Lorsque des gouvernements font la sourde oreille aux revendications qui sont portées par un si grand nombre de gens, lorsqu’ils refusent d’entendre les aspirations de la population, lorsqu’ils préfèrent régler les conflits sociaux par l’usage de la force, qu’elle s’exerce par une loi injuste ou par les armes, ces gouvernements prennent la voie de la dictature. Avec la loi spéciale décrétée par le Premier Ministre Jean Charest, nous assistons, atterrés et dégoûtés, à un véritable rapt de notre démocratie. Par cette mesure autoritaire, le gouvernement libéral fait une fois de plus preuve de mépris envers les institutions démocratiques mêmes qui l’ont porté au pouvoir ; assemblées délibérantes, vote majoritaire et recherche de compromis.
Pire, il indique à la population que rien ne sert d’exprimer un quelconque mécontentement, puisque ses décisions sont inflexibles. Du moins en ce qui concerne les gens. Car lorsqu’il s’agit des entreprises privées et du capital, le discours est tout autre, plein de complaisance et de compromission. À preuve, Jean Charest était entouré de l’exécutif de la CRÉPUQ au moment d’annoncer sa loi spéciale. Ne soyons pas dupes, c’est à cette élite ainsi qu’aux banques que profite la situation ! La démocratie est prise en otage et ce sont eux, les ravisseurs ! Et les médias de masse, dissimulant leur parti pris en faveur du pouvoir établi sous des faux airs d’objectivité, en sont les complices.
Sur la scène fédérale, la même pièce se joue, mais bien plus dramatiquement. Tant de droits sont atteints par la loi C-38 que la population ne sait pour quelle cause se battre : l’environnement ? La retraite ? L’assurance-emploi ? Les droits des immigrants et des réfugiés ? Les droits des femmes ? La liberté d’expression, d’opinion et de manifestation ? À voir à quelle vitesse et avec quel acharnement le gouvernement conservateur démolit le Canada, nous sommes en droit de nous demander ce qu’il en restera aux prochaines élections ! À part l’armée, s’entend !
Mais du haut de leur pouvoir, nos dirigeants oublient l’essentiel. Les gouvernants ne peuvent gouverner sans le consentement des gouvernés. On a entendu monsieur Charest dire que la politique ne se fait pas dans la rue ; c’est un mensonge ! La démocratie n’étant que la façon la moins violente de réguler les conflits sociaux, lorsqu’elle est kidnappée, que le pouvoir est accaparé par une élite, la population trouve d’autres manières de se faire entendre. Et ce n’est pas en discréditant les protestataires par des lois injustes sur leur accoutrement ou sur le trajet qu’ils prennent que le pouvoir établi parviendra à nous faire rentrer dans le rang comme des moutons. C’est l’une des grandes leçons de l’histoire ; lorsqu’on prend la démocratie en otage, qu’on bafoue les droits légitimes des citoyens, il faut s’attendre à ce que la population s’insurge et organise la sédition.
Marie-Iris Légaré