Objet : Protection des espaces verts au nord de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau à Montréal, plus communément appelés « les milieux humides du Technoparc et les terres fédérales adjacentes »
La 15e Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15), qui se tiendra à Montréal du 7 au 19 décembre 2022, est une occasion sans précédent. Cette rencontre, qui a lieu une fois tous les dix ans, sera l’une de nos meilleures chances de protéger l’habitat de nombreuses espèces sous pression. Les récentes études publiées par la BirdLife International montrent qu’environ la moitié des espèces d’oiseaux du monde sont en déclin et qu’une espèce aviaire sur huit est menacée d’extinction. De même, l’évaluation de 2019 de l’université Cornell constate un déclin d’environ 30 %, soit 3 milliards d’oiseaux perdus rien qu’en Amérique du Nord depuis 1970. Ce déclin est si important qu’il dépasse l’entendement. Dans ce contexte, quelle est la solution envisagée par les maires avant-gardistes des municipalités du monde entier ? Valérie Plante, mairesse de Montréal, l’a si bien dit : "Gardons les espaces verts que nous avons".
Environnement et Changement climatique Canada souligne l’urgence de la protection de la biodiversité : « De toute urgence [...] mettre fin à l’alarmante perte de biodiversité dans le monde et renverser la vapeur ».
Dans le monde … et chez nous.
Au nord de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, 215 hectares d’espaces verts et milieux humides sont parmi les habitats les plus prolifiques sur le plan écologique de l’île de Montréal. Ces terres continus appartiennent au gouvernement fédéral (155 ha), à la Ville de Montréal (27 ha), et à des promoteurs (33 ha). En plus d’abriter un écosystème forestier exceptionnel, le site est considéré comme un des endroits privilégiés au Québec pour l’observation des oiseaux. Plus de 200 espèces d’oiseaux, dont huit des 10 strigidés de la province et des espèces menacées – telles que le Petit blongios et le Hibou des marais – y trouvent refuge. Ces espaces verts sont aussi favorables au papillon monarque. Le ministère des Transports du Canada gère environ 155 hectares de ce territoire, dont certains secteurs abritent la plus grande population recensée de monarques et d’asclépiades sur l’île de Montréal. Aéroports de Montréal dispose d’un bail locatif sur ces espaces et ne se cache pas de vouloir en faire le développement industriel. L’été dernier, Aéroport de Montréal s’est attiré la grogne populaire alors que les médias ont rapporté la découverte que nous avions faite. À l’insu de tous, ADM a rasé 20 hectares d’asclépiades et de plantes en fleurs nécessaires à la survie du monarque, et ce durant la période protégée de nidification des oiseaux. Environnement et Changement climatique Canada mène actuellement une enquête à ce sujet. Cette tonte pourrait avoir contrevenu à la Convention concernant les oiseaux migrateurs.
Une masse de données écologiques ont été recueillies par Technoparc Oiseaux et d’autres organismes pour confirmer que le site est d’une grande importance écologique sur l’île de Montréal. Avec le soutien de scientifiques, d’étudiants et de naturalistes amateurs, Technoparc Oiseaux a compilé et mis en lumière des données irréfutables démontrant la richesse du secteur. Des plateformes telles que Monarch Watch, Mission Monarque, iNaturalist et eBird ont permis d’amasser de précieuses données d’observations qui ont été transmises au Système mondial d’information sur la biodiversité afin de prêter main-forte aux chercheurs du monde entier. L’Université Concordia et Environnement et changements climatiques Canada ont contribué à la réalisation d’études sur le site.
