Nouvelle conjoncture politique, problèmes sociaux récurrents
Les élections fédérales du 2 mai dernier ont changé radicalement la donne politique. Le Parti conservateur du Canada a obtenu la majorité qu’il recherchait. Le NPD est maintenant l’opposition officielle. Le PLC a été réduit au stade de deuxième opposition et le Bloc québécois a été laminé. Il n’en reste pas moins que les conditions qui sévissent dans les communautés autochtones sont restées les mêmes.
Les conditions de vie restent très difficiles dans les réserves. La pauvreté est criante chez les peuples autochtones et engendre un niveau important de violence. « Les autochtones, qui ne représentent que 3% de la population canadienne, comptent pour 17,9 % du total des délinquants sous responsabilité fédérale. » (La Presse, 12 juillet 2011)
La violence faite aux femmes autochtones est une dimension importante de la violence vécue dans les communautés. Statistique Canada rapportait qu’en 2006 le quart des femmes autochtones se disaient victimes de violence conjugale. Ce taux est trois fois plus élevé que celui des femmes non autochtones. Lundi le 11 juillet 2011, le Conseil des femmes de l’Assemblée des Premières Nations a exhorté le fédéral et les provinces d’établir un plan d’action national pour contrer la violence conjugale. Mais le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux refusent toujours d’établir un tel plan prétextant que les gouvernements font déjà beaucoup.
Les logements sont inadéquats. Les conditions de santé sont les plus difficiles au Canada. Diabète, obésité, maladies cardiaques, tous les indicateurs sont plus élevés dans les communautés autochtones. La mortalité infantile reste importante.
Pour faire face à ces nombreux problèmes, on ne peut se fier à une administration fédérale qui exproprie les communautés du contrôle sur leur propre vie. Ce n’est plus acceptable que ce soit Ottawa qui décide de tout derrière des portes closes. C’est pour faire face à ces problèmes que les Premières nations réaffirment leur volonté d’autodétermination.
Une situation qui semble favorable à la lutte pour une véritable autodétermination des Premières Nations
En 2008, Ottawa s’est excusé du sort fait aux enfants autochtones dans les écoles du pays qui ont été la cible d’une véritable entreprise de déculturation et d’assimilation. Le 12 novembre 2010, le Canada acceptait finalement, après s’y être opposé de longues années, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2007.Cela pouvait être interprété comme une confirmation des droits reconnus par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissant les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada. Le gouvernement Harper se dit maintenant prêt à rencontrer l’APN dans une grande conférence. Ce sont là des éléments qui laissent présager, espère-t-on, la possibilité de dépasser une situation qui semblait complètement fermée.
Une aspiration des Premières nations à l’autodétermination
Dans son discours, le Chef national a affirmé que les Premières nations souhaitent l’abolition de la Loi des Indiens de 1876 et le remplacement du Ministère des affaires indiennes (le gouvernement parle maintenant des affaires autochtones) deux nouvelles entités : une pour traiter des relations entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations et une autre sous la forme d’un ministère pour continuer à offrir des services aux autochtones.
Cette volonté d’en finir avec la Loi des Indiens manifeste l’aspiration à l’autodétermination qui se fait plus que jamais sentir chez les Premières Nations. Cela veut dire rejeter le joug d’une loi qui permet au gouvernement fédéral de contrôler la majorité des aspects de la vie amérindienne : détermination du statut d’indien, les terres, les ressources, les testaments, l’éducation, l’administration des bandes...
L’APN ne veut plus de ce paternalisme qui s’incarne dans la Loi des Indiens. S’autodéterminer c’est être responsable de ses décisions ; c’est rendre des comptes aux citoyennes et citoyens de sa nation et non à un gouvernement étranger ; c’est exercer comme nation sa propre autorité en matière d’élaboration des lois ; c’est s’organiser selon ses traditions pour pouvoir soutenir les familles et les communautés ; c’est assurer son développement et promouvoir ses intérêts économiques. S’autodéterminer, c’est prendre le pouvoir sur ses conditions d’existence et refuser toute tutelle étrangère.
