Quand ce principe est bien respecté, c’est un avantage démocratique important, car les opinions qui sont les plus diffusées peuvent l’être parce que ceux qui la promeuvent ont plus de moyens financers ou plus de relais chez les élus.
Cet équilibre favorise donc le débat, la confrontation des idées et l’évolution de la pensée dans la société.
C’est tout de même un art délicat que de rapporter les points de vue divergents en faisant valoir les arguments de part et d’autre en évitant de glisser dans la partialité, de porter l’éclairage sur tel aspect moins solide de l’un, mais pas de l’autre, de s’attarder aux traits de personnalités des porteparoles, à leur apparence, à des caractéristiques du discours qui ne sont pas liées à l’argumentation, etc.
Cet équilibre ne signifie pas non plus qu’on doive laisser entendre que toutes les opinions ont le même poids et que leur provenance est neutre. Quand une tendance est promue par un lobby financier et une autre par un mouvement collectif, les intérêts de classe peuvent être montrés dans l’analyse.
Cela nous amène à scruter d’un peu plus près le groupe d’étudiants qui se sont désignés sous l’appellation « d’étudiants socialement responsables ». Ce groupe d’individus a des porteparoles dont on ne sait comment ils ont été élus. Cela mérite d’être souligné. En face, le mouvement étudiant organisé relève d’associations étudiantes dont les structures sont connues et démocratiques. Cela aussi mérite d’être souligné.
L’appellation « étudiants socialement responsables » a de quoi laisser songeur, car elle semble la récupération d’un concept que chacun trouve louable à des fins qui ne vont pas tout à fait dans le sens qu’on attendrait. En effet, être socialement responsable, c’est prévoir le rôle de la société, s’engager pour que les structures sociales fonctionnent pour le bien de l’ensemble. Il est un peu paradoxal de s’appeler « socialement responsable » quand on veut renvoyer chaque individu à lui-même.
On trouve un phénomène semblable dans l’emploi du terme « développement durable » par le gouvernement québécois pour décrire le plan Nord, sans qu’il y ait de véritables pratiques de développement durable. En effet, protéger une partie du territoire, c’est très bien, mais ce n’est pas du développement durable. Le développement durable consisterait, par exemple, à remettre en l’état les territoires exploités, à limiter l’impact environnemental de l’exploitation en faisant appel à des procédés moins polluants, etc.
Il en est de même lorsque des entreprises affichent des logos qui parlent d’écologie sur leurs produits, sans que ces logos ne soient la preuve d’approbation par des organisations écologiques ou réglementaires.
On assiste donc dans tous ces cas à un marketing d’étiquette qui consiste à s’accoler une appellation bien vue sans avoir nécessairement une pratique appropriée.
Finalement, le fait qu’un groupe se livre à du marketing d’étiquette justifie-t-il que ses porteparoles autoproclamés soient traités comme s’ils représentaient un mouvement populaire ? Analyser et rapporter leurs idées est une chose nécessaire ; montrer l’origine et la nature de leurs appuis en est une autre que les médias incluent dans l’équilibre journalistique.