Tiré de À l’encontre.
Ces inquiétudes sont loin d’être exagérées, surtout si l’on considère l’expérience d’un grand nombre de travailleurs qui ont été abandonnés à la suite de la récession de 2008. Les circonstances sont aujourd’hui plus difficiles. Avec l’isolement forcé pour contenir la propagation du virus et les restrictions de mouvement entre les camps pour travailleurs, on ne sait pas comment ceux qui sont abandonnés en vertu des restrictions de quarantaine actuelles pourront satisfaire leurs besoins quotidiens. Ils font face à l’incertitude, s’inquiètent pour la santé de leur famille et se demandent comment eux et leur famille survivront s’ils perdent leur emploi.
En 2009, je me suis assise avec un groupe de travailleurs migrants sud-asiatiques qui vivaient dans un camp abandonné à Sharjah, dans les Émirats arabes unis (EAU) [1]. Alors que j’écoutais ces hommes raconter leurs expériences, un musulman indien, Aijaz, s’est tourné vers moi et m’a demandé en hindi : « Nous n’avons pas de diplôme, aucun de nous ne sait lire. Pourquoi ne nous donnent-ils pas l’argent qu’ils nous doivent ? … Pourquoi personne ne nous aide ? » Aijaz et les autres résidents du camp abandonné ne sont que quelques-uns parmi des Sud-Asiatiques que j’ai rencontrés lors de mes recherches en 2009 et 2010 aux EAU. À cette époque, le Golfe était encore sous le choc de la Grande Récession de 2008 et de nombreux projets pétroliers étaient au point mort. Les entreprises ont fait faillite et les propriétaires de sociétés ont fui les EAU par crainte de la prison pour dette.
Les travailleurs abandonnés me disaient souvent qu’ils n’étaient jamais payés pour le travail qu’ils avaient accompli avant la fermeture de leur entreprise. Non seulement ils n’étaient pas payés, mais les hommes de ces camps n’avaient pas accès à l’eau, à la nourriture et à l’électricité. Les travailleurs abandonnés étaient dépendants de ceux employés vivant dans les camps voisins, qui partageaient leur nourriture et leur eau. Un groupe de volontaires sud-asiatiques des classes moyennes et supérieures a également apporté son aide en procurant de la nourriture pour l’iftar [repas qui est pris chaque soir] pendant le Ramadan et en fournissant des articles de toilette. Finalement, ces volontaires ont organisé une collecte de fonds et, avec les recettes, ont acheté des billets d’avion pour le retour d’Aijaz et de ses camarades de camp.
Aujourd’hui, pendant la pandémie Covid-19, les travailleurs migrants d’Asie du Sud sont captifs des décisions des gouvernements et des entreprises. Ils n’ont guère la possibilité de faire leurs propres choix et n’ont pas de bonnes solutions. Les travailleurs craignent que, s’ils restent dans le Golfe, ils risquent d’être abandonnés par leurs employeurs et d’être infectés par le coronavirus en raison de l’exiguïté des habitats dans lesquels ils sont reclus. S’ils retournent en Inde en étant confinés, ils craignent la famine, l’endettement croissant, le chômage, la perte éventuelle de toute petite propriété foncière et la campagne anti-musulman du gouvernement de Narendra Modi.
Covid-19 et confinement dans le Golfe
Les travailleurs migrants sud-asiatiques, même avant la pandémie de coronavirus, vivent dans des camps surpeuplés, largement isolés du reste des résidents du Golfe. Aujourd’hui, ces lieux surpeuplés et isolés impliquent qu’ils sont également de plus en plus menacés de contracter le Covid-19. Comme les pauvres dans une grande partie du monde, les travailleurs migrants contractent la maladie et en meurent à un taux plus élevé que le reste de la population.
L’infection dans le Golfe est en pleine croissance. Le 14 avril 2020, les États du Golfe ont signalé collectivement 16’613 cas de Covid-19. Au 29 avril, les États du Golfe comptaient 50’572 cas. Le Qatar a le taux d’infection le plus élevé, avec 4361 cas pour 1 million. La majorité des personnes infectées sont des travailleurs migrants vivant dans un camp de travail en dehors de Doha. Le 11 avril, le Bahreïn a déclaré que 45 des 47 personnes nouvellement diagnostiquées étaient des travailleurs étrangers et, le 23 avril, des centaines de travailleurs migrants ont été mis en quarantaine après qu’un nombre inconnu a contracté la maladie. L’agence de presse saoudienne a indiqué le 5 avril que 53% des cas en Arabie saoudite étaient des migrants et le ministère de la Santé a indiqué le 16 avril que les travailleurs étrangers représentaient 80% des nouveaux cas de Covid-19 dans le pays.