Pour assurer cette autodétermination, il faut changer l’ensemble des rapports imposés par l’État canadien aux peuples autochtones. Il faut que cet État accepte de changer et de rompre avec une domination qui a tous les traits d’une domination coloniale.
Comment parvenir à cette autodétermination ?
Dans le document "Vers l’autodétermination des Premières Nations : concrétiser nos droits et nos responsabilités ", l’APN trace les jalons de la réalisation de cette autodétermination et de ces nécessités. Ce document s’appuie sur des recherches approfondies notamment "le rapport de 1983 du comité spécial mixte sur l’autonomie gouvernementale des Indiens (rapport Penner) ; le rapport final en 1996 de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) ; et le comité mixte de Chefs et conseillers de l’APN sur la reconnaissance et la mise en oeuvre des gouvernements des Premières Nations (RMOGPN). Il est également le résultat d’une discussion approfondie qui a été menée dans des forums qui se sont réalisés en 2010 et en 2011."
"La quête de l’autodétermination des Premières Nations comprend quatre éléments clés : 1. relation Nation- Couronne ; 2. Nouvelles relations financières ; 3. Mise en oeuvre des gouvernements des Premières nations et 4 Transition et soutien." Nous allons présenter brièvement les jalons esquissés dans le document.
1. Relations entre les Premières Nations et la Couronne ?
Article 27 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : "Les États mettront en place et appliqueront, en concertation avec les peuples autochtones concernés, un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent prenant dûment en compte les lois, traditions, coutumes et régimes fonciers des peuples autochtones, afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources, y compris ceux qu’ils possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement, et de statuer sur ces droits. Les peuples autochtones auront le droit de participer à ce processus."
C’est une invitation à changer les relations des Premières Nations avec le gouvernement fédéral. On vise à organiser un rassemblement des Premières Nations et du gouvernement, à ce que des rencontres entre les premiers ministres et les dirigeants des Premières nations soient tenues régulièrement afin de réaliser des avancées significatives sur le plan de la reconnaissance et de la mise en oeuvre des gouvernements des premières nations.
2. Nouvelles relations financières
Article 4 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones :
"Les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes."
Les citoyens et les citoyennes des Premières Nations ne bénéficient pas de services comparables à ceux des offerts aux Canadiens. Les services gouvernementaux sont déficients. Une étude effectuée en 2009 démontre que le gouvernement fédéral accorde aux écoles des réserves 5500$ en moyenne par enfant qui les fréquente, la moitié de ce que reçoivent les écoles hors réserves et financées par les provinces.
L’APN revendique pour les communautés d’allocations de fonds stable qui tiennent compte de la croissance démographique, des besoins et de l’inflation.
3. mise en oeuvre des gouvernements des Premières Nations
Article 18 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones :
"Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis, conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et développer leurs propres institutions décisionnelles."
Les gouvernements des Premieres Nations n’ont jamais renoncé à leur compétence de déterminer qui est et qui n’est pas citoyen des Premières nations. Canada a systématiquement affaibli cette compétence. La disposition de la Loi des Indiens sur les élections tous les 2 ans ne respecte pas les structures traditionnelles de la prise de décision. C’est pourquoi on demande d’éliminer tout le pouvoir du ministre des affaires indiennes relatif aux élections...
d. transition et soutien
Il faut que s’opère une restructuration fondamentale au sein du gouvernement pour mieux refléter la relation de nation à nation et pour éliminer les entraves à cet objectif.
L’autodétermination est nécessaire aux Nations Autocthones pour faire face aux nombreux problèmes (santé, éducation, sécurité publique, accès à l’eau potable...) qui confrontent les communautés des Premières Nations. Et cette recherche d’autonomie est une base d’action citoyenne pour pouvoir poser devant le gouvernement conservateur la nécessité de services publics auxquels elles ont droit et dont elles se voient spolier depuis trop longtemps.