Il ne serait pas important de nouer des alliances avec les femmes qui développent une résistance aux attaques des politiques conservatrices. Il n’y aurait pas de solidarités à construire avec des syndicalistes du secteur public faisant face à des politiques de privatisation. Il n’y aurait pas d’actions unitaires à impulser avec des pacifistes qui s’opposeraient à la croissance des budgets militaires. Il n’y aurait pas de front commun à proposer aux écologistes refusant l’exploitation des sables bitumineux. Il ne serait pas nécessaire de se lier à une gauche politique social-démocrate réunie dans le NPD ou même à une gauche radicale qui se mobilise dans des luttes quotidiennes contre les attaques du gouvernement conservateur. Naturellement toute cette approche est erronée. Ces perspectives existent. On ne peut les ignorer si on prétend lutter contre le gouvernement Harper. On ne peut les ignorer si on veut véritablement en finir avec les politiques de droite de l’État canadien.
À moins de se fixer comme seul objectif comme le font les bloquistes de lutter pour qu’un gouvernement Harper garde le statut de gouvernement minoritaire. Alors que l’on sait pertinemment, que ce statut de minoritaire ne l’a pas empêché de mener ces politiques réactionnaires et antipopulaires durant tout son règne.
Les bloquistes ont soutenu le libre-échange. Ils ont soutenu le gouvernement Bouchard lorsqu’il a imposé aux travailleuses et travailleurs du Québec une politique du déficit zéro qui a débouché sur des attaques majeures contre les services publics. Jamais, le Bloc ne s’est opposé au virage néolibéral du Parti québécois. Puis maintenant, ils soutiennent le PQ de Pauline Marois qui rejette la perspective de référendum sur la souveraineté aux calendes grecques pour pouvoir mener une politique autonomiste. C’est pourquoi, le Bloc ne saurait être un rempart contre les politiques de droite.
Les bloquistes, en se définissant comme les seuls représentants du peuple québécois, confondent les aspirations du peuple québécois avec les prétentions des élites nationalistes. Dans ces élections, ils n’ont pas compris la profondeur de la volonté de changement qui existait au Québec. Ils n’ont pas compris la volonté d’importants secteurs de la population québécoise de sortir de l’impasse dans laquelle le Bloc et le Parti québécois ont mené la lutte pour un véritable changement social et pour l’indépendance du Québec.
En se promettant de voter pour le NPD, des secteurs de la population québécoise ont reconnu qu’il fallait avoir plus d’ambition que de simplement vouloir reporter Harper au pouvoir avec le même statut dont il disposait avant le déclenchement des élections. Ils ont refusé de se laisser paralyser par les discours sur la démonisation du gouvernement conservateur dont les politiques reflètent aujourd’hui les intérêts du grand capital. Ils n’ont pas oublié que le Parti libéral du Canada est aussi un parti qui a mené des attaques frontales contre le Québec et contre les intérêts syndicaux et populaires, tout particulièrement, même s’il a son discours bien à lui pour légitimer la domination des puissants.
Il est vrai que la majorité de la population au Canada-anglais vote encore pour les grands partis capitalistes, mais un vote NPD, car c’est la seule alternative de masse déjà constituée, offre l’occasion concrète de rompre avec les partis du grand capital. Le renforcement du vote pour le NPD marquerait une transformation du rapport de force au détriment de la classe dominante. Que des secteurs de la population du Québec contribuent à un tel déblocage de la situation politique canadienne, qu’ils contribuent à marquer un temps d’arrêt dans la progression de la droite, ce serait une victoire pour les classes ouvrières et populaires du Québec et du Canada. Cela jetterait des semences d’une éventuelle alliance des forces syndicales, populaires, féministes, pacifistes et écologistes à l’échelle de l’État canadien.
Il ne s’agit pas pour nous, d’oublier les limites du NPD et de partager ses illusions sur les réformes d’un capitalisme miné par une crise structurelle. Il ne s’agit pas de masquer sa timidité si ce n’est sa fermeture aux aspirations du Québec à l’indépendance. Il s’agit de soutenir une volonté de rupture avec les grands partis capitalistes fédéraux et le parti des élites nationalistes, souverainiste en paroles et autonomiste en fait.
Mais, les jeunes indépendantistes de gauche qui militent pour le NPD ne trahissent pas leurs convictions nationales. Ils savent très bien que le vote populaire pour Jack Layton n’est en rien un ralliement au fédéralisme ou à la négation du droit à l’autodétermination du Québec. En appelant à ce vote, contrairement aux vieux nationalistes bourgeois, ils-elles manifestent un respect pour la volonté du changement du peuple. Ils refusent de croire que la volonté de libération nationale du Québec appartient aux élites péquistes ou bloquistes qui prétendent défendre le Québec dans une logique de forteresse assiégée dont ils seraient les uniques porte-parole. Ils ont compris que la construction d’une alternative progressiste pour unifier les secteurs en lutte contre les politiques fédérales ne pourra qu’être bénéfique au Québec et à son émancipation.