Plus de 35 ONG, dont SNAP Québec, Oiseaux Canada, la Fondation Rivières, le Mouvement d’action régional en environnement, Greenpeace, la Fondation David Suzuki, Québec Oiseaux et la Société pour la protection des oiseaux du Québec, réclament la protection du secteur. Le Bureau de la vérificatrice générale du Canada a convenu que différents ministères fédéraux tels que le ministère des Transports, le ministère de l’Environnement et le ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie sont redevables envers la population des plans de développement du site et a accepté de transmettre nos inquiétudes à ces différents ministères, par l’entremise du Commissaire à l’Environnement et au développement durable. Une pétition demandant la protection du site a été déposée à la Chambre des communes en octobre dernier par le député Alexandre Boulerice et doit être débattue en chambre avant le 10 décembre 2022. Des dizaines de milliers de citoyennes et de citoyens ont démontré leur volonté de voir ces 215 hectares protégés. Le Conseil Mohawk de Kahnawà:ke a aussi donné son soutien à la protection du secteur, et ce dans deux mémoires d’envergure présentement archivés par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada.
De plus, 25 municipalités et arrondissements de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) ont voté de manière transpartisane et unanime afin de protéger le site et de demander un moratoire sur le développement des espaces verts de ce secteur. Des résolutions passées unanimement par le conseil d’agglomération de Montréal, la ville de Montréal et la ville de Dorval ont souligné l’urgence de protéger ce secteur pour sa biodiversité. De son côté, la CMM a demandé la protection du site par l’entremise de deux règlements de contrôle intérimaire : le premier revendiquant la protection des milieux humides présents sur les 215 hectares de terres fédérales, municipales et privées et le second demandant la protection du Golf Dorval et du Champ des monarques.
Un soutien si généralisé, comprenant 25 résolutions municipales et régionales représentant au total plus de 4 millions de personnes, pour la protection d’un espace vert est sans précédent à la CMM. Que faudra-t-il de plus afin d’assurer la conservation des milieux humides du Technoparc et des terres fédérales adjacentes ? Si le gouvernement fédéral et les autorités municipales sont incapables de protéger ce secteur, qui le pourra ?
Si le Canada souhaite parvenir à atteindre sa cible de protection de 30% de ses milieux maritimes et terrestres avant 2030, dans le respect du Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, il devra utiliser tous les outils à sa disposition. Un bon exemple est le Registre public des espèces en péril qui réclame la protection des espèces menacées et en danger ainsi que de leur habitat. Historiquement, l’inscription officielle sur le Registre des espèces en péril est un processus dangereusement lent, qui peut prendre des années, tant au niveau provincial que fédéral. Le papillon monarque est un exemple probant. Considéré comme une espèce à statut préoccupant depuis 2003, une demande urgente fut présentée en 2016 au gouvernement fédéral par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada afin d’en faire une espèce considérée en voie de disparition. En plaçant le monarque sur sa liste rouge en 2022, l’Union internationale pour la conservation de la nature a lancé une alerte mondiale pour la protection de cette espèce. Dernièrement, le gouvernement canadien a montré des signes encourageants à l’égard du changement de statut du monarque. Il était plus que temps d’agir dans ce sens.
La biodiversité de ces 215 hectares d’espaces verts continus, encore non protégés, en font un des derniers joyaux de la nature sur l’île de Montréal. Nous pressons les parties prenantes et les décideurs de tous niveaux de l’administration publique d’agir dès maintenant, en prenant en compte l’opportunité extraordinaire que représente la COP15, afin de protéger les milieux humides du Technoparc et des terres fédérales adjacentes.
Soussignés
Technoparc Oiseaux
Coalition des Terrains de golf en transition
Coalition Verte
Société de biologie de Montréal
Sauvons la Forêt Fairview
Regroupement des citoyens de Saraguay
Protection des oiseaux du Québec
Québec Oiseaux
Sauvons-l’Anse-à-l’Orme
Pincourt Vert
Mères au front
David Roy, représentant au Québec, pour Fresque de la biodiversité
Charlotte Sari Kelen, Coalition de l’environnement
Patricia Clermont, Coordinatrice, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)
Susan Hawker, Coalition Amis de l’environnement
Action Environnement Basse-Laurentides
Les Amis du parc Meadowbrook
Pour nos enfants Montréal
Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie (UQROP)
Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE)
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