Édition du 17 décembre 2024

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Élections américaines

Les publicités télévisées de l'industrie de l'énergie fossile dominent la campagne électorale américaine

Washington : Quand Barack Obama s’est présenté pour la première fois au poste de président, être vert était si populaire que les compagnies pétrolières comme Chevron se vantaient de leurs engagements envers les énergies renouvelables. Son opposant, John McCain appuyait les actions contre le réchauffement global.

New-York Times, 13 septembre 2012,
Traduction, Alexandra Cyr

Maintenant qu’il cherche à se faire réélire toutes ces orientations sont loin dans sa mémoire. De gros joueurs de l’industrie pétrolière, du gaz et du charbon financent des efforts impressionnants pour empêcher sa réélection sinon, du moins, pour qu’il adopte des politiques qui leur soient plus favorables. Et que font les anciens alliés du président qui promeuvent l’éolien, le solaire et la lutte contre les gaz à effet de serre ? Ils déchantent et s’assoient sur leur argent.

La campagne que mènent les industries de l’énergie fossile cette année comporte une poussée de récoltes de fonds en faveur de Mitt Romney. Leurs publicités attaquent le président Obama en questionnant ses objectifs en matière d’énergie propre. Si elles ne se montrent pas trop partisanes, elles critiquent les politiques de cette administration comme la nouvelle règlementation sur la pollution de l’air et le retard imposé à la construction de l’oléoduc Keystone XL qui doit transporter le pétrole depuis le Canada.

Une publicité de American Energy Alliance, un groupe financé en partie par des cadres de l’industrie, précise : « Depuis que M. Obama est président, le prix de l’essence a presque doublé. Dites-lui qu’on ne peut se permettre ses politiques énergétiques défaillantes ».

À deux mois environ de la date de l’élection, on estime à plus de 153 millions de dollars les montants engagés dans des publicités télévisées faisant la promotion du charbon, pour plus de forages de pétrole et de gaz ou qui critiquent les énergies propres. Le New-York Times a procédé à une analyse de 138 de ces messages diffusés cette année par les deux campagnes présidentielles, les partis politiques, les compagnies du secteur de l’énergie, des associations commerciales et des financiers partisans des candidats.

Ces montants représentent presque quatre fois les 41 millions de dollars dépensés par ceux et celles qui défendent les énergies propres, par la campagne du président et les groupes démocrates pour défendre ses actions dans ce domaine ou encore pour soulever la réflexion sur le réchauffement de la planète et la pollution atmosphérique, réunis. Le Times a évalué les publicités venant de l’organisation de campagne du président et les politiques nationales qu’il a mis en place, qu’elles fassent la promotion des énergies fossiles ou des énergies propres et de la conservation de l’énergie, quels qu’en soient les commanditaires. Il a utilisé des données colligées par Kantar Media, une compagnie qui surveille les publicités télévisées.

La disproportion dans la nature des messages tranche cette année avec celle de 2008. À ce moment-là, le réchauffement planétaire était une préoccupation publique ; les messages verts étaient bien plus nombreux que ceux de l’industrie fossile : 152 millions de dollars pour les premiers et 109 pour les seconds selon une analyse de 184 publicités portant sur l’énergie, réalisée par le The Times. En 2008, Chevron, une des plus grandes compagnies pétrolières du pays, se vantait de ses investissements dans la géothermie et M. McCain a dépensé des millions dans des publicités mettant en jeu des panneaux solaires et des champs d’éoliennes comme solution au réchauffement de la planète.

La législation sur les changements climatiques est morte au Congrès. Les RépublicainEs ont acquis la majorité à la Chambre des représentants et des préoccupations pécuniaires à propos du prix de l’essence ont commencé à devenir dominantes dans les discours. Après le désastre de la fuite de pétrole des installations de BP dans le golfe du Mexique en 2010, le président Obama a imposé un moratoire d’un an sur les forages de pétrole et de gaz. Il a ensuite changé de cap et a introduit une stratégie énergétique qui permet aux compagnies de forer en mer et leur a ouvert de nouveaux territoires comme les eaux arctiques de l’Alaska.

