs de la Nouvelle-Écosse, etc.). De plus, l’Ontario Common Front, un regroupement provincial de plus d’une centaine de groupes communautaires, syndicaux et antiracistes, appuie le projet de forum.
Ainsi, un premier grand atout de ce projet de forum pancanadien est cette convergence réussie de mouvements sociaux et de militant-e-s provenant du Québec, des Premières Nations et du reste du Canada. Ce réseautage permanent favorise la participation aux débats sur le programme et les objectifs du Forum.
Une conjoncture politique favorable
Le deuxième grand atout de ce forum est la situation politique prévalant au Canada. Les sept dernières années ont vu se consolider l’emprise du Parti conservateur de Stephen Harper sur l’État fédéral et la mise en place d’un programme néolibéral de choc. Se succèdent à un rythme fou restrictions budgétaires, abattements fiscaux pour les grandes entreprises, coupes dans les programmes sociaux, réduction des services publics, le tout adossé à une politique farouchement propétrolière de démantèlement des protections environnementales.
Depuis quelque temps, de nombreuses lois et mesures antisyndicales s’abattent non seulement sur les employé-e-s du secteur public fédéral, mais sur tous ceux et celles qui sont soumis au Code canadien du travail. Au total, près d’un million de travailleurs et travailleuses sont touchés. Certains gouvernements provinciaux, comme celui de l’Alberta, emboîtent le pas et cherchent aussi à rendre inopérant le droit de grève dans leur secteur public. Au sein du Parti conservateur fédéral des voix s’élèvent pour demander que soit remise question la formule Rand, menaçant ainsi la survie financière du mouvement syndical.
Face à cette offensive tous azimuts, beaucoup se rendent compte que les luttes isolées et sectorielles ont très peu de chances de succès et que seul un front commun contre Harper et la droite pourrait freiner les reculs catastrophiques qui se profilent à l’horizon. La grève étudiante québécoise et le large mouvement de sympathie qu’elle a généré servent d’exemple.
Lutter contre Harper et au-delà
La figure polarisante de Harper et des politiques conservatrices dont il est champion est le carburant de cette mobilisation. Mais l’objectif du Forum dépasse la seule antipathie envers le premier ministre. Dès le début, l’ensemble des politiques néolibérales et d’austérité ont été ciblées. Le FSP 2014 fait sien le slogan de " Fighting and Beyond » qu’avancent plusieurs militant-e-s de gauche du Canada anglais. Car derrière le sombre portrait de Harper se profile la figure souriante de Justin Trudeau et de l’autre parti de l’oligarchie canadienne : le Parti libéral. Le FSP 2014 se conçoit comme l’amorce d’un processus de mobilisation extra-parlementaire qui devrait se poursuivre bien au-delà du mois d’août 2014. Quel que soit le résultat des élections fédérales de 2015, c’est cette volonté de mobiliser les bases sociales et militantes en vue d’une lutte à long terme pour dépasser le néolibéralisme qui fonde la spécificité du Forum social des peuples 2014. *
Roger Rashi est coordonnateur des campagnes chez Alternatives
En route vers le FSP 2014
Les inscriptions individuelles ou de groupe au Forum social des peuples 2014 sont désormais ouvertes. Pour plus de renseignements, rendez-vous sur <http://reoplessocialforum.>