Promis, juré, le gouvernement est à l’écoute. C’est la ministre du travail Myriam El Khomri, interrogée lors des questions au gouvernement, qui l’assure. Si c’est le cas, l’exécutif doit commencer à être préoccupé. Selon les syndicats, 500 000 personnes ont défilé dans les rues de toutes les villes de France contre la loi sur le travail ce mercredi 9 mars, dont 100 000 à Paris. Le ministère de l’intérieur, lui, en a compté 224 000 partout en France, et un peu moins de 30 000 personnes à Paris (selon l’AFP, il avait décompté 90 000 manifestants dans la capitale au plus fort de l’opposition à la réforme des retraites de François Fillon en 2010). Mais pour l’heure, le gouvernement a surtout affiché le fait qu’il ne comptait pas bouger sur le projet de loi, dont la présentation en conseil des ministres est prévue le 24 mars.
Place de la Nation, mercredi 9 mars 2016 © Rachida EL Azzouzi
« Bien sûr qu’on écoute le peuple », a lancé la ministre à l’Assemblée nationale, alors que la manifestation parisienne venait de partir de la place de la République. Elle venait pourtant de répéter la position gouvernementale, pour qui le projet de loi « a été conçu comme un acte de confiance dans la négociation collective et dans les syndicats ». « Lorsque nous souhaitons décentraliser la négociation au niveau de l’entreprise, cela vise à redynamiser le dialogue social dans notre pays, en développant de nouvelles formes de régulations », a-t-elle déclaré, jugeant « que notre pays aujourd’hui est mûr », et « qu’il est essentiel (...) d’avancer ».
Surtout, ne montrer aucune nervosité. Myriam El Khomri tient la ligne, tout comme Manuel Valls, qui a reçu à 17 heures à Matignon, aux côtés de sa ministre et d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie, les représentants du syndicat Unsa et de l’organisation patronale des artisans, l’UPA.
Pourtant, difficile de faire comme si rien ne s’était passé. À 16 h 15, lorsque la tête du cortège parisien arrive à destination place de la Nation, une heure après avoir démarré et sous les rayons du soleil, le président de l’organisation étudiante UNEF, William Martinet, se dit « très satisfait ». Deux heures plus tôt, avant que ne démarre la manif, « Da Mien » s’avouait « fasciné » de voir que « le virtuel se transforme en réel ». Ce trentenaire, militant CGT mais irrité par la mollesse des premières réactions syndicales, est l’un des trois initiateurs du premier appel, sur Facebook, à la grève le 9 mars. Comme Mediapart l’a raconté en détail, c’est cet appel qui a tout déclenché, et qui a finalement été repris par les organisations de jeunesse (Unef, Unl et Fidl pour les lycéens) et a été soutenu par les syndicats CGT, FO, FSU et Sud, et par les mouvements politiques Europe Écologie-Les Verts, le Parti de gauche, les Jeunes communistes et les Jeunes socialistes.
Place de la République, mercredi 9 mars © Rachida EL Azzouzi
« Da Mien » ne se dit « pas surpris » devant l’ampleur qu’a pris le rassemblement : « Cela fait des jours que l’on sent monter la mobilisation. Notre page Facebook qui recense la carte de toutes les mobilisations en France avait été visitée par 100 000 personnes ces dernières semaines. Elle a été vue 300 000 fois ces trois derniers jours. Le plus dur, désormais, c’est de coordonner le désordre. »
Leur coup de sonde sur internet a fini par rallier des manifestants partout en France. Entre 5 000 et 8 000 à Clermont-Ferrand, selon France Bleu Pays d’Auvergne, près de 4 000 à Strasbourg, selon la préfecture, entre 3 000 (selon la police) et 15 000 (selon les syndicats) à Bordeaux, près de 7 000 à Lyon (selon la préfecture), entre 4 000 et 5 000 à Tours, au moins 3 000 à Montpellier… À Nantes, ils étaient 10 000 selon la police (voir notre reportage sur place), et entre 5 000 et 15 000 à Grenoble, entre 6 000 et 7 500 à Lille (lire nos témoignages également sur place). À Poitiers, entre 2 500 et 6 000 manifestants s’étaient rassemblés (un portfolio de la journée est proposé par Marine Sentin, responsable du service abonnés de Mediapart).
