Les militaires israéliens qui contrôlaient les check-points retardaient souvent le passage des femmes enceintes qui se rendaient à l’hôpital pour accoucher. Durant les sept premières années de ce mur de la honte, 69 bébés sont nés aux check-points alors que 35 bébés et 5 mères y sont morts. Il s’agissait là de traitements cruels et inhumains, considérés par les lois internationales comme un crime contre l’humanité. Mais les autorités de Tel Aviv niaient toute responsabilité.
« J’étais allée rendre visite à des parents en Égypte et sur la route du retour vers Gaza, le passage frontalier a été complètement fermé par les Israéliens » racontait Al-Astal. « J’allais accoucher. C’était commencé depuis plusieurs heures et il n’y avait personne pour m’aider. Enfin, une ambulance est venue pour m’emmener à l’hôpital Al-Areesh dans le Sinaï, mais j’ai accouché dans l’ambulance. J’ai appelé ma fille Ma’abar (« Traversée » en arabe) pour rappeler les douleurs et les difficultés que nous avons connues toutes les deux au check-point de Rafah ».
Quand nos descendants liront ces récits d’horreur, ils se demanderont comment nous avons toléré durant près de soixante-dix ans une telle situation d’apartheid. Le récit évangélique de la nativité fait état d’une situation semblable aux temps de la naissance de Jésus. Une occupation romaine brutale de la Palestine rend la vie de la population difficile : les terres sont confisquées et les paysans sans terre travaillent comme journaliers. L’insécurité est partout et la révolte gronde dans le désespoir. Hérode, vendu aux intérêts de l’empire, maintient son régime dans la terreur et de sang. Un recensement imposé par Rome oblige tous les habitants à s’enregistrer pour payer des impôts à César. « En ce temps-là, où Hérode était roi de Judée, …l’empereur Auguste donna l’ordre de recenser tous les habitants de l’empire romain. Ce recensement, le premier, eut lieu alors que Quirinius était gouverneur de la province de Syrie. Tout le monde allait se faire enregistrer, chacun dans sa ville d’origine. Joseph lui aussi partit de Nazareth, un bourg de Galilée, pour se rendre en Judée, à Bethléem, où est né le roi David ; en effet, il était lui-même un descendant de David. Il alla s’y faire enregistrer avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Pendant qu’ils étaient à Bethléem, le temps d’accoucher arriva. Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l’emmitoufla et le coucha dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’abri destiné aux voyageurs. »
Noël, c’est l’histoire de ce jeune couple, Marie et Joseph, qui se répète des millions de fois depuis plus de deux millénaires : familles pauvres, écrasées par les impôts et les dettes, opprimées par des régimes autoritaires, colonisées par des nations étrangères, obligées de fuir la violence des Hérode en s’exilant pour sauver la vie de leurs enfants. Noël, se perpétue en Palestine au XXIe siècle au milieu d’un peuple soumis à l’apartheid qui résiste de toutes ses forces à l’occupation de son territoire et se refuse à disparaitre.
Noël, c’est un chemin de liberté pour les opprimés, un chemin sans embuches, sans check-points, sans murs qui séparent les peuples et les condamnent à s’exclure. Noël, c’est le rêve d’une terre de liberté, d’un jardin merveilleux rempli d’enfants de toutes couleurs, de toutes races, de toutes langues, des enfants de la Vie, en paix, en sécurité et en harmonie.
Joyeux Noël, mais sans check-points !
Claude Lacaille, Comité de Solidarité/Trois-Rivières