En effet, cette façon de faire des Juifs de France les enfants chéris de la République, et de la critique d’Israël la preuve d’une haine antisémite, est le moyen le plus sûr de développer l’antisémitisme.
Sous prétexte qu’il parle au diner du CRIF, supposé être représentatif des Juifs de France, le Premier ministre disserte sur l’antisémitisme en lui donnant une place et un statut supérieurs à toute autre forme de racisme. Que Netanyahou trouve son compte dans un tel discours qui justifie son appel aux Juifs de France à rejoindre Israël, c’est évident.
Certes il déclare que la France ne serait pas la France sans ses Juifs, un propos jamais tenu pour les autres composantes de la population de notre pays, et là encore il isole les Juifs dans la protection que la France leur doit. Il attise la concurrence des victimes en faisant des Juifs victimes de l’antisémitisme des victimes plus à protéger que les autres (au moment où les expulsions de Rroms se poursuivent dans un silence assourdissant du CRIF notamment, et où la France ne respecte pas ses obligations légales vis-à-vis des réfugiés).
Et la campagne citoyenne et non violente « Boycott Désinvestissement Sanctions » serait antisémite, parce qu’elle délégitimerait Israël, alors qu’elle ne fait que mettre le doigt sur le fondement colonial et le système d’apartheid constitutifs de cet État.
D’une certaine façon, après avoir fait porter la suspicion de terrorisme sur tous les « racisés », en particulier « arabo-musulmans », en enclenchant le débat foireux sur la déchéance de nationalité, il n’est pas loin d’encenser la double fidélité des Juifs de France à la France et à Israël.
Nous espérons que cette fois beaucoup plus de Juifs comprendront que ce « philosémitisme » - ces déclarations d’amour aux Juifs de la part des autorités d’Etat -, loin d’être une protection, est le plus terrible ferment de développement de l’antisémitisme et même des théories du complot juif.
Plus que jamais, la parole juive contre le racisme doit être une dénonciation de toutes les discriminations, et en particulier de celles dont l’État se rend coupable.