Paris, mercredi 9 mars 2016 © Rachida EL Azzouzi
À Paris, la journée a démarré avec la mobilisation des lycéens et des étudiants. Selon le ministère de l’éducation nationale, 90 lycées étaient bloqués à 11 heures. Et dans le courant de la matinée, un appel à la grève a été voté pour le 17 mars, dans de nombreuses facs partout sur le territoire. À Paris à la mi-journée, près d’un millier de lycéens ont défilé de Nation vers République, lieu du rassemblement général. La place de la Bastille s’est transformée en véritable agora, malgré les fortes pluies qui s’abattent sur la capitale. Escortés par des policiers, certains brandissent des banderoles reprenant les slogans partis du net, « Loi travail non merci » ou le désormais célèbre hashtag #OnVautMieuxQueCa, qui fédère depuis deux semaines les récits des conditions de travail des plus précaires. « Dès lundi, on s’est dit que mercredi il y aurait un blocus au lycée et ensuite une manifestation, raconte Lucien élève en terminale au lycée Maurice-Ravel (XXe arrondissement). On est ici pour le retrait ou la modification de cette loi. » « Nous sommes, nous sommes, les travailleurs de demain ! », clament les lycéens. Sous les bruits des pétards, Marius, élève en première L, dirige les troupes au mégaphone : « Direction place de la République ! »
Côté étudiants, on prend la même direction, depuis la fac de Jussieu par exemple. L’AG à peine achevée, les étudiants et personnels se massent à l’extérieur de la fac, à 13 h 30. Un salarié cégétiste parle avec les plus jeunes de la suite à donner aux événements et plaisante : « Avec le plan vigipirate qui a réduit le nombre d’entrées, c’est encore plus facile de bloquer les lieux que pour le CPE, je dis ça en passant… » Le petit cortège s’ébranle, la bande d’étudiants syndiqués à Solidaires mène le mouvement bruyamment, un paquet de slogans anti-PS en réserve. « P comme pourri, S comme salaud », ça pose une ambiance. République apparaît au loin. Un automobilisme, arrêté à un feu, s’énerve : « Vous faites chier, on bosse ! » Les mètres aidant, l’accueil est de plus en plus courtois. Les communistes hurlent « bravo les jeunes » en les voyant arriver, et un vieil homme sous sa casquette donne des tuyaux. « J’ai un slogan pas mal pour vous : à programme ignoble, résistance ! » Les étudiants rigolent, déjà aspirés par la place.
"Sitting" improvisé à Charonne, Paris © Mathilde Goanec
Devant la statue devenue mémorial des victimes des attentats de Paris et protégée par des grilles, des grappes de lycéens et d’étudiants se forment. « On reprend des forces », dit Mélanie, 15 ans, qui bat le pavé depuis la fin de matinée et avale un sandwich sur le pouce. Un journaliste télé les interpelle, elle accepte de démonter la loi El Khomri, qu’elle fait rimer avec « loi pourrie », en déroulant les éléments glanés dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les assemblées générales ou à table, avec ses parents, des profs en grève qui sont en route. « Cette loi, c’est un retour dans le passé. Le patronat écrase un peu plus les salariés. C’est nous, les prochaines victimes. »
Peu avant 14 heures, ces cortèges de bric et de broc seront rejoints par les bataillons, autrement structurés, des syndicats, qui ont tenu à manifester une première fois à 12 h 30, dans les environs du siège du Medef, au ministère du travail (VIIe arrondissement). Un petit kilomètre et une grosse demi-heure de parcours, mais plusieurs milliers de militants, CGT en force, suivie de FO, Sud, Unsa ou des anarchistes de la CNT.
© Dan Israel
Le siège du Medef est barricadé derrière une double rangée de barrières et un cordon de CRS. Mais entre policiers, l’atmosphère est détendue, et pour cause : seules les sandwicheries voisines sont prises d’assaut, le cortège ne s’étant pas approché à plus de 300 mètres du siège de l’organisation patronale, et s’élançant dans l’autre direction. En tête, on trouve Mickaël Wamen et les autres militants syndicaux de Goodyear, récemment condamnés à de la prison ferme pour avoir retenu quelques heures deux cadres de l’usine de pneus d’Amiens (Somme), aujourd’hui fermée.