Bien que les rapports soient fragmentaires, dans l’ensemble du Golfe, on pense que les travailleurs étrangers représentent la majorité des infections et des décès par Covid-19. L’accès des travailleurs aux ressources médicales semble toutefois dépendre en grande partie des politiques des employeurs. Selon les travailleurs migrants d’Asie du Sud avec lesquels je me suis entretenue, ils font également face à des difficultés lorsqu’ils cherchent à se faire soigner. Cela s’explique, en partie, par leur connaissance limitée des ressources médicales dans le Golfe. En outre, les migrants doivent subir des examens médicaux avant de s’installer dans le Golfe, ce que beaucoup trouvent désagréable, peu familier et intrusif. Les migrants sont dissuadés de chercher à se faire soigner en raison de cette expérience limitée et négative des soins de santé et du fait que de nombreux parmi eux connaissent des collègues qui ont été renvoyés chez eux – et ont perdu leur emploi – pour cause de maladie.
Malgré ces préoccupations, lorsqu’une clinique d’Abu Dhabi a proposé un test Covid-19, elle a attiré des centaines de personnes, pour la plupart des travailleurs à bas salaire. En outre, des employeurs m’ont dit qu’ils avaient emmené des employés présentant de graves symptômes dans les hôpitaux locaux. Tous les travailleurs n’ont pas le même accès aux soins de santé. Récemment, un groupe d’ouvriers indiens travaillant à Ajman [capitale de l’émirat d’Ajman] et qui sont malades du Covid-19 ont envoyé un message par Twitter au ministre en chef de l’État de Telangana en Inde et au Times of India pour dire qu’ils étaient maintenus en quarantaine et qu’on ne leur fournissait pas de médicaments.
Les travailleurs indiens signalent que leur vie quotidienne est désormais limitée à leur chambre et, s’ils ont de la chance, à leur lieu de travail. D’après mes conversations, il semble que les projets pétroliers et de construction soient pour la plupart arrêtés, tandis que certaines usines restent ouvertes. Lorsque j’ai parlé avec Ahmed, un travailleur manuel du Bihar, en Inde, qui travaille à Abu Dhabi, il a décrit ainsi sa situation : il est confiné dans une petite chambre de type dortoir avec sept autres hommes indiens. Tout travail sur son chantier est arrêté, mais Ahmed espère qu’il recevra son prochain salaire. Un autre ouvrier indien, Syed, qui travaille à Charjah (EAU), a expliqué que le travail dans son usine continue, mais que sa température est prise au début de chaque tour de travail. Outre le travail à l’usine, Syed est également confiné dans sa chambre. Il n’est pas sûr de ce qui lui arrivera s’il devient fébrile. J’ai contacté les responsables de quelques entreprises qui m’ont dit qu’ils utilisaient des pièces vides dans les dortoirs de leurs employés pour mettre en quarantaine ceux qui présentent des symptômes. En revanche, d’autres entreprises souhaitent ardemment que leurs travailleurs quittent le Golfe. Dans la zone industrielle du Qatar – une zone avec un taux élevé d’infections Covid-19 – Amnesty International rapporte que les travailleurs népalais qui y vivent sont arrêtés par la police, envoyés dans des centres de détention et ensuite déportés au Népal.
Les obstacles se multiplient pour le retour au pays
Les travailleurs migrants indiens ne sont pas seulement menacés par la famine ou la maladie, ils sont également indésirables tant dans le Golfe qu’en Inde. Le 19 mars 2020, les Émirats arabes unis ont interdit l’entrée dans le pays de titulaires de visas de résident toujours valides et ont commencé à suspendre les visas de travail. Le 23 mars, les deux principaux transporteurs aériens des EAU, Etihad et Emirates, ont arrêté tous les vols de passagers, fermant ainsi les frontières du pays. D’autres États du Golfe ont mis en œuvre des mesures similaires : Bahreïn a fermé ses frontières à tous les États du Conseil de coopération du Golfe sauf aux citoyens le 18 mars [2], le Koweït le 13 mars, le Qatar le 18 mars et l’Arabie saoudite le 15 mars.