Beaucoup de critiques des énergies fossiles y ont perdu leurs illusions et n’on plus voulu soutenir le président. Brenda Cummings est conseillère au Center for Biological Diversity qui critique l’industrie quant à ses plans de forage. Elle explique qu’« il est difficile de trouver des environnementalistes qui soit enthousiastes au sujet de M. Obama ces temps-ci. Il a explicitement épousé la cause des énergies fossiles et implicitement celle de la dégradation environnementale et ses conséquences. C’est presque identique aux politiques de l’administration Bush ».

La politique du président à propos de l’oléoduc Keystone XL et ses règlementations sur la qualité de l’air ne lui ont pourtant pas amené plus d’appuis de la part de l’industrie des énergies fossiles. Plusieurs de leurs géants vont tout faire pour que Mitt Romney soit élu ; il leur a promis d’ouvrir encore plus de territoires et de zones côtières aux forages pétroliers et gaziers, de cesser de subventionner l’énergie éolienne et solaire et de revenir sur les règlements qui découragent l’utilisation du charbon pour produire de l’électricité.

L’American Coalition for Clean Coal Electricity a dépensé 12 millions de dollars pour des publicités à la défense du charbon, selon les données de Kantar. M. Steve Miller, son ancien président, retraité depuis peu, soutient que : « Les enjeux sont importants. Notre but est de nous assurer que quelque soit l’élu il aura perçu un appui populaire en faveur du charbon dans tous les États où le vote n’est pas acquis ».

L’analyse du Times montre que les publicités portant sur l’énergie ont joué un rôle majeur dans la campagne de cette année. L’énergie a été le thème le plus souvent mentionné sauf l’emploi et l’économie.

Cela a commencé durant la campagne présidentielle de 2008. À ce moment là, l’Alliance for Climate Protection, le groupe environnemental de l’ancien vice-président Gore, faisait parti du groupe qui dépensait le plus en publicité. Il avait engagé 32 millions de dollars pour réclamer, de toute urgence, une loi pour combattre le réchauffement de la planète. Cette année, l’alliance, qui se nomme maintenant Climate Reality Project, ne dépense plus en publicité télévisée. Elle se concentre plutôt sur les médias sociaux, la formation (de militantEs) et sur l’organisation. Maggie L. Fox, la p.d.g. du groupe déclare : « Tout ce que nous pourrions dépenser serait noyé par l’argent de l’industrie fossile ». D’autres joueurs du secteur des énergies propres montrent aussi profil bas. Particulièrement l’industrie solaire depuis la faillite de Solyndra. Ce manufacturier de modules solaires avait reçu un demi-million en subvention et est devenu la cible favorite des RépublicainEs (qui s’en servent comme exemple d’un mauvais usage de l’argent public dans une industrie sans véritable utilité. N.d.t.)

Certains groupes environnementaux, comme le Sierra Club, continuent de produire leurs propres publicités télévisées en appui aux politiques du président. L’industrie éolienne mène sa propre campagne pour le maintient d’un crédit d’impôt crucial. Selon Michael Brune, directeur exécutif du Sierra Club : « Nous sommes mis hors jeu magistralement. Il n’y a aucune possibilité, pour nous, d’entrer en compétition avec les compagnies les plus riches dans l’histoire mondiale ».

C’est l’American Petroleum Institute qui dépense le plus en publicité, cette année. Elle est soutenue par les plus importantes pétrolières et gazières et poursuit une campagne intitulée : Je vote pour l’énergiei. Même si les messages évitent de soutenir explicitement l’un ou l’autre des candidats, ils font clairement appel aux politiques avancées par M. Romney et par les RépublicainEs : opposition à toute régulation qui pourrait ralentir le rythme des forages et ils dénoncent la proposition de M. Obama de mettre fin aux subventions à l’industrie. Un de ces messages dit : « Les nouvelles taxes sur l’énergie peuvent faire mal aux conducteurs et aux familles. Il vaut mieux produire plus d’énergie ici comme le pétrole et le gaz naturel. Cela va aider l’économie. C’est bon pour tous et toutes ».

