Tiré de regards.fr
Christophe Cassou , climatologue, directeur de recherche au CNRS. Il participe au prochain rapport général du GIEC, qui sortira en 2021/2022.
Regards. Dimanche 22 septembre, l’ONU a publié un rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Il y est indiqué que les efforts des pays doivent être multipliés par cinq pour contenir le réchauffement à 1,5°C (comme le prévoit l’accord de Paris de 2015) ou au minimum par trois pour s’en tenir à 2°C. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ?
Christophe Cassou. On connaît le rapport entre quantité de carbone émis dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle et niveau de température à l’échelle globale. L’OMM a dû prendre les promesses d’émissions que les gouvernements ont faites en 2015 et estimer le décalage entre ces promesses et la cible de +1,5°C pour la fin du siècle. Si on suit les engagements de Paris, on ne tient pas ces 1,5°. Actuellement, on se situe plutôt vers un scénario à 3°/3,5°. Trois degrés, ça ne parle pas trop au grand public. Je prends toujours l’analogue de la canicule de 2003. Pour un météorologue, c’est 40/45° pendant quelques jours. Pour un climatologue, c’est une anomalie de température moyenne qui est de l’ordre de 3,5°. Donc avec un réchauffement climatique moyen de 3,5°, un été normal, c’est un été au niveau de l’été 2003. Ce qui veut dire qu’il y aurait des étés encore plus chauds.
Si rien ne bouge, à combien s’élèverait le réchauffement climatique ? Avec quelles conséquences ?
On est sur cette trajectoire de 3,5° d’ici 2100, ce qui représente une perturbation considérable parce que l’augmentation des températures est extrêmement rapide. On peut dire que la vitesse de changement est inédite à l’échelle de l’Humanité. Les conséquences dépendent des zones où on se situe. +3,5° implique une fonte totale de la banquise, en été dans l’océan Arctique, vers les années 2060/2070, avec une augmentation des températures bien plus grande que la moyenne globale de 3,5°, plutôt de l’ordre de 10 degrés aux latitudes polaires.
Si on continue à émettre comme aujourd’hui, les choses vont s’accélérer. En 100 ans, on va prendre trois degrés, alors qu’au XXème siècle on a pris un degré à l’échelle planétaire – +1,5° pour ce qui concerne la France. Cette accélération est due au fait que les émissions continuent, car ce qui compte, c’est la quantité de carbone dans l’atmosphère, c’est-à-dire le cumul de carbone émis depuis l’ère industrielle, et pas uniquement le carbone qu’on émet aujourd’hui.
Vous étiez témoin au procès des décrocheurs de portrait de Macron, à Paris le 11 septembre dernier. Que pensez-vous de la répression mise en place par le pouvoir contre des militants écologistes ?
Le fait d’avoir traîné en justice des activistes qui ont symboliquement décroché le portrait de Macron, dans une chambre qui traitait auparavant des questions terroristes, c’est complètement disproportionné. Je trouve que le niveau de répression est vraiment regrettable, surtout face à des militants non-violents. Cela révèle encore une fois que les enjeux liés au climat vont bien au-delà des faits scientifiques, que ce sont des véritables enjeux démocratiques. L’urgence climatique nécessite un changement inédit et immédiat de tous les aspects de la société.
Propos recueillis par Loïc Le Clerc
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