Juste derrière, les dirigeants de FO, Jean-Claude Mailly, et de la CGT, Philippe Martinez. « L’heure n’est pas aux propositions, mais bien au retrait, déclare le premier. La philosophie de la loi remet en cause les négociations avec les syndicats, en les décentralisant, ce qui va accroître les inégalités envers et entre les salariés. » Pour le second, « il faut que le gouvernement arrête d’écouter le Medef, et écoute enfin la jeunesse ». Il juge la mobilisation « de bon augure » pour la suite. Le leader cégétiste a un message à adresser aux militants du numérique : « Un clic, c’est bien, marcher dans la rue et faire grève, c’est mieux ! », dit le dirigeant cégétiste, qui reconnaît tout de même que « les réseaux sociaux sont un bon moyen de sensibilisation ».
Voilà qui tombe bien, les manifestants de la place de la République sont d’accord avec lui. « Vous pensiez vraiment qu’on allait rester sur Twitter ? », clame crânement une pancarte.
Des manifestants s’activent pour tracer avec leur corps le slogan « On vaut mieux que ça ». Iona et Maëlle, 19 et 22 ans, étudiantes à l’IUT de Créteil, prennent place dans la lettre géante C, tracée à la craie sur le sol, « pour rappeler au gouvernement que nous sommes des êtres humains », selon un jeune intermittent du spectacle. Un photographe, hissé dans une nacelle, a immortalisé la chaîne humaine… avant de rester coincé dans la nacelle en panne.
Lycéens en colère © Rachida EL Azzouzi
Les responsables politiques à la gauche de la gauche sont là
Certains responsables politiques ont décidé de ne pas rater l’occasion. Peu après 14 heures, l’aile gauche du PS s’est donné rendez-vous rue de Malte, juste derrière la place de la République. Le député Christian Paul, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, l’ancien inspecteur du travail Gérard Filoche sont sur place. « C’est ma première manifestation depuis le début du quinquennat, si l’on excepte bien sûr celle du 11 janvier 2015, dit Christian Paul, leader des « frondeurs ». Le problème, c’est que notre modèle social est remis en cause avec cette loi, alors qu’il n’est pas du tout démontré que ça marche contre le chômage de masse. » « Ce n’est pas l’économie française qui est rigide en ce moment, c’est le premier ministre », ajoute-t-il, avant de lancer un appel : « Il y a une opération séduction du pouvoir envers la CFDT qui, j’espère, ne se fera pas prendre au piège. »
© Christophe Gueugneau
Vers 15 heures, Jean-Luc Mélenchon, fondateur du Parti de gauche et candidat en 2017, arrive sous une nuée de caméras place de la République. Visiblement satisfait du monde présent, il prend le temps de serrer les mains, discuter avec des salariés sur des questions techniques comme un problème de calcul d’heures supplémentaires. « Avec les jeunes qui se mobilisent, explique-t-il, le pouvoir va se rendre compte qu’il a affaire à des gens sérieux. » « Et comme le calendrier du gouvernement est étalé [le projet de loi arrive au Conseil des ministres seulement le 24 avril], on va avoir encore le temps d’expliquer », ajoute-t-il, prenant en exemple la réduction du nombre de jours de congés en cas de décès d’un proche (que nous avons expliquée ici) : « On se demande quel cerveau malade a pu inventer une chose pareille ! » Sur le mouvement lui-même, le fondateur du Parti de gauche affiche sa confiance : « On sent que le mouvement commence et il commence bien, on est aujourd’hui à la phase un, la jeunesse est mobilisée, les facs sont mobilisées. Mais comment François Hollande a-t-il pu se fourrer dans une histoire pareille ? » s’interroge-t-il avant de partir vers le boulevard Voltaire.
