Comme la majorité de ses concitoyens et concitoyennes, il trouve toujours un peu trop élevé le montant total de sa contribution fiscale. Mais, en pensant aux services de santé, à l’éducation, et de ce temps-là aux travaux routiers, M. LeContribuable finit toujours par se dire que les impôts sont « un mal nécessaire » et que tout le monde doit payer sa juste part pour vivre dans une société comme la nôtre. Mais au fait, tout le monde paie-t-il vraiment sa juste part d’impôt ?
« Typiquement, un paradis fiscal est un endroit dont tu peux faire le tour en deux heures et dont le principal avantage, sinon le seul, est le faible taux d’imposition, mais surtout le secret bancaire ».Jean-Pierre Vidal, Professeur de fiscalité à HEC Montréal
« Il faut donc en finir avec les paradis fiscaux et lever le secret bancaire qui permet à ces criminels de cacher 50 milliards de dollars de l’argent du Québec dans les 84 paradis fiscaux identifiés par l’OCDE. »
Amir Khadir, Député de Québec Solidaires
« Les habitants des Îles Caïmans sont les gens les plus entreprenants au monde ! ». Léo-Paul Lauzon, Professeur de comptabilité à l’UQAM, commentant le fait qu’il y avait aux Îles Caïmans en 2005, plus de 40 000 compagnies enregistrées alors qu’on ne compte que 44000 habitants.
1. Un phénomène de plus en plus populaire
Au Canada, des milliers de gens fortunés, d’entreprises et de sociétés pratiquent une forme d’évasion fiscale en « plaçant » leurs actifs dans des « paradis fiscaux », des territoires étrangers à la fiscalité très basse par rapport au Canada, placés, à l’abri de l’impôt. Un montant estimé par Statistique Canada à 88 milliards $ pour l’année 2005. Une étude produite par l’Université du Québec à Montréal a révélé que le recours à des sociétés « offshore » affiliées, par les cinq plus importantes banques canadiennes, dans les paradis fiscaux leur a permis de soustraire au fisc canadien, entre 1993 et 2003, la faramineuse somme de 16 milliards $. Dans un rapport rédigé en décembre 2002 à l’intention du gouvernement du Canada, le Vérificateur général du Canada s’inquiétait du phénomène des paradis fiscaux en ces termes, « De 1996 à 2000, la somme des fonds que les sociétés résidant au Canada ont prêtés à des sociétés étrangères affiliées ou y ont été investis, est passée de 200 milliards de dollars à plus de 450 milliards de dollars.
L’Agence a réuni des données indiquant que les 50 plus grandes sociétés du Canada ont plus de 1300 sociétés étrangères affiliées, fiducies et sociétés de personnes dispersées dans le monde entier… Les placements à l’étranger constituent des risques pour l’assiette fiscale du Canada. Le revenu provenant de placements à l’étranger n’est pas aussi visible que le revenu de source canadienne, et il est plus difficile à relever et à valider. Des revenus et des gains en capital peuvent être détournés vers des paradis fiscaux ou des pays offrant un régime fiscal avantageux en vue d’éviter l’impôt canadien. »
2 L’astuce des sociétés « offshores »
Pour les sociétés canadiennes, soustraire des sommes importantes normalement dues au fisc relève pratiquement de la « technicalité ». Des agences spécialisées offrent ouvertement leur service dans ce domaine comme en témoigne cette publicité disponible sur internet quand on recherche « paradis fiscal » sur Google. « Vous êtes chef d’entreprise, ou vous avez le projet de le devenir : La fiscalité sur les entreprises de votre pays de résidence est plus lourde et contraignante que celle d’autres juridictions.
Nos conseils vous permettront de localiser favorablement vos activités dans un autre pays ».
L’astuce consiste à créer une ou des filiales dont les opérations se dérouleront « officiellement » sur un territoire, souvent minuscule, un paradis fiscal, vous offrant un taux d’imposition nul ou extrêmement bas, n’exerçant aucun contrôle sur vos activités et vous promettant très souvent …le secret absolu. La société « offshore » émettra à l’intention de la société mère située au Canada des factures très élevées pour diverses opérations « fictives » ce qui permettra d’abaisser le niveau de profit de la société mère et, par voie de conséquence, l’impôt que celle-ci devrait normalement payer au gouvernement du Canada.
Les « grosses fortunes » individuelles peuvent également profiter d’un paradis fiscal. Internet y donne accès : « Vous êtes un contribuable, personne physique, lourdement imposé dans votre pays de résidence : Nos conseils vous présenteront des solutions à l’étranger pour améliorer les prélèvements fiscaux sur vos revenus et votre patrimoine. »
3. Une question de justice fiscale
Comment expliquer que dans un pays comme le Canada les grosses fortunes et les grandes sociétés jouissent de toutes sortes d’échappatoires leur permettant de se soustraire de leurs obligations fiscales alors qu’il n’en est rien pour les simples contribuables. Comment expliquer le maintien de ces échappatoires alors que nos gouvernements se disent incapables, faute de ressources financières, d’améliorer voire même de maintenir nos services publics et nos protections sociales. En plus de constituer une injustice flagrante à l’endroit de l’ensemble de la population, les pratiques fiscales « offshores » sont source de profondes perturbations économiques comme en témoigne la crise économique mondiale que nous traversons actuellement. À preuve, le sommet du G-20 en avril dernier à Londres où on a décidé d’agir internationalement pour contrer le phénomène des paradis fiscaux et du secret bancaire. Une volonté à laquelle, étonnamment, se sont d’abord opposés le Premier ministre Harper et son ministre des Finances pour s’y rallier, du bout des lèvres, au terme du sommet.
Pour agir
Écrivez au premier ministre du Canada pour lui signifier votre indignation et lui demander d’agir rapidement pour s’assurer que les individus fortunés et les entreprises ne puissent plus utiliser les paradis fiscaux pour éviter de payer leur juste part d’impôt au Canada.
(septembre 2009)
(envoyé par le Comité de Solidarité/Trois-Rivières (CS/TR)