Puis, le 25 mars, l’Inde a déclenché un confinement national et la fermeture de ses frontières. Entre l’annonce et la fermeture effective des frontières, des Indiens du monde entier sont rentrés dans le pays. Au retour des Indiens, le gouvernement a déclaré que tous les ressortissants qui passaient par le Golfe seraient tenus de se soumettre à une quarantaine de 14 jours, malgré le fait que d’autres pays comme les États-Unis avaient des taux d’infection Covid-19 plus élevés que les États du Golfe. Cette mesure a eu un impact disproportionné sur les Indiens pauvres, qui ont un contrôle limité sur leurs itinéraires de vol et qui sont plus susceptibles de travailler dans le Golfe qu’en Amérique du Nord ou en Europe.
Aujourd’hui, les frontières étant fermées, le gouvernement indien refuse de rapatrier ses citoyens qui travaillent dans le Golfe. Cette décision a été fortement contestée, tant en Inde que dans le Golfe. Dans une lettre adressée au Premier ministre Narendra Modi, le ministre en chef de l’État indien du Kerala a plaidé en faveur du rapatriement des travailleurs parce que « les mesures préventives et les méthodes de quarantaine mises en œuvre à Dubaï ne sont ni efficaces ni adéquates » [3]. Les Émirats arabes unis veulent également que l’Inde rapatrie des travailleurs et proposent de payer les vols et les tests Covid-19 pour les travailleurs indiens qui rentrent au pays, tout en menaçant de ne plus embaucher d’Indiens à l’avenir si leur gouvernement n’agit pas rapidement. En réponse, le 11 avril, l’ambassadeur indien a indiqué que l’Inde ne pouvait pas accepter de travailleurs rapatriés tant que le confinement en Inde n’était pas levé, ce qui est actuellement prévu pour le 3 mai.
Au cours de nos conversations, les migrants ont exprimé leur inquiétude quant au risque d’attraper le coronavirus, d’être abandonnés par leurs employeurs, ou les deux. Malgré ces inquiétudes, cependant, presque tous les travailleurs indiens avec lesquels j’ai parlé ont dit qu’ils préféreraient continuer à travailler dans le Golfe, tant qu’ils continuent à être payés. La préoccupation la plus urgente pour beaucoup d’entre eux est de payer les besoins quotidiens de leur famille, y compris la nourriture. S’ils retournent en Inde, ils se demandent comment ils gagneront de l’argent pour nourrir leur famille. Cette préoccupation est partagée par les pauvres d’Asie du Sud, car les mesures de confinement instituées par leurs gouvernements entravent leur capacité à travailler et, par conséquent, à se nourrir. Ces derniers jours, les chômeurs de toute l’Asie du Sud ont organisé des manifestations, qu’il s’agisse d’ouvriers d’usine et de la construction au Pakistan, de travailleurs de l’industrie du vêtement au Bangladesh ou de migrants internes vivant dans les plus grandes villes de l’Inde [4]. Les manifestant·e·s affirment qu’ils mourront de faim si leurs gouvernements n’interviennent pas pour les nourrir ou pour subventionner leur salaire perdu pendant les mesures de confinement des coronavirus.
Les avantages et les coûts (la dette) de la migration vers le Golfe
Chaque année, environ un million d’hommes indiens, pour la plupart issus des zones rurales, se rendent dans les pays producteurs de pétrole de la péninsule Arabique pour y travailler comme ouvriers. La majorité des Indiens du Golfe travaillent dans des postes non qualifiés ou semi-qualifiés, deux des catégories utilisées par le gouvernement indien pour classer les travailleurs migrants. Les travailleurs non qualifiés désignent les travailleurs manuels qui, selon mes recherches, travaillent principalement dans le secteur de la construction. Les travailleurs semi-qualifiés ont généralement une formation ou une expérience technique et occupent des postes de tuyauteurs, de cintreurs, d’électriciens, de plombiers, de conducteurs de presse, de maçons, de soudeurs et de chauffeurs.
La migration transnationale est considérée par de nombreuses familles pauvres comme un moyen d’améliorer leurs conditions de vie. Alors qu’historiquement, de nombreux migrants venaient des États du sud de l’Inde, comme le Kerala et le Tamil Nadu, aujourd’hui, la majorité d’entre eux viennent des États du nord, comme le Bihar et l’Uttar Pradesh, qui sont les plus dépendants de l’agriculture et connaissent des taux de chômage et de sous-emploi plus élevés [5]. Dans ces États, la majorité des exploitations agricoles sont d’une taille inférieure à une acre et leurs propriétaires travaillent le plus souvent comme ce que le gouvernement indien appelle des travailleurs occasionnels, gagnant en moyenne entre 2 et 3 dollars par jour [6].
