Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

On a lancé des tomates au premier ministre

En écho à l’article « Rouges de colère, Une manifestation dynamique... et des absent (*) » de Yves Bergeron, paru sur Presse toi à gauche ! le 25 octobre dernier.

mardi 25 octobre 2011,

Comme environ un millier de personnes, j’ai participé samedi dernier à la manif-action « Rouges de colère contre les libéraux » en marge du congrès du Parti libéral, à Québec. J’étais curieux de voir ce que Presse toi à gauche aurait à en dire et, comme je ne suis pas satisfait (!), j’ai décidé de soumettre une version alternative un peu moins pessimiste.

 
Plus qu’une marche dynamique

 
L’auteur de l’article, bien qu’il souligne le caractère dynamique de la marche, n’en dit pas plus. Un millier de personnes ont certes défilé dans les rues, mais il y a plus. L’appel à la mobilisation espérait déranger et perturber le congrès libéral, en appelait à la créativité et à se coordonner pour passer à l’action. S’il a rapidement été clair que l’ampleur prévisible de la mobilisation ne permettait pas d’imaginer une réelle perturbation du congrès, un blocage par exemple, les actions autonomes, elles, furent bel et bien au rendez-vous.

 
Des panneaux dénonçant la corruption, avec pour slogan « nos impôts se perdent en chemin » ont été installés tout le long du parcours par une équipe volante (certains sont encore en place au moment d’écrire ses lignes). Une bannière géante dénonçant la hausse des frais de scolarité et revendiquant la gratuité scolaire a été installée sur un édifice de la rue Saint-Jean. Un peu plus loin, c’est un immense carré rouge qui a été peint sur le cube de bronze qui trône en face du Ministère de l’éducation. Finalement, en fin de marche, les manifestant-e-s ont pu se défouler en lançant des tomates, littéralement, sur une image de Jean Charest qualifié de charogne.

 
Une mobilisation populaire

 
Yves Bergeron, dans son article sur Presse toi à gauche !, déplore l’absence de plusieurs grandes centrales syndicales. Évidemment, un millier de personnes ce n’est pas énorme si l’on compare aux dizaines de milliers de personnes que nous savons les mouvements sociaux capables de mobiliser. Toutefois, il faut replacer la manifestation dans son contexte régional. « Rouges de colère » était organisé conjointement par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics et la Coalition régionale du même nom. Les militant-e-s ont eu un gros trois semaines pour organiser l’évènement et mobiliser. La manif a pu compter sur un renfort bienvenu de l’extérieur, huit autobus, mais personne, en dehors de Québec, n’en a réellement fait une priorité. Dans ce contexte, franchir la barre symbolique du millier est un succès.

 
La dynamique unitaire est jeune et fragile à Québec entre les différents mouvements sociaux. La Coalition régionale n’existe que depuis un an. On peut bien dire que la riposte n’est pas à la hauteur mais il faut aussi constater les progrès réalisés depuis septembre 2010. Malgré une présence syndicale formelle dans la Coalition, jusqu’à maintenant la mobilisation reposait essentiellement sur les épaules des groupes populaires et d’une ou deux associations étudiantes. Pour la grande manifestation du 12 mars dernier, chaque mouvement a fait bande à part. Le Premier mai, malgré une organisation conjointe, les quelques 300 manifestant-e-s venaient essentiellement des groupes populaires. Heureusement, on ne peut en dire autant cette fois ! En effet, plusieurs syndicats locaux, notamment du domaine de l’enseignement, ainsi que le Conseil central de la CSN ont fait un effort réel de mobilisation et çaa paraissait dans la rue. Cette fois, la composition de la foule était plus proche de la diversité de la Coalition. On avait vraiment l’impression d’un mouvement commun sans que personne n’ait à se renier ou ne soit mis de côté. Et, en plus, les gens ont eu du fun !

 
Comment faire mieux ?

 
On peut déplorer autant qu’on veut la faible mobilisation de certains secteurs, la vraie question est de savoir comment on peut la favoriser. à mon avis, ce n’est pas simplement une question de mot d’ordre et de direction. Il y a une culture de mobilisation à redévelopper, surtout à Québec. On est deux à trois cents gauchistes au total, et c’est tout. Il n’y a pas de troupes syndicales, étudiantes ou communautaires cachées dans le bois qu’on peut aisément mobiliser. Les gens ne sont pas des chiens, ils ne répondent pas servilement aux appels à l’action. Il y a un important travail de conviction et de mobilisation à faire à la base pour revitaliser les mouvements sociaux.

 
Souvent, les mobilisations sociales ne sont en fait la seule mobilisation des militant-e-s et des permanents des organisations de masse. De toute évidence, ça ne suffit plus. La Coalition régionale en est consciente. Çà ne paraît pas comme ça mais la manifestation « Rouges de colère » s’inscrit dans un plan d’action plus large qui implique énormément de diffusion d’information et de sensibilisation pour construire la mobilisation sur le moyen terme. Ainsi, plus de 10 000 copies d’un journal de campagne ont été diffusées de main à main à Québec dans les trois semaines précédant la manifestation. Et ça se poursuit dans les semaines à venir jusqu’aux États-généraux des mouvements sociaux de la région qui se tiendront à la fin novembre et la solidarité à construire avec une éventuelle grève étudiante à la session d’hiver.

 
Allez, on a un mouvement construire. Gardons le pessimisme pour des jours meilleurs !
 
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(*) Pour lire l’article dont il est question - http://pressegauche.org/spip.php?article8488

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