Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Les élections britannique de 2015 : tous pour le capitalisme

Colin Todhunter est une auteure prolifique. Elle a fait de la recherche dans le secteur des politiques sociales en Grande Bretagne et en Inde. , counterpunch.org, 10-12 avril 2015,

Traduction, Alexandra Cyr

La Grande Bretagne est en campagne électorale. Le vote aura lieu le 7 mai. La fièvre monte dans les médias. Divers commentateurs-trices discutent à qui mieux-mieux des valeurs et des principes démocratiques britanniques. Le vote majoritaire à un tour fait que les seuls partis qui ont des espoirs réalistes d’avoir la majorité sont les Conservateurs et les Travaillistes. Mais, comme dans le parlement actuel, les Libéraux démocrates risquent d’être le faiseur de majorité dans un parlement où les voix seront serrées.

Il y a eu un débat des chefs, télévisé la semaine dernière. Les enjeux autour de l’économie, du Service national de santé et de l’immigration ont surtout été discutés. Les dirigeants des 3 partis les plus importants s’entendent sur la nécessité de poursuivre les politiques d’austérité mais pas sur la nature des coupes à exercer dans le secteur public et les services publics ni sur la vitesse avec laquelle les imposer. Ce débat à donné le ton pour le reste de la campagne.

Ces trois grands partis sont en faveur des grandes entreprises et sont en phase avec l’ordre du jour économique néolibéral tel qu’élaboré par le cartel financier de la City de Londres, Wall Street et les plus grandes transnationales. On parle de Chatham House, du Center for Policy Studies, de Foreing Policy Center, de Reform, de l’Institute of Economic Affairs et de l’International Institute for Strategic Studies dont le public britanniques n’a jamais entendu parler. Ces organismes ont déjà déterminé les politiques pro-entreprises et pro-Washington que les partis vont défendre devant les électeurs-trices. Les tactiques de pression massive aux hauts niveaux politiques, les groupes de lobbies grassement financés, la politique de la porte tournante entre le public et le privé, et la machine étatique ont aussi contribué à l’établissement de ce programme.

En 2012, un député du parti Travailliste avait déclaré que les quatre plus grandes firmes comptables du pays avaient : « plus de pouvoir que le gouvernement ». Il ajoutait que les succès financiers de ces entreprises leur accordaient un accès privilégié aux décideurs politiques. On peut croire qu’elles ne sont pas les seules ; par exemple, celles du secteur de l’armement qui n’est surement pas le moindre, les entreprises mondialisée de l’agriculture qui, avec leurs poisons, installent un modèle agricole industriel destructeur pèsent aussi de tout leur poids. Certains on dit qu’elles travaillaient main dans la main avec le gouvernement pour introduire les OGM dans le pays malgré l’objection populaire.

Sous l’influence de l’impact et du pouvoir des « laboratoires d’idées », des lobbyistes et autres organismes du genre, les partis politiques ne font plus que donner l’illusion d’un choix démocratique à la population. Tout cela, relaté par les entreprises médiatiques conciliantes et manipulatrices. Les informations à propos des éventuels points d’appui des différents partis ne sont que divertissement pour un public de plus en plus désenchanté de la politique.

La vérité est que tous les grands partis ont endossé le diktat néolibéral de la financiarisation de l’économie britannique avec toutes ses retombées : la disparition des syndicats et la faiblesse des ceux qui restent malgré tout, l’assaut idéologique contre le secteur public, la délocalisation du secteur manufacturier, la dérégulation, la privatisation et l’économie dominée par les services financiers.

Dans notre pays, il y a un bon moment que les emplois relativement bien payés du secteur manufacturier ont disparu. Ils avaient aidé à construire notre économie et à la soutenir. En lieu et place, nous avons été témoins de la baisse des impôts, de la montée des emplois à bas salaires et sans sécurité, (des contrats de travail attachés à zéro heure garantie, les macjobs, ceux des centres d’appel dont la plupart ont finis par être délocalisés) d’une vraie bulle immobilière, de la montée de l’endettement et de l’endettement étudiant. Cela a soutenu la demande et permis à l’économie de se maintenir au cours des années dites de boom durant les mandats de Tony Blair. La dette publique s’est envolée, les dettes individuelles sont devenues insoutenables et le secteur financier dérégulé a demandé au public de le sauver de ses propres agissements irresponsables.

