Édition du 19 novembre 2024

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Non, Occupy Wall Street n'est pas mort !

Pour le rédacteur en chef du magazine Adbusters, qui a contribué au lancement d’Occupy Wall Street, la répression n’a pas eu raison du mouvement. La mobilisation reste forte, et son impact ne fera qu’augmenter avec le temps.

The Washington Post

Pendant deux mois grisants, le camp brouillon installé à Zuccotti Park, au sud de Manhattan, a constitué le cœur symbolique d’Occupy Wall Street, le berceau du plus grand mouvement pour la justice sociale apparu aux Etats-Unis depuis l’époque des droits civiques. Ce cri primal pour la démocratie a été poussé par des jeunes gens qui ne pouvaient plus étouffer la profonde colère qu’ils ressentaient — la prémonition que leur avenir est bouché, qu’ils vivront toute leur vie dans l’ombre apocalyptique des catastrophes provoquées par le réchauffement climatique, d’une culture commerciale abrutissante, d’un système politique perverti par l‘argent, de la précarité de l’emploi et du rêve à jamais inaccessible de pouvoir vivre confortablement comme leurs parents.

Les jeunes et les millions d’Américains qui les ont rejoints savaient instinctivement qu’à moins de se révolter et de se battre de manière pacifique pour un avenir différent, ils n’auraient aucun avenir du tout. Le mouvement a été lancé par une affiche publiée dans le numéro 97 d’Adbusters ainsi que par une newsletter que nous avons envoyé à la mi-juillet à notre réseau de 90 000 militants. Mais les vraies origines du mouvement remontent aux révolutions tunisiennes et égyptiennes. A ces occasions, le monde a vu comment des foules pro-démocratie courageuses, mobilisées grâce aux réseaux sociaux, ont pu renverser des régimes intransigeants. Nous avons tous eu une révélation, à savoir que l’Amérique avait, elle aussi, besoin de sa place Tahrir et de son propre changement de régime. Sans doute pas d’un changement radical comme en Tunisie et en Egypte, mais d’un changement en douceur.

Seul un tel changement peut mettre fin à la corruption insidieuse qui gangrène notre système politique, dans lequel l’argent des entreprises permet de remporter les élections, inspire les textes de loi et réduit à néant les aspirations des citoyens. Seules les voix diverses des Américains, ceux qui représentent 99 % de la population, ont la capacité de faire cesser les comportements avides des 1 % les plus riches, de démanteler le casino mondial dans lequel 1 300 milliards de dollars de produits dérivés, de CDS ("credit default swaps" ou couverture de défaillance) et autres instruments financiers, s’échangent quotidiennement sans l’ombre d’une préoccupation pour les millions de vies que cette spéculation peut détruire.

A la mi-octobre, des occupations avaient lieu dans un millier de villes aux quatre coins du monde. Des centaines de milliers d’entre nous, pour la plupart des jeunes, se sentaient soudain animés d’une énergie bouillonnante, politiquement engagés et vivant à cent à l’heure, d’une manière que le monde n’avait plus vu depuis 1968.

Pourquoi Michael Bloomberg n’est-il pas descendu nous parler ? Ni le patron de la banque Goldman Sachs, Lloyd Blankfein ? Pourquoi le président Obama n’a-t-il pas salué les contestataires - dont beaucoup ont contribué à l’élire en 2008 - et ne s’est pas mêlé à eux dans les assemblées générales ? Un tel geste aurait eu une énorme portée.

Au lieu de quoi, ils sont restés hautains, ont fait comme si nos n’existions pas et ont souhaité nous voir disparaître. Nous voulions notre place Tahrir, un printemps américain, une nouvelle vision de l’avenir et ils ont attaqué Zuccotti Park, au beau milieu de la nuit. Face au soulèvement des jeunes Tunisiens qui exigeaient le changement, Ben Ali a réagi par la moquerie. Confronté à l’occupation de la place Tahrir, Moubarak a répondu par le paternalisme et la violence. En Syrie, les soldats d’Assad tirent quotidiennement sur la foule. Ce genre de répression brutale d’un mouvement pacifique est contreproductif. Cela n’a pas marché au Moyen-Orient et ne marchera pas non plus en Amérique. Partout, la même conclusion s’impose : on ne peut pas s’en prendre à la jeunesse en toute impunité.

L’attaque par les unités anti-émeutes de Bloomberg a renforcé notre détermination et ouvert une nouvelle phase dans le mouvement. Les assemblées populaires se poursuivront avec ou sans campements. La nouveauté, c’est l’escalade considérable des perturbations surprises, ludiques, précises - mobilisations éclairs aux heures de pointe, occupations de banque, "escouades d’occupation" théâtralisées.

(tiré du site du Courrier International)

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