Un peu plus en avant dans le cortège, la députée EELV Eva Sas défile sous les drapeaux de son parti. « On a l’impression que la France se réveille après la sidération », se réjouit-elle. Elle salue Isabelle Attard, autre députée écologiste qui défile avec son confrère Philippe Noguès et l’humoriste Bruno Gaccio. « La mobilisation d’aujourd’hui, j’y crois parce que ce sont les réseaux sociaux, les jeunes, qui ont mobilisé, les syndicats et les partis ont suivi », dit Isabelle Attard dans un large sourire. « Il n’y a plus aucune limite dans ce pouvoir, depuis le début du quinquennat, on voit une vraie stratégie qui consiste à sortir tous les projets Sarkozy du tiroir au fur et à mesure », ajoute-t-elle. Philippe Noguès, député breton, abonde : « Des gens comme Macron, Hollande et Valls ont entériné le fait qu’il n’y a pas d’alternative possible, on en arrive à la caricature des choses avec la loi El Khomri. Mais cette loi peut être un déclencheur : les partis traditionnels sont à bout de souffle, alors aujourd’hui, on n’ose pas encore parler de Podemos mais bien sûr on y pense. »
Sous les drapeaux du NPA, Olivier Besancenot est tout aussi satisfait. « Visiblement, c’est gros aujourd’hui, il y a un parfum de CPE avec ce type de manifs, ces cortèges de jeunes qui débordent sur les trottoirs, ce côté intergénérationnel. » « Cette loi qui arrive juste après la déchéance de nationalité, ça montre que les politiques sont vraiment dans une bulle, c’est le propre d’une crise politique », lance-t-il. « Cette étape d’aujourd’hui peut vraiment être un déclencheur. »
Au gré du cortège, on croisera aussi Julien Coupat et Mathieu Burnel, figures des activistes de Tarnac. Mais la masse est bien entendu anonyme… et créative. « On gattaz gratis », « Tout ça ne dit rien qui Valls », « Gattaz the blues », « On nous Trump, on nous Gattaz », « Hollande la main très visible du marché »… La brune Stéphanie et ses amis rivalisent de banderoles chocs, réalisées la veille dans un bar lors d’un atelier brainstroming. Elle est psychologue et tient une consultation de souffrance et travail, dans le cadre du réseau lancé par l’experte de la question Marie Pezé. Le projet de réforme du gouvernement la révolte : « C’est une opération de destruction des individus à très grande échelle. Les entreprises sont déjà hors la loi. Les salariés que je reçois sont déjà pressés jusqu’à la moelle et de plus en plus nombreux. »
Elle a signé tout de suite la pétition, le groupe qui l’accompagne aussi. Il y a là une avocate en droit social, deux médecins généralistes, des profs, des chômeurs et Fabrice, salarié dans une association « où il y a les mêmes problèmes que dans les PME et des conditions de travail difficiles ». Sur vingt salariés, ils étaient deux à faire grève ce mercredi. En chemin, le groupe a rencontré des syndiqués CFDT : « Il faut que la base fasse déborder les centrales. »
Stéphanie et sa bande d’amis, place de la République © Rachida EL Azzouzi
David Ammar ne serait pas d’accord, lui qui tire comme un fou sur la corde encadrant la tête de cortège de la manifestation. « Avancez, avancez », hurle le militant, vieux briscard du monde politique et syndical, aux jeunes réquisitionnés pour le service d’ordre. Tout en avançant, il gronde contre l’Ani, la réforme des retraites, la déchéance, et cette loi « scélérate », qui ne concerne pas « que les jeunes ». Membre du PG, il ne voit qu’une seule solution : le retrait de la loi, et « Jean-Luc Méléchon en 2017 ».
Rémi et Guillaume, de gauche à droite, serrurier et ouvrier du bâtiment, ex-apprenti. © Mathilde Goanec
Le cortège emporte aussi son lot de novices. Cette manif est une première pour Guillaume, ouvrier de 23 ans dans le BTP à Fontainebleau. Ex-apprenti, le passage possible à la semaine de 40 heures pour ses congénères mineurs l’a poussé dans la rue. « Déjà 35 heures, c’était dur, alors 40, c’est pas possible ! » Son ami Rémi est serrurier mais cumule les missions en intérim et les CDD, faute de trouver un « vrai emploi ». Il s’insurge contre les heures supplémentaires moins payées. « L’histoire des prud’hommes » l’inquiète tout autant, même s’il n’a « jamais été licencié ».
