Édition du 12 novembre 2024

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International

Le peuple du Salvador décide souverainement de son avenir.

Lors de l’élection présidentielle qui s’est déroulée dimanche au Salvador, le peuple a voté dans la bonne humeur, l’enthousiasme et le calme, démontrant ainsi son désir de changement et sa maturité politique. Le Salvador a élu pour la première fois de son histoire un gouvernement de gauche, alors qu’il faisait partie jusqu’ici des quelques pays latino-américains encore gouvernés par la droite néolibérale comme le Mexique et la Colombie. Voilà pourquoi l’élection de dimanche suscitait autant l’intérêt des médias internationaux nombreux à couvrir l’évènement.

Après vingt ans de gouvernance de l’ARENA, l’Alliance républicaine nationaliste passe à l’opposition après avoir réalisé quatre mandats de suite. La défaite semblait dure à avaler dimanche soir pour le candidat Rodrigo Ayala, mais avec les trois points d’avance de son rival, il concédait la victoire et acceptait le verdict populaire.

Le président élu, Mauricio Funes, candidat du Front Farabundo Marti pour la libération nationale FMLN, confessait qu’il s’agissait du soir le plus beau de sa vie. Un peu après 21 heures, Funes s’adressait à la population dans un discours télévisé où il déclarait, avec 90% des votes comptabilisés, qu’il devenait le président élu du Salvador. Dans un discours très rassembleur, il s’engageait à respecter toutes les instances démocratiques et la constitution et de continuer à fortifier l’état de droit, la liberté d’opinion et de religion ainsi que de respecter la propriété privée. Conscient que ses adversaires de l’ARENA avaient remporté plus de 48% des voix, il leur a tendu la main et s’est engagé à chercher le dialogue et la concertation. Fini le temps des intolérances et du revanchardisme, il faut ensemble sortir le pays de ce moment exceptionnel de crise qui affecte durement la population. « Cette victoire es la victoire de tous ; personne ne peut se considérer comme maître de ce pays, sinon le peuple salvadorien. » Funes s’est dit inspiré par l’archevêque Oscar Romero de San Salvador assassiné en 1980. Il fait sienne l’option prioritaire pour les pauvres et les exclus et en fait la priorité de son gouvernement. Il promet une politique extérieure indépendante, centrée sur l’intégration des pays d’Amérique centrale et promet de bonnes relations avec les États-Unis.

Le Front Farabundi pour la libération nationale avait conduit dans les années soixante-dix une insurrection populaire dans le but de renverser un régime corrompu, autoritaire et insensible aux besoins des classes populaires. La guerre dura douze ans, appuyée économiquement et militairement par les États-Unis pour maintenir le régime en place. 75000 personnes ont été tuées durant ce conflit. En 1992, sous le premier gouvernement d’ARENA, le président Cristiani et le FMLN signaient les accords de paix et les forces rebelles rendaient les armes et se constituaient en parti politique.

En 2004, le FMLN a perdu les élections présidentielles en récoltant 36% des voix. Avec sagesse, le Front a sollicité cette fois-ci M. Mauricio Funes comme son candidat présidentiel. Journaliste le plus réputé du pays, homme intègre et droit qui a toujours démasqué la corruption, celui-ci a accepté de se joindre au FMLN, une force politique incontournable apportant en même temps l’appui d’autres forces sociales et d’une population désireuse de changement, mais restée craintive après tant de violence politique. Ces autres forces sont représentées par le groupe désigné « les amis de Mauricio ». Aujourd’hui, le gouvernement de Funes et le parti du Front s’engagent dans un processus d’unité nationale dans un Salvador profondément divisé depuis de si longues années. Ce qui polarise avant tout, c’est l’écart entre riches et pauvres, à l’origine de la polarisation politique entre la droite et la gauche.

Il est tout à l’honneur d’un parti populaire comme le FMLN d’avoir su analyser la nouvelle situation avec réalisme et de s’être engagé à gouverner pour sortir le Salvador de cette situation dramatique d’inégalités sociales. Il devra mettre en branle un processus fondé sur la justice sociale et travailler à éliminer la pauvreté, à donner à tous accès à la santé, à l’éducation. Ces revendications ne sont pas propres au Front, ce sont celles de la population, et c’est en répondant à ces demandes que le parti au pouvoir se constituera comme le représentant légitime du peuple tout entier.

La campagne menée par ARENA a misé sur l’intimidation et cela n’a pas marché. J’ai entendu à la télé au dernier jour de la campagne, un militant dire que si Funes était élu, le pays serait dominé par Chavez du Venezuela, ou par Cuba ou même par la Russie et l’Iran !!! Ça ne s’invente pas. L’image que la droite a voulu donner du Front a été celle du totalitarisme communiste, de la perte de la liberté et du retour à la guerre. Lundi, l’AFP titrait tendancieusement comme suit : « Élections au Salvador – Le candidat de l’ex-guérilla d’extrême gauche se déclare élu ». Quelle arrogance de la part d’un journaliste qui discrédite cyniquement un processus démocratique sans tâche et réalisé sous l’œil vigilant de 5000 observateurs nationaux et étrangers ! Mais c’était se méprendre sur la maturité et l’intelligence du peuple qui a laissé derrière ces années d’horreur et qui est bien décidé à imposer un changement dans la conduite de son avenir.

Mots-clés : International Salvador

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