La période du McCarthyisme, a débuté lorsque le Sénateur Eugene McCarthy a brandi, sur les marches de l’édifice du Département d’État, une feuille de papier sur laquelle il y avait cent noms, tous des communistes qui travaillaient pour ce département. Nous n’avons jamais vu cette feuille avec les supposés noms, mais la chasse aux sorcières venait de commencer. La population, qui avait été bombardée de films anticommunistes par Hollywood depuis le début de la Guerre froide et la crise de Berlin en 1948, croyait les paroles du Sénateur McCarthy. La délation a commencé à travers le pays, et nous avons assisté à des situations assez uniques, comme celui d’un témoin voyant une voisine étendre le linge de travail de son mari et qui avait remarqué que les vêtements étaient rouges. Ce témoin a alors averti le FBI qu’il y avait un communiste qui vivait à côté de chez elle. J. Edgar Hover, directeur du FBI se faisait un plaisir d’arrêter et d’emprisonner, sous la gouverne de la ‘National Security Act » (l’acte de la sécurité nationale) tous ceux suspectés d’être des communistes, des socialistes, des progressistes et même trop libéraux. Durant cette période de quatre années, les syndicats, les associations de travailleurs, les organisations pour les droits civiques, des individus comme le grand chanter Paul Robeson, ont été appréhendés,, infiltrés et dans certains cas détruits.
Le succès de la gauche américaine aux élections législatives dans des États comme New York, jumelé à des victoires dans plusieurs conseils municipaux au sein de grandes villes comme Chicago, Oakland, Seattle et la ville de New York, a aidé à promouvoir les différentes organisations de la gauche socialiste, mais a surtout augmenté la discussion autour du développement du socialisme et ses récentes victoires. Nous avons déjà écrit qu’il est surprenant de constater comment le mot « socialiste » ne fait plus peur comme dans le passé au sein de la population.
Nous pouvons attribuer ceci à la présence et aux discours de Sanders à travers les cinquante états. Les différentes victoires au niveau local et les actions menées par les militants et militantes qui luttent présentement dans les 150 villes du pays contre le racisme systémique et pour une justice écologique et sociale augmentent le rayonnement de cette idée et contribuent au recrutement de nouveaux adhérents et de nouvelles adhérentes. Parallèlement le renouveau du mouvement syndical, qui a bénéficié par les nombreuses luttes (enseignantes et enseignantes, débardeurs, industrie de l’hôtellerie, hôpitaux, luttes pour les logements sociaux, contrôle des loyers), soutenu par une coalition d’Afro-Américains-e-s, jeunes blancs, hispanophones, est dans certain cas (surtout dans les villes de l’ouest) les autochtones. Du jamais vu depuis les années soixante et auparavant, les grandes luttes de la classe ouvrière à la fin du 19e et au début du 20e siècle.
On parle du socialisme dans les métros de New York, de Chicago, sur les campus, dans les radios communautaires, et dans les multiples rencontres ZOOMS qui traversent le pays et qui animent les débats politiques et idéologiques, autour du socialisme et de la nécessité d’organiser un mouvement populaire pour le socialisme. Il y a un enthousiasme autour des élu-e-s socialistes et des candidats socialistes, la jonction entre le renouvellement du syndicalisme et le rôle du socialisme pour recréer un syndicalisme de lutte de classe. Le mot « socialiste » est devenu acceptable.
Certes il ne faut pas tomber dans le délire. Mais il faut reconnaître que cette élection présidentielle, truffée de racisme, d’autoritarisme, et du conservatisme des démocrates, a crée une fenêtre d’opportunité et surtout offre un espace de liberté d’expression et de débat qui bénéficie la Gauche socialiste américaine. Ceci, selon John Bellamy Foster1 a ouvert une porte pour avancer le « renouveau de l’idéal socialiste ».2 Pour Bellamy Foster, le temps est venu pour accentuer la radicalisation du socialisme, qui est plutôt une sociale démocratie présentement aux États-Unis et qui se limite à cherche des alliances avec les forces sociales libérales afin de parvenir à un terrain d’entente et de promouvoir des régulations sociales et menant une amélioration du bien-être social pour les Américains et les Américaines. Des paroles durent, mais qui ont l’intention de secouer les militants et militantes qui sont attiré-e-s par le mot « socialiste ». Bellamy Foster pose la question de la radicalisation de ce mot, afin de se préparé, à la ‘crise hégémonique’ (Antonio Gramsci), du capitalisme qui nous attend post pandémie. Pour Bellamy Foster le fascisme est aux portes des États-Unis avec une alliance « néolibérale- néofasciste » au sein de la classe politique américaine, tant du côté républicain que démocrate.
Dans cet article Bellamy Foster ne recule pas de faire référence à Karl Marx et Lénine. En somme, il souscrit à la position de Gramsci pour développer au sein de la gauche américaine une « guerre de position ». Il ose interpeller la gauche américaine, parce que nous voyons déjà un début d’une chasse aux sorcières de la part de l’extrême droite populiste, qui avance des idées fascistes tout en étant soutenue par les milices armées. La tentative menée par un groupe de miliciens armés pour séquestrer la Gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, en est un exemple flagrant.
Les milices armées ont quadruplé depuis la venue au pourvoir d’Obama et ont continué d’augmenter avec la venue au pourvoir de Donald Trump. Nous savons que depuis les attaques du 11 septembre 2001, plusieurs groupes comme le « Counterjihad » circulent dans la société américaine. Nous pouvons ajouter à cela les « Minutemen » qui surveillent les frontières contre l’immigration non documentée. La Alt-Right, qui ont soutenu la candidature de Donald Trump en 2016, et qui s’inspire du paléo conservatisme – ainsi que le libertarisme de l’extrême droite, le nationalisme blanc, et la plupart des mouvements néo réactionnaires, qui tiennent dans leur mire la gauche socialiste américaine.
Le Sénateur Rand Paul du Kentucky, libertarien d’extrême droite, a écrit en 2019 une livre intitulé « The Case Against Socialism », inspiré des thèses de Ludwig von Mises, lui-même mentor de Frederic Hayek. Rand Paul nous dit que les socialistes aux États-Unis sont liés avec le nazisme. Il nous dit que le Parti de Hitler qui s’appelait « The National Socialist German Workers’ Party », ce qui serait la preuve que le nazisme et le socialisme, c’est du pareil au même. Dans le passé, utiliser le mot « communiste » pour abattre toutes les personnes libérales ou socialistes, était à l’ordre du jour. Il faut croire que, maintenant que le mot « communiste » a perdu sa popularité, d’autres mots ont pris sa place. Nazis, Islamistes, Antifa et d’autres font l’affaire pour attaquer la gauche socialiste américaine.
Si nous ajoutons les sites web d’extrême droite et fascistes, et même néo nazis comme QANON, Stromfront, Bchan, 4chan, Reddit, IRC, et ainsi de suite, nous voyons que les groupes qui ciblent les progressistes et socialistes, ne manquent pas. Ceci ne fait que commencer. Avec la montée du néofascisme aux États-Unis, la gauche socialiste américain doit s’attendre a des attaques pour tenter de détruire le mouvement. Il faut dire que la gauche socialiste américaine est devenue victime de son propre succès. Il fallait s‘y attendre. L’histoire antisocialiste aux États-Unis est là pour le prouver.
Lotta Continua
Notes
1- John Bellamy Foster est l’éditeur de ‘Monthly Review’, revue Marxiste, et aussi professeur de sociologie de l’Université d’Oregon à Portland.
2- Voir John Ballamy Foster, « The Renewal of the Socialist Ideal’. Monthly Review septembre 2020.
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