Maintenant, l’économie est basée sur le cartel des secteurs bancaires et financiers qui la maintienne par le chantage et qui se spécialise dans les marchés truqués, la création de dettes, le blanchiment de l’argent et les placements de leurs profits dans des paradis fiscaux gentiment fournis par la City de Londres. L’industrie bancaire fait d’énormes pressions sur les gouvernements et exerce une influence significative pour que les politiques ne changent pas de cours.

Si vous suivez la campagne électorale, vous verrez que les grands partis ne parlent jamais de renationaliser les chemins de fer, les énergies et les services de l’eau. Au lieu de cela, la privatisation va continuer et générer des profits monstres pour les entreprises. Mais le public va se fendre en quatre pour leur dispenser des subventions et payer de plus en plus cher pour les services dont il a besoin.

Il ne sera jamais question de nationaliser les grandes banques, même pas de les règlementer ou de les taxer pour grossir les fonds gouvernementaux qui pourraient être affectés à l’amélioration des infrastructures dont le public peut profiter. Cette attitude vaut pour toutes les autres grandes entreprises multinationales.
Même si l’économie va être discutée tout au long de la campagne, on n’entendra pas parler de ce qui a permis au 1% dominant de toujours s’enrichir encore plus même au cours de 2008, l’année de la crise. On parlera peu du fossé des inégalités qui a véritablement explosé au cours des trente dernières années.

Quand l’industrie manufacturière a été décimée avec les syndicats et délocalisée, on s’est fait dire que le secteur financier allait être le pilier de la « nouvelle » économie. Ça a été le cas ! Une économie molle, basée sur les bulles, le marché des dérivés, la spéculation et toutes sortes de transactions et pratiques douteuses. Durant les années 80, Margaret Tatcher a vendu l’économie aux banquiers et aux entreprises transnationales. Elles n’ont jamais eu de regrets. La même chose s’est passée aux États-Unis.

Maintenant, la Grande Bretagne a endossé les objectifs militaires américains qui désespèrent de pouvoir maintenir leur hégémonie mondiale. Ni l’un ni l’autre n’a rejeté la financiarisation de son économie ni ne s’est engagé dans la reconstruction de ses bases manufacturières là où se trouvent les emplois payants qui permettent d’augmenter la demande, et ne se sont pas plus assuré que l’État allait prendre ses responsabilités dans le développement des infrastructures pour améliorer la qualité de vie des populations. Au contraire, ils se sont attaqués à la Russie et à la Chine qui fait certaines de ces choses et qui défie maintenant la domination économique mondiale des États-Unis.

Cette campagne électorale, au lieu de se concentrer sur l’« austérité », sur les immigrants ou les assistés sociaux, (souvent décrits par les politiciens-nes et les commentateurs-trices comme les suceurs du sang du pays), devrait s’inquiéter de l’évasion fiscale opérée par les compagnies et les super riches, des politiques néolibérales imposées au peuple et des pressions pour celles qui vont les protéger de futurs naufrages, notamment le Traité transatlantique.

Mais, avec des médias déficients, tous les partis représentant les intérêts de l’élite combinée de la finance, des grandes entreprises et de l’État qui n’a de comptes à rendre à personne, nous ne pouvons nous attendre qu’à ce que la Grande Bretagne continue de suivre le militarisme américain et à de futures dépressions dans ce qui restera de l’économie et de la société civile.

Peu importe qui gagnera le 7 mai. Ce sera la poursuite du même. Le vrai résultat est déjà décidé par le directoire du conglomérat des « laboratoires d’idées » des grandes entreprises, des lobbyistes et des plus hauts échelons des fonctionnaires. Ce sera un exercice de réattribution des places sur un bateau en train de sombrer.

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