L’Institut sur le pétrole a dépensé 37 millions de dollars jusqu’à maintenant en publicité télévisée selon les données de Kantar. C’est plus que tout ce qu’il a dépensé en 2008. Et ce n’est qu’une organisation parmi les deux douzaines qui font ce genre d’investissements pour plaider en faveur de plus de production d’énergies fossiles et pour condamner l’administration Obama pour son soutient à l’énergie solaire et éolienne. American for Prosperity du milliardaire David H. Koch impliqué dans l’industrie pétrolière et Crossroads GPS font parti de ces deux douzaines. Pour Ken Goldstein, président de Kantar Media’s Campaing Media Analysis Group : « Ce sont des compagnies et des industries qui se sentent clairement menacées. Dans ce genre de situations, ces riches industries diffusent des messages ».

Elles ont aussi utilisé des moyens plus subtils pour faire valoir leurs points de vue. Par exemple elles ont incité des mineurs à porter des chapeaux et des chemises où on pouvait lire des messages en faveur du charbon lors d’événements organisés par les candidats et des logos de l’industrie du charbon ont été apposés sur les voitures de l’équipe Dale Earnhardt Jr. dans les courses Nascar.

Leurs associations ont aussi investit dans les États où le résultat du vote n’est pas encore assuré, comme l’Ohio, le Colorado, la Virginie et la Pensylvanie. L’industrie y a des installations comme des mines de charbon et y fait de l’extraction de gaz de shiste. Il se pourrait bien que la technique de la fracturation subisse de nouvelles restrictions. Selon le porte-parole de l’American Energy Alliance, M. Bejamin Cole : « Le président a dans les faits, déclaré un embargo sur la production d’énergie sur le territoire américain et sur ses côtes. C’est irresponsable et un excès de zèle ». Ce groupe a dépensé 7 millions de dollars en messages télévisés et dans d’autres médias pour que M. Obama soit défait le 6 novembre prochain.

Ce déséquilibre s’observe aussi dans les soutiens financiers reçus par les deux candidats. M. Romney, son comité d’action politique et le Republican National Committee ont accepté au moins 13 millions de dollars de contributions à sa campagne de la part des dirigeantEs de l’industrie pétrolière, gazière et charbonnière ou de groupes qui leur sont associés.

Selon le Center for Responsive Politics, M. Obama et le Democratic National Committee ont reçu moins de 950,000$ de la même source au cours des deux dernières années. L’industrie des énergies propres n’a pas fait le compte en ne donnant que 78,000$ directement au président, selon la même source.

Cette augmentation dans les dépenses en politique faites par les compagnies du secteur de l’énergie n’est que le reflet de celle observée dans toute la campagne cette année, après que la Cour Suprême ait retiré toute limite aux dépenses qu’elles peuvent y engager. Par exemple M. Romney a accepté une contribution de 3 millions de dollars d’Oxbow, une compagnie charbonnière qui est contrôlée par William Koch, un frère de David Koch. À une activité de financement où l’assiette « steak-crevettes » coûtait 50,000$ M. Romney a sollicité les avis des gros bonnets de l’industrie pétrolière et gazière à propos de ses politiques énergétiques. M. Rex W. Tillerson chef exécutif d’Exxon Mobile et M. Harold G. Hamm de Continental Ressources, un conseiller majeur dans la campagne de M. Romney, lui ont expliqué que la meilleure chose à faire était de réduire la règlementation relative à l’industrie et augmenter les permis de forage sur les terres publiques fédérales.

Pour Amy Myers Jaffe, directrice associée du programme sur l’énergie de la Rice University, « les enjeux sont beaucoup plus grands. Les producteurs pourront forer encore plus aux Éats-Unis ou pourront perdre le droit de le faire. C’est une campagne à propos des règlements de l’EPA (Agence pour la protection de l’environnement. N.d.t.), qui favoriseront le secteur des énergies fossiles ou non, sur les réactions du président en cas d’accidents majeurs et sur l’accessibilité des terres fédérales à l’industrie ».

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