Édition du 17 décembre 2024

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Extraits d’une réponse à Michael Binder, président Commission canadienne de sûreté nucléaire

Les réacteurs nucléaires sont dangereux, en fait très dangereux

Québec le 2 septembre 2011
M. Michael Binder, président
Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN)
280, rue Slater, Ottawa, Ontario K1P 5S9

(...)

À la suite de la catastrophe de Fukushima, il est très clair dans l’esprit de la majorité des gens dans les pays technologiquement avancés, y inclus le Canada, que les réacteurs nucléaires sont dangereux, en fait très dangereux. Si Point Lepreau et Gentilly-2 sont reconstruits, une menace nucléaire bien connue et effrayante serait suspendue sur cinq provinces canadiennes et sur plusieurs états américains voisins. Les pertes financières associées à la catastrophe de Fukushima sont maintenant estimées à 200 milliards de dollars, une somme que même le gouvernement du Canada pourrait difficilement absorber.]

Deux aspects positifs ressortent cependant de nos échanges qui aideront les gens en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick à prendre des décisions éclairées concernant la technologie nucléaire CANDU.

Premièrement, vous avez mis sur le site Web de la CCSN un bon nombre d’articles et de lettres provenant de nous et de vous, qui vont aider les décideurs et les personnes des médias, entre autres, à approfondir leur compréhension de la technologie nucléaire CANDU, particulièrement pour ce qui touche les questions problématiques qui réduisent les marges de sûreté.

Deuxièmement, le fait que vous avez eu recours à l’article 7 de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires de 1997, et le fait que vous refusez une fois de plus de répondre à nos questions, constituent un signal très fort concernant la précision et l’étendue des informations rapidement et facilement disponibles sur les conséquences d’un accident nucléaire grave au Canada.
Dans mon article du 6 juillet sur une réévaluation de la technologie CANDU à la suite de Fukushima, j’ai spéculé sur l’aspect des emplois si souvent évoqué par les promoteurs du nucléaire. Mais le fait que le Japon a mis en arrêt environ 35 de ses 54 réacteurs après la série d’accidents nucléaires à Fukushima, est certainement une indication que les promoteurs pro-nucléaires sont maintenant inquiets des tremblements de terre. La même inquiétude se manifeste maintenant aux États-Unis.

La connaissance de l’énergie des tremblements de terre (ou séismes) sur l’échelle de Richter n’est pas suffisante pour déterminer les dommages potentiels qui pourraient être infligés à des bâtiments. Un bien meilleur indicateur est la valeur crête de l’accélération du sol PGA (acronyme pour peak ground acceleration) causée par un tremblement de terre sur le site d’intérêt. Le PGA est donné comme une fraction de l’accélération due à la gravité terrestre symbolisée par g. D’intérêt particulier pour les bâtiments est le cas d’un séisme dont la probabilité d’occurrence est de 2% sur 50 ans. Les cartes sur les tremblements de terre et le calculateur des risques sismiques sur le site Web du ministère des Ressources naturelles Canada donne les résultats suivants arrondis : Pickering près de Toronto, 0,08 g ; Point Lepreau au Nouveau-Brunswick 0,2 g ; Gentilly-2 à Bécancour, 0,3 g.

Certains documents de Atomic Energy Canada Limited (AECL) donne 0,2 g comme la valeur maximale PGA à laquelle un réacteur CANDU-6 serait en mesure de résister. On peut voir immédiatement que tous les réacteurs en Ontario satisfont à cette exigence, mais que Point Lepreau est dans une situation marginale, et que Gentilly-2 ne pourra probablement pas résister à des séismes de la catégorie 2% de probabilité sur 50 ans. La proposition d’AECL pour les nouveaux réacteurs à Darlington, en Ontario, spécifie un PGA de 0,3 g, ce qui est mieux adapté à cette région qui a 0,08 g pour le PGA d’un séisme de 2% de probabilité sur 50 ans.

Une autre considération est le vieillissement des composants de réacteurs nucléaires. Dans notre lettre du 9 août, nous avons demandé si la CCSN a des données sur la résistance aux séismes des tubes à haute pression ayant été soumis pendant des années à différents phénomènes d’érosion et au bombardement de neutrons. Vous refusez de répondre. Est-ce que le public en apprendra davantage sur ce problème seulement quand un séisme, ou tout simplement une érosion excessive, aura causé l’éclatement d’un des centaines de tuyaux à haute pression dans un réacteur CANDU ? Cette dernière préoccupation sur l’érosion excessive dans les tuyaux à haute pression a été exprimée à plusieurs reprises dans la vaste documentation technique de la CCSN.

Je tiens à vous rappeler que notre lettre du 9 août était adressée à vous et aux membres du personnel de la CCSN. Alors que vous semblez croire que vous pouvez vous exempter de respecter pleinement la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires de 1997, je ne crois pas que cette loi puisse interdire aux Canadiens de poser des questions au personnel de la CCSN. À partir de maintenant, je vais conseiller à nos cosignataires de communiquer directement avec le personnel de la CCSN.

En liaison avec le maintien de la réputation de votre personnel, j’ajouterai la chose suivante. J’ai accumulé environ 47 ans d’expérience dans le domaine scientifique et technique, ayant travaillé en physique nucléaire, dans les laboratoires de l’Université Yale, à AT & T Bell Laboratoires à Murray Hill et à Holmdel dans le New Jersey, aux Sandia National Labs à Albuquerque, Nouveau Mexique, et à Université Laval à Québec. Au cours de ces 47 années je n’ai jamais rencontré un scientifique ou un ingénieur qui ait refusé de répondre à mes questions sur son projet. Au début de juillet, votre collègue le Dr Greg Rzentkowski, Directeur général, m’avait invité à le rencontrer pour discuter des questions relatives à la technologie CANDU. Vous êtes intervenu pour empêcher que cela se produise. Il s’agit d’un signal de plus qu’il y a des informations qui nous manquent. Mais si vous voulez protéger la réputation de votre personnel, vous devrez les laisser respecter le protocole de travail en science et en ingénierie, et bien sûr les laisser respecter la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires de 1997.

Je vous remercie de votre attention.
Avec mes salutations respectueuses,

Michel Duguay

Professeur, Université Laval, Département de génie électrique et de génie informatique, Québec

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