Perdue entre le grand ballon des métallos et celui de cheminots, on trouve une psychologue, pas décontenancée pour deux sous. « Je suis adhérente à la CGT quand même ! » La trentaine, dix ans de CDD et autre CAE au compteur, cette jeune Franco-Grecque n’hésite pas une seconde sur les raisons de sa présence dans le cortège. « Je sais très bien ce que donne une politique libérale, dictée par Bruxelles. En Grèce, la retraite est tombée à 350 euros, le code du travail est détricoté, les cotisations des patrons, elles, n’ont pas bougé. Si on va vers ça, non merci. »
Vincent, 18 ans, autocollant du syndicat « solidaires » sur le blouson. À force, il va finir par adhérer. « Ça suffit quoi ! Ils cassent tout ce qu’ils touchent. Le code du travail, c’est le truc de trop, surtout avec une approche aussi libérale. » Le jeune homme, étudiant en sciences politiques à Paris I, ne comprend pas qu’on augmente la durée du temps de travail. « Les gens vont bosser toujours plus, et donc il y aura de moins en moins de travail pour nous les jeunes. On ne sortira jamais de la précarité avec une logique pareille. »
Arrivée sur la place de la Nation, escalade de la statue, Paris © Mathilde Goanec
Sur le trottoir, Malika dit au revoir à ses copines, qui quittent le cortège à Charonne. Malika continue encore un peu, « extrêmement touchée » de voir que beaucoup de jeunes sont au rendez-vous. « La loi a finalement un avantage, plaisante cette militante CGT, elle nous aura permis de nous replonger dans le code du travail, pour voir ce que l’on risque de perdre. » Conseillère prud’homale auprès des salariés dans des petites et moyennes entreprises, Malika ne comprend pas cette hystérie autour du verrou du licenciement. « Je suis loin d’être anti-patron, mais honnêtement, depuis le temps que je pratique, j’ai dû voir 3 ou 4 salariés qui déconnaient. Les autres ont simplement besoin d’être protégés contre le licenciement abusif. » La question sociale est loin d’être son seul moteur. Algérienne vivant en France depuis toujours, Malika a obtenu la nationalité il y a peu. Le débat sur la déchéance l’a profondément meurtrie. « Le droit de vote aux étrangers oublié en 1981, oublié en 2012, puis ça ! Quelle honte ! » Battre le pavé tant que nécessaire, voter blanc et convaincre les autres de faire de même aux prochaines élections, voilà son programme pour l’année à venir.
À une intersection, rue de Chanzy, des lycéens croisent des collégiens, venus en curieux. « Ne nous regardez pas, rejoignez-nous ! » hurlent les plus grands. Hystérie collégienne et pointe d’inquiétude. « Si on travaille pas plus tard, on va faire quoi, dormir dans la rue ? » demande la toute jeune Fatia.
© Karl Laske
Sur le bord du boulevard Voltaire, trois employés d’un Subway regardent passer le cortège sur le pas de porte de la sandwicherie. « On bosse de 7 h 30 à minuit 7 jours sur 7, pas le temps de penser à la politique. Vous croyez quoi ? Ici c’est l’Amérique, on travaille plus pour gagner plus ! »
Sur tout le parcours, l’ambiance est bon enfant. Les policiers sont restés invisibles, sauf en queue de manifestation. Un cortège d’« inorganisés », pour certains masqués, arrive place de la Nation, derrière une banderole « Lycéens, étudiants, contre la loi code du travail ». Après avoir discrètement vandalisé au marteau les distributeurs de banque sur le parcours du défilé, ils ont ensuite brisé quelques vitrines de banques sous des applaudissements et aux cris de « Anti, Anti, Anti-capitalistes ».
Une cinquantaine de policiers en civil se sont approchés, et ont procédé à deux interpellations, sans incident majeur. La plupart de ces « autonomes » se sont ensuite dispersés dans la foule. Ailleurs en France peu de débordements ont été signalés. À Lyon, des affrontements avec des forces de l’ordre ont éclaté vers 16 heures lorsqu’une partie des manifestants a refusé de se disperser place Macé, lieu prévu pour la fin du défilé. Selon Rue89 Lyon, trois policiers ont été blessés et trois manifestants interpellés. À Nantes, cinq interpellations ont aussi eu lieu en marge du cortège. Des individus cagoulés ont jeté des pavés et des fumigènes sur les policiers, faisant quatre blessés. Les syndicats locaux et les organisations étudiantes dénoncent des actes qui « décrédibilisent le mouvement social ».
Place de la Nation, mercredi 9 mars 2016 © Rachida EL Azzouzi