Édition du 17 décembre 2024

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Luttes étudiantes

Le point sur la lutte étudiante

Le combat qui oppose les organisations étudiantes et le gouvernement actuel du Québec est une confrontation entre deux visions contradictoires de la société.

Si l’on croit à l’utilité sociale d’un gouvernement, ce sont les étudiants qui ont raison. En effet, si l’éducation est un investissement que la société fait dans sa jeunesse pour un avenir meilleur, cette société se doit de rendre l’éducation universitaire accessible à toutes les personnes qui en ont les capacités intellectuelles.

Si, au contraire, on croit que l’éducation est un investissement personnel, une marchandise que l’on s’achète, il n’est alors pas nécessaire de financer collectivement l’éducation au-delà du secondaire. Et même, si l’on conçoit l’éducation comme une façon de préparer les jeunes à servir les entreprises, on devrait demander aux entreprises de financer les écoles. C’est ce qu’on commence à faire quand on fait intervenir des fondations privées dans les cursus.

Une telle conception mercantile de l’éducation correspond à une vision tronquée de la société vue comme une collection d’individus plutôt que comme une collectivité pouvant se donner des objectifs communs pour le plus grand bien de tous et de chacun.

Que reste-t-il à faire maintenant que les positions sont bien campées de part et d’autre ? Que va-t-il se passer maintenant que la ministre de l’éducation, madame Line Beauchamp, a balayé du revers de la main la force de la plus grande manifestation jamais tenue à Montréal ?

Il y a quelque chose de plutôt étrange à entendre la ministre se plaindre des actions dérangeantes que tiennent certains groupes d’étudiants quand du même souffle elle leur enjoint de tenir des manifestations pacifiques dont elle assure qu’elles n’auront absolument aucun effet sur elle.

Il y a quelque chose de plutôt révélateur à entendre la ministre dire que la manifestation ne saurait avoir d’impact sur elle puisqu’elle ne regroupe que les syndiqués (la fameuse classe moyenne), les étudiants, les enseignants, les jeunes, les artistes... Il est à noter que de nombreux petits entrepreneurs (surtout artistiques il est vrai) ont fermé leur boutique ce jour-là pour accompagner les étudiants. Qui manquait-il donc à cette manifestation ? Les banquiers, financiers et autres grands dirigeants d’entreprise ! C’est sans doute ceux-là qu’elle veut voir, entendre et surtout écouter.

N’est-il pas révélateur, répétons-le, que madame Beauchamp attache plus d’importance à un groupe de personnes qui ne suffirait pas à remplir le square Saint-Louis plutôt qu’aux centaines de milliers de personnes qui ont envahi les rues de Montréal le jeudi 22 mars 2012 ?

N’est-il pas révélateur, oui il convient de le répéter, que madame Beauchamp soit ainsi au service du grand capital plutôt que de la société ?

N’est-il pas révélateur, nous ne nous lasserons pas de le répéter, d’entendre la ministre dire que la hausse des droits de scolarité est nécessaire parce que sinon ce seront les travailleurs de la classe moyenne qui en feront les frais alors que justement cette hausse sera absorbée par les étudiantes et étudiants filles et fils de la classe moyenne ?

N’est-il pas révélateur, qu’on ose nous reprocher de le répéter !, d’entendre la ministre opposer les étudiants et les travailleurs de la classe moyenne alors que justement ils sont dans le même bateau, surtout quand elle déclare qu’ils payent les études des jeunes, ce que tout le monde sait déjà, oubliant par là que ce sont aussi elles et eux qui payent son salaire, sa limousine et son chauffeur ?

Les étudiantes et étudiants, les travailleuses et travailleurs de la classe moyenne sont dans la même situation, confrontés à un gouvernement qui sert les intérêts des plus riches et des grandes entreprises en se servant des impôts prélevés sur la classe moyenne pour subventionner ceux-là grassement tout en les exonérant de fiscalité. Ce gouvernement refuse d’exiger des recteurs des universités une gestion qui favoriserait leur mission primordiale d’enseignement. Ce gouvernement refuse de prendre des mesures simples et efficaces, toutes beaucoup moins coûteuses que le pharaonique Plan Nord, pour financer l’accès à l’université de toutes les personnes qui y sont aptes. Cela se fait au détriment des familles défavorisées, dont les aspirations seront révisées à la baisse. Cela se fait au détriment des familles de classe moyenne.

Il faut appeler les choses par leur nom : c’est une lutte de classe et les travailleuses et travailleurs ont tout intérêt à appuyer le mouvement étudiant.

Si la ministre dit clairement qu’elle ne veut pas reculer et que les manifestations pacifiques n’ont pas d’effet sur elle, que reste-t-il aux étudiantes et étudiants sinon des actions dérangeantes ? Qui pourrait les en blâmer ?

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
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