En revanche, les migrants me disent que travailler dans le Golfe rapporte six à dix fois plus qu’un emploi similaire en Inde. Il est donc tentant d’assumer la dette nécessaire pour acheter des billets d’avion et de payer toute une série de frais aux sous-traitants, aux agents et aux agences gouvernementales pour les visas et les emplois.
Cette dette, souvent assortie de taux d’intérêt très élevés, est la plupart du temps supérieure à ce que gagne annuellement toute une famille. Dans les centaines d’entretiens que j’ai menés avec des migrants indiens depuis 2008, je constate que l’écrasante majorité emprunte entre 915 et 1570 dollars environ (70’000 et 120’000 roupies) pour acquérir un emploi dans le Golfe. Les migrants les plus chanceux sont capables de rembourser cette somme après deux à quatre ans de travail, bien qu’il ne soit pas rare de rencontrer des hommes qui ont travaillé dans le Golfe pendant plus d’une décennie et qui paient encore leur dette.
Le retour en Inde – avant d’être en mesure de payer leurs dettes – signifie que les migrants ne peuvent pas subvenir aux besoins de leur famille. En outre, cette dette fait courir le risque que les quelques actifs de leur famille, comme leurs petites exploitations agricoles, soient saisis par les prêteurs. Par exemple, Raj, qui travaillait à Charjah, aux Émirats arabes unis, mais qui était en congé bisannuel dans son village du sud de l’Inde lorsque des restrictions de voyage ont été mises en place, m’a dit qu’il était « désespéré » de retourner à son travail à Charjah parce qu’il n’y a « ni argent ni nourriture » dans son village. Il craint de perdre son emploi aux Émirats arabes unis et, par conséquent, d’être incapable de payer ses dettes. Prévoyant un avenir sombre, Raj pense qu’il sera bientôt « sans emploi et sans terre ».
La montée du « sentiment anti-musulman » en Inde freine également les retours
Les migrants indiens expliquent qu’ils n’ont guère le choix de rester dans le Golfe ou de retourner en Inde, mais qu’aucune de ces options n’est « bonne ». Lorsque je demande ce qui va se passer ensuite, certains répondent en utilisant une expression arabe, tawakkaltu ala-Allah, indiquant qu’ils « ont confiance en Dieu ». D’autres me répondent en me demandant simplement en hindi, kya karo ? ou « que dois-je faire ? » Les deux réponses soulignent le fait que les travailleurs migrants intérimaires sont extrêmement limités pour décider de leur propre avenir. À la merci des décisions du gouvernement et des entreprises, ils s’inquiètent de la suite des événements. S’ils sont contraints de rester dans le Golfe, ils risquent leur santé et leur emploi, tandis que leur retour en Inde comporte ses propres risques.
De nombreux migrants craignent que la discrimination religieuse qu’ils subissent régulièrement en Inde, en tant que musulmans, ne s’aggrave à l’heure actuelle. Un nombre disproportionné de migrants indiens dans le Golfe sont musulmans. En Inde, les musulmans sont confrontés à toute une série d’inégalités sociales et économiques. Faiz, un musulman indien travaillant à Abu Dhabi, a expliqué comment la discrimination religieuse a contribué à sa décision d’émigrer. « Les hindous trouvent plus facilement du travail [en Inde]. Nous [les Indiens] avons un gouvernement laïc, mais en fait, la plupart des non-musulmans sont favorisés… Lorsqu’il y a un nom musulman [sur une demande d’emploi ou un CV], ils [les employeurs] ont une attitude différente, et cela s’applique presque toujours au gouvernement, à l’éducation et aux affaires. » Selon un rapport publié en 2006 par le gouvernement indien, les musulmans indiens vivent dans des zones où les infrastructures sont médiocres et ils sont régulièrement victimes de discrimination dans la sphère publique [7]. Les musulmans indiens sont également désavantagés par des taux d’alphabétisation plus faibles, un accès inégal aux institutions éducatives et gouvernementales et une représentation biaisée dans les médias. Ces désavantages convergent souvent avec les disparités économiques régionales pour accentuer les inégalités auxquelles les musulmans sont confrontés.
Il y a de fréquents rapports de violences visant les musulmans en Inde, qui sont en étroite corrélation avec les politiques nationalistes hindoues qui excluent politiquement les musulmans. Un exemple récent est la loi d’amendement de la citoyenneté, adoptée en 2019, qui accélère la procédure de citoyenneté pour les Sud-Asiatiques de toutes religions qui entrent en Inde, à l’exception des musulmans. Suite à l’adoption de cette loi, des protestations sur l’exclusion des musulmans ont éclaté dans toute l’Inde. Fin février 2020, des manifestations dans la capitale New Delhi ont conduit à de violents affrontements entre hindous (y compris des membres des forces de police) et musulmans. Les émeutes ont fait au moins 53 morts, dont deux tiers de musulmans [8]. Pendant ces émeutes, un groupe criant « L’Inde aux hindous » et d’autres slogans nationalistes hindous a défilé autour d’une mosquée en feu et a placé un drapeau de dieu hindou sur le minaret de la mosquée [9].
