Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Gaz de schiste

Les enjeux autour de l’Évaluation environnementale stratégique

Il faudra demeure vigilant sur les questions fondamentales reliées à l’ÉES : qui fera partie du comité scientifique ? Quel mandat exact sera confié à l’ÉES ? Quel poids auront ses recommandation au terme de l’exercice ?

Les mobilisations citoyennes entourant l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste ont été couronné d’un certain succès avec le dévoilement du rapport du BAPE il y a 2 semaines. Le rapport recommande de mettre sur pied une Évaluation environnementale stratégique (ÉES) qui met un holà sur les nouvelles fracturations, sauf pour ce qui est des considérations scientifiques utiles à l’ÉES. La durée du mandat de l’ÉES sera de 24 à 30 mois.

Or, si l’industrie des énergies fossiles a offert sa collaboration à cette démarche, il y a anguille sous roche. L’industrie veut être compensée pour le délai dans les travaux. Combien ? Nous l’ignorons pour l’instant mais il faudra demeurer vigilant car le gouvernement Charest a fait preuve de laxisme envers l’industrie tout le long du récent processus. Le prochain rapport du vérificateur général devrait nous révéler tout un pan des conséquences de ce laxisme.

Comment l’industrie peut-elle envisager positivement l’ÉES si celle-ci rend hasardeuse l’avenir de la ressource qu’elle veut exploiter et vendre au plus offrant ? Comment compte t-elle en tirer profit ? Au-delà de la politique-fiction, il faut scruter le passé pour y déceler les façons de faire qui peuvent permettre à l’industrie de reculer pour mieux rebondir et aller de l’avant dans ses projets d’exploitation.

Le comités citoyens devront redoubler de vigilance

La pause imposée par l’ÉES peut permettre de réfléchir froidement aux enjeux de cette industrie,. Elle peut aussi fournir du temps et des munitions à l’industrie des gaz fossiles. L’Association Pétrolière et Gazière du Québec est passée maître dans l’art de débaucher les personnes clés pour influencer le débat. Qu’on pense aux conseillers proches du Parti Libéral qui ont été contractées pour agir à titre de conseillers de l’industrie. Ou plus récemment l’ex-premier ministre du Québec payé par Talisman, un joueur incontournable des énergies fossiles. Lucien Bouchard n’a certainement pas été embauché pour gérer un moratoire ou un abandon des ressources et des profits qui s’y rattachent.

Le gouvernement Charest a, à de multiples reprises démontré tout le laxisme dont il est capable pour fermer les yeux sur le comportement de l’industrie, sur l’avidité des promoteurs des énergies fossiles ainsi que sur leur stratégie de bulldozage des préoccupations citoyennes. Il est resté sourd aux pressions municipales contre les conséquences de l’archaïque loi sur les mines qui donne tout les pouvoirs à l’industrie. La ministre Normandeau a fait preuve du pire laxisme en banalisant les conséquences de l’exploitation sauvage de la ressources. Le gouvernement défend sa politique de redevances qui pourtant tient davantage de la république de bananes que d’un échange équitable.

Enfin, il garde sous silence les impacts financiers des conséquences indirectes de cette industrie et promet que l’État compensera pour ces irritants (baisse de la valeur des propriétés, hausses des dépenses en construction et entretiens de routes, hausses des coûts d’assurance individuelles et collectives, adaptation des systèmes de traitement des eaux aux produits utilisés par l’industrie, risques accrus de contamination des nappes phréatiques, etc.). Bref, l’État paie pour les risques et ouvre la porte à l’industrie comme c’est déjà le cas dans les opérations de restauration des sites miniers abandonnés. Si le passé est garant de l’avenir, le gouvernement Charest doit être écarté de l’ÉES car il n’est de toute évidence pas neutre, Il s’est fait complice de l’industrie à toutes les étapes de son développement.

Récemment Radio-Canada rapportait ce que Presse-toi à gauche a déjà publié le 8 février dernier (http://www.pressegauche.org/ecrire/?exec=articles&id_article=6481), soit que l’industrie offre à gauche et à droite des cadeaux visant à influencer les personnes moins impliquées. Par exemple le don de 10 000$ par Questerre pour la réfection de l’église de St-Édouard. Rien n’empêche d’élargir cette politique afin de gagner l’appui populaire qu’elle prétend détenir.

Pauline Marois prétendait hier (21 mars 2011) qu’elle souhaite maintenant fermer Gentilly II, sortir le Québec du nucléaire et déployer une politique énergétique verte tout en confiant à Hydro Québec et non plus au privé le développement éolien. Elle passe sous silence le fait que le programme du PQ prévoit l’exploitation du les gaz de schiste et du pétrole dans le St-Laurent. Considérant les récentes déclarations du PQ en ce qui concerne la fillière québécoise des énergies fossiles, il est étonnant de comprendre ce virage sans évoquer l’opportunisme. Ou un bel effort de récupération du mouvement citoyen. Déployer une politique énergétique verte qui concillie éolien et pétrole et gaz, il y a là une des contorsions dignes du Cirque du soleil. Une fois au pouvoir, qu’en sera t-il vraiment ?

Enfin, les groupes écologistes doivent conserver leur indépendance face à l’ÉES. Une intégration à la structure peut compromettre leur autonomie et en faire des complices des intérêts des énergies fossiles, même exploitées par l’État. Le coût à payer pour une telle concertation avec les promoteurs des énergies sales est en général assez lourd pour le mouvement alors qu’il sert de caution à l’industrie.Par ailleurs, ils doivent assumer un leadership dans le débat nécessaire sur la pertinence de l’exploitation des énergies fossiles.

Il faudra demeure vigilant sur les questions fondamentales reliées à l’ÉES : qui fera partie du comité scientifique ? Quel mandat exact sera confié à l’ÉES ? Quel poids auront ses recommandation au terme de l’exercice ? L’industrie et le gouvernement d’alors (le PQ selon toute vraisemblance) seront-ils liés par ses recommandations ? D’autres questions peuvent être formulées mais l’essentiel est que le mouvement citoyen trouve les façons de demeure mobilisé et vigilant. Devra t-on mettre sur pied une commission scientifique indépendante pour s’assurer que les fondements de l’étude soient fiables ? Plusieurs avenues peuvent être étudiées. L’essentiel est que le mouvement citoyen ne perde pas le rythme et qu’il puisse développer sa capacité à imposer à l’industrie ses propres priorités en matière d’environnement et d’énergie.

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...