Édition du 19 novembre 2024

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Immigration

Nouvelle loi sur l'immigration au Québec : un rendez-vous manqué

Tiré de son blog sur Huffington Post
Andrès Fontecilla est président est co-porte-parole de Québec solidaire

La refonte de la Loi sur l’immigration au Québec aurait dû être une occasion pour le Québec de repenser notre relation à la migration internationale. Les personnes issues de l’immigration au Québec sont victimes de discrimination, d’abus au travail et de la non-reconnaissance de leurs acquis et compétences. Pis encore, les immigrants francophones subissent aujourd’hui les inégalités historiques vécues par les Québécois francophones.

Malheureusement, la nouvelle Loi sur l’immigration, adoptée la semaine dernière, passe à côté de ces défis importants. Elle détourne la mission du ministère de l’Immigration pour qu’il devienne une simple agence de placement entre gens d’ailleurs et employeurs d’ici.

Étonnamment, malgré son énoncé de principe, la loi contient seulement deux articles concernant la participation et l’intégration à la société québécoise. Il s’agit d’une loi opaque qui établit des catégories générales et un processus de sélection des candidats imprécis, dont l’essentiel sera défini par voie règlementaire. Ce mécanisme qu’utilise abusivement le gouvernement actuel contribue à l’érosion de la démocratie parlementaire.

Quant à la nouvelle politique et à sa stratégie d’action, dévoilées au début du mois de mars par la ministre Weil, elles contiennent de belles intentions, mais peu de mesures concrètes. Le financement des organismes en francisation et intégration sera-t-il à la hauteur de la croissance du nombre de personnes immigrantes admises par Québec ? Nous en doutons.

Le ministère : une agence de placement ?

La loi 77 instaure un mécanisme de sélection des immigrants économiques basé sur une « déclaration d’intérêts ». Suite à une telle déclaration, le ministère de l’Immigration choisirait, selon des « critères d’invitation » convenus, quelles candidates et candidats pourraient initier leurs démarches d’immigration. Sans y être opposés catégoriquement, nous pressentons que cette approche comporte des risques.

Comment s’établiront les critères d’invitation ? Il est d’ores et déjà entendu que ce sont les besoins en main-d’œuvre, tels qu’exprimés par les entreprises, auxquels le gouvernement libéral veut répondre en priorité. Nous sommes face au risque de voir la sélection des personnes immigrantes être sous-traitée vers l’entreprise privée, sans compter le manque de transparence de ce processus pour les personnes candidates.

Des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires sans protection
Alors que les milieux d’affaires demandent davantage d’immigrants peu qualifiés pour remplir des emplois temporaires, nous craignons que la nouvelle loi permette de multiplier les programmes d’immigration temporaire qui ont des conséquences néfastes sur les conditions de travail.

Déjà, les autorités ferment les yeux sur les nombreuses situations d’exploitation des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Dans les champs agricoles québécois ou dans les maisons des biens nantis, des ouvriers et des aides domestiques subissent l’arbitraire de leur patron qui a le pouvoir de les renvoyer dans leur pays en mettant fin à leur contrat de travail.

La défense des travailleurs étrangers ultraprécaires est difficile compte tenu de leur statut de séjour. Afin de combattre le principal facteur de vulnérabilité des travailleurs temporaires étrangers peu qualifiés, le Québec devrait utiliser son pouvoir de sélection pour éliminer l’émission de permis de travail qui obligent de demeurer chez un seul employeur.

La langue française : un outil d’émancipation

La langue française au Québec est le levain de notre identité. Soyons vigilants, toutefois, avant de faire des personnes immigrantes des boucs émissaires de la précarité du français dans l’espace public. Les données indiquent que le taux de chômage des immigrants francophones est de 40 % supérieur à celui de ces nouveaux arrivants anglophones. Les inégalités entre francophones et anglophones sont léguées aux nouveaux arrivants.

La vitalité et la pérennité du français, son statut comme langue commune et de travail au Québec, ce sont des responsabilités collectives. Cette responsabilité doit se matérialiser par le renforcement du français au travail.

Les allophones seront toujours réticents à apprendre le français si cela ne signifie pas un atout pour eux et un vecteur d’emploi de qualité. Le français sera appris avec davantage d’efforts s’il sert à obtenir du travail, à défendre des droits et à participer au milieu communautaire. Ainsi, le gouvernement doit soutenir les initiatives de francisation en améliorant la qualité des cours et en bonifiant les bourses pour y participer. Il faut renforcer l’usage du français en milieu de travail en engageant les employeurs et les syndicats dans ce processus.

Soutien à la participation citoyenne, protection des droits et langue française, ce sont autant de rendez-vous manqués par le gouvernement libéral en matière d’immigration.

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