Aujourd’hui, le coronavirus ne fait qu’attiser la violence anti-musulmane en Inde. Au cours des dernières semaines, les médias sociaux en Inde ont fait circuler de fausses accusations selon lesquelles les musulmans indiens diffusent le Covid-19, et ces rumeurs sont ensuite utilisées pour inciter à la violence contre les musulmans. Le 7 avril, par exemple, des hindous ont attaqué un groupe d’hommes musulmans au Jharkhand [Etat indien qui a été séparé du Bihar] et ont tué une personne après que des rumeurs se sont répandues selon lesquelles des musulmans « crachaient » afin d’infecter délibérément des hindous avec le coronavirus [10].
Les travailleurs migrants ont besoin de garanties internationales
La discrimination, la violence et le manque de ressources en Inde font que le rapatriement des travailleurs migrants ne répond pas aux crises des droits de l’homme qui sont exacerbées par la pandémie mondiale. Les mêmes inégalités sociales et économiques qui ont influencé le choix des migrants de se rendre dans le Golfe pour y travailler entraîneront des taux de famine plus élevés pendant le confinement de l’Inde et des taux de mortalité plus élevés en raison de la Covid-19.
De même, il est également insupportable pour les migrants sans emploi de rester dans le Golfe sans garanties et surveillance supplémentaires. Les expériences des travailleurs abandonnés à la suite de la récession mondiale de 2008, les conditions de vie actuellement déplorables des travailleurs et les ressources limitées signifient que les migrants dans le Golfe vivent dans des circonstances extrêmement dangereuses.
Si nombre de ces problèmes peuvent sembler propres au Golfe, les expériences des travailleurs migrants dans le monde entier démontrent les connexions mondiales et les défis que représente la résolution des crises dans les cadres nationaux. Les prochaines mesures prises par les gouvernements et les organisations internationales doivent envisager des réponses au coronavirus à une échelle qui dépasse les frontières nationales afin de développer des garanties pour protéger la vie et les moyens de subsistance de ceux qui sont les plus vulnérables au virus et aux vicissitudes du capitalisme. (Article publié dans Middle East Report Online, en date 30 avril 2020 ; traduction rédaction A l’Encontre)
Andrea Wright est professeure adjoint au Department of Anthropology and the Program in Asian and Middle Eastern Studies at William & Mary.
Notes
[1] A l’exception des fonctionnaires, tous les noms sont des pseudonymes.
[2] Les États du CCG sont le Koweït, le Bahreïn, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et Oman.
[3] Comme il est courant en Inde lorsqu’on parle du Golfe, Dubaï est utilisé pour désigner tous les États du Golfe.
[4] Shazia Hasan, “Workers Protest for Payment of Wages, Dues in Karachi,” Dawn, April 19, 2020 ; “’Starving’ Bangladesh Garment Workers Protest for Pay during COVID-19 Lockdown,” Arab News, April 13, 2020 ; Joe Wallen, “Protests Break out in India as Migrant Workers Stranded and Starving far from Home,” The Telegraph, April 17, 2020.
[5] Periodic Labour Force Survey, Annual Report, June 2017–June 2018 (New Delhi : Ministry of Statistics and Programme Implementation, Government of India, 2019) ; Ministry of Overseas Indian Affairs, Annual Report 2012-13. (New Delhi : Government of India, 2013).
[6] National Sample Survey Office (NSS), “Employment and Unemployment Situation in India, NSS Report No. 554” (New Delhi : Ministry of Statistics and Programme Implementation, Government of India, 2014).
[7] Prime Minister’s High Level Committee, Social, Economic and Educational Status of the Muslim Community of India, (Government of India, November 29, 2006).
[8] PTI, “It’s Official,” TheWire.in, March 8, 2020 ; Jeffrey Gettleman, Sameer Yasir, Suhasini Raj and Hari Kumar, “How Delhi’s Police Turned Against Muslims,” The New York Times, March 12, 2020.
[9] Naomi Barton, “Delhi Riots,” TheWire.in, February 25, 2020.
[10] Arunabh Saikia, “The Other Virus,” Scroll.in, April 8, 2020.
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