Les nouvelles et nouveaux employéEs sont maintenant confinés à une période d’intégration de 10 ans, ils débutent à 60% de l’actuel taux horaire régulier de $33,85, ce qui leur permettra théoriquement d’atteindre éventuellement le taux normal dans une décennie. Cette « non-concession » provient d’une précédente « non-concession » (concédée avant la période de faillites) qui prévoyait que les nouveaux et nouvelles embauchéEs débuteraient à 64% et pourraient atteindre le taux régulier dans une période de 6 ans. Ces nouveaux et nouvelles employéEs devront également contribuer à leur fonds de pension ( concession provenant également d’une négociation précédente) , lesquelles ne seront plus désormais des régimes à prestations déterminées. (2) Ils sont maintenant devenus des mixtures « hybrides » entre le régime à prestations déterminées et le régime à cotisations déterminées.
Les autres composantes de l’accord comprennent un rejet des demandes initiales des employeurs pour une foule d’autres reculs. Il comprend un montant forfaitaire de $3000 à la signature de la convention collective au lieu d’une augmentation salariale, ainsi que trois versements annuels de 2 000 $ par travailleur, à la place de la formule d’indexation CIVC. Ce dernier sera rétabli en juin 2016.
Les accords comportent en effet des engagements afin de maintenir une partie de la production actuelle dans diverses installations appartenant aux trois employeurs. Le contrat de GM comprend également un engagement de la société pour mettre fin à son utilisation arbitraire de travailleurs temporaires, appelée SWE.
Quel est le problème avec cet accord ?
Le nouvel accord à deux niveaux ou clauses orphelines a été initialement présenté par le syndicat en réponse à la demande des compagnies pour des clauses orphelines permanentes concernant les nouveaux et nouvelles embauchéEs. À ce titre, c’est « demande syndicale » qu’ils ont vendu aux membres. Peu importe comment on le considère, il s’agit bel et bien de clauses orphelines.
• Les travailleurs et travailleuses nouvellement embauchéEs resteront à 60 % pendant 2 ans ; 65 % pour une année ; 70 % pendant deux années supplémentaires, et ainsi de suite pendant 10 ans ;(3)
• Ce qui laisserait différentes générations pendant une longue période faire le même travail pour un salaire différent (une des choses essentielles contre lesquelles les syndicats ont combattu). Quel sera l’impact sur la solidarité des travailleurs et travailleuses ? Comment cela affectera-t-il le sentiment d’appartenance au syndicat ?
• Il y aura un minimum d’embauche à court terme (s’il y en a), et l’accord dure jusqu’en 2016. Cela permet amplement aux employeurs de revenir à la fin avec des demandes d’écart plus grand couvrant des périodes plus longues. À toutes fins utiles, cela pourrait très bien être permanent.
• Cela fait partie d’une offensive généralisée afin d’abaisser les salaires des travailleurs/euses au sein de l’économie nord-américaine. Les clauses orphelines sont une des composantes de ce projet. Elles entrainent partout les échelles salariales et les bénéfices vers le bas – quel que soit le nombre de protestations que l’accord de l’automobile génère, « c’est la course vers le bas. Cet accord facilite cet agenda managérial.
• La partie concernant le régime de pension est particulièrement inquiétante ; particulièrement à une époque où le capital dans son ensemble est sur le point d’éradiquer les régimes à prestations déterminées (cela a été le principal enjeu dans clé grèves et lock-out partout au Canada, tels que Vale Inco, US Steel et même les arbitres NFL aux États-Unis). Quand les TCA, l’un des syndicats du secteur privé le plus respectés et le plus fort en Amérique du Nord, accepte le principe selon lequel on refuse le droit à la prochaine génération de travailleurs de l’automobile de bénéficier de régimes à prestations déterminées, il affaibli la totalité de la classe ouvrière.
Encore la même chose ?
Au moment où débutaient les négociations, les TCA – impliqués dans une opération publique concernant le projet de fusion avec le Syndicat canadien de l’énergie et du papier (SCEP) – proclamaient haut et fort qu’ils sauraient « reconquérir ce qui avait été concédé » dans le passé et ont fait valoir que les coûts de la main-d’œuvre constituaient seulement 5 % du coût de production de véhicules. D’un autre côté, ils parlaient tout aussi clairement de leur désir « d’éviter d’ajouter des coûts fixes » et leur préoccupation constante concernant la fragilité de la situation concurrentielle des employeurs. Le temps a démontré quelle était leur véritable vision.
L’approche syndicale dans le secteur de l’automobile repose entièrement sur l’acceptation de leur dépendance envers la compétitivité des entreprises. Mais l’industrie automobile ne pourra que devenir de plus en plus compétitive, en fonction de l’exportation compétitive vers les États-Unis et ailleurs et en fonctions des gains constants de productivité ( réductions du nombre de travailleurs et travailleuses et d’usines de production). Elle constitue également un danger majeur pour l’environnement et est une des causes principales du réchauffement global et des changements climatiques.
Quelle sera la situation lors de la prochaine ronde de négociations dans quatre ans ? Le syndicat sera-t-il en mesure de regagner le terrain perdu ? Ou alors, compte de la nature des rapports de forces du marché, cela n’intensifiera-t-il pas la pression pour maintenir les compagnies plus compétitives ?
Et maintenant ?
Les ententes de principes ont été facilement ratifiées au cours des deux dernières semaines. Cela se justifie du point de vue de la majorité des travailleurs et travailleuses, pour beaucoup ils et elles ont à l’œil tant l’industrie dans son ensemble que leurs employeurs individuels. Considérant que le syndicat, finalement, affirmait que la situation actuelle ne laissait aucune véritable solution alternative ni d’espace de résistance, et sans aucune expérience récente de lutte collective qui aurait pu les inspirer, les gens ont ratifié la convention collective dans un esprit de résignation.
Il aurait pu y avoir une alternative, même si ce n’est que spéculation. Le syndicat aurait pu demander que les ententes actuelles soient simplement reconduites, sans aucune autre concession. Les dirigeants auraient pu tenter de rallier le public à l’idée que les travailleurs et travailleuses doivent pouvoir se tenir debout face aux efforts visant à réduire notre qualité de vie. Ils auraient pu mobiliser leurs membres dans une perspective de défendre ce qu’ils ont. Et ils auraient pu (et peuvent encore) commencent à envisager d’autres approches stratégiques relatives à l’industrie automobile, telles que la conversion des usines vers la production du transport en commun ainsi que d’autres besoins internes pour les travailleurs canadiens.
Le contexte économique et politique peut sembler difficile, mais la lutte et la résistance peuvent créer des ouvertures et de nouvelles possibilités. Dans un environnement parsemé de défaites et de prudence, ce genre de discours donne l’impression de dépasser les bornes.
Traduction, André Frappier
1 Plusieurs des idées de cet article proviennent de conversations ou de lectures du matériel produit par Bruce Allen, des TCA section locale 199, un infatigable militant et critique, et Sam Gindin, ancien assistant des présidents des TCA Bob White et Buzz Hargrove.
2 Les régimes à prestations déterminées (Defined Benefit Plans) garantissent le versement de prestations mensuelles négociées payées par l’employeur. Les régimes à cotisations déterminées ( Defined Contribution Plans) placent les contributions dans un fonds d’investissement, géré par le travailleur. Le montant des prestations de retraite dépend du montant investi par l’employé et de la chance
3 Les chiffres actuels sont : 60,60,65,70,70,75,80,85,90,100.