Édition du 1er octobre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La guerre en Ukraine - Les enjeux

Le mouvement syndical mondial doit demander des comptes à la Russie pour les crimes de guerre commis à l'encontre des travailleurs ukrainiens.

Les crimes de guerre perpétrés par la Fédération de Russie contre le peuple ukrainien ont atteint un nouveau degré d’escalade. Les transgressions comprennent le bombardement délibéré d’hôpitaux, d’usines, de supermarchés et de bureaux de poste, et le meurtre de plus de onze mille civils. Les travailleurs ukrainiens sont attaqués, car le « syndicat » FNPR (Fédération des syndicats indépendants de Russie), fidèle au régime, a persécuté les syndicats ukrainiens dans les territoires occupés de Donbas et de Crimée, tandis que le gouvernement russe a bombardé les sièges des syndicats.

L’Organisation internationale du travail (OIT) doit s’attaquer au mépris flagrant de la Russie pour les droits fondamentaux des travailleurs et la dignité humaine. En tant qu’autorité mondiale en matière de normes du travail, l’OIT a à la fois le devoir et la capacité de faire face à ces violations de ses conventions. Il est essentiel que ces abus soient portés à la connaissance de l’OIT et que l’organisation prenne des mesures pour que la Russie réponde de ses crimes de guerre.

Une inhumanité persistante

Les attaques criminelles de la Russie contre le système de santé ukrainien doivent être comprises comme visant non seulement les infrastructures vitales, mais aussi les lieux de travail et les travailleurs. En octobre 2024, Physicians for Human Rights a recensé 1 442 attaques contre des établissements de santé, dont 742 hôpitaux et cliniques ont été détruits, entraînant la mort de 210 travailleurs de la santé. Il s’agit peut-être d’une sous-estimation puisque, en août, Human Rights Watch a indiqué que la Russie avait endommagé ou détruit 1 736 installations médicales. L’OMS a condamné à plusieurs reprises la tactique systématique de la Russie consistant à détruire les établissements de santé et à s’en prendre aux travailleurs de la santé, la qualifiant de crime de guerre.

Les travailleurs de la santé sont loin d’être les seuls à supporter le poids de l’agression russe. Les cas les plus flagrants sont ceux où les forces d’occupation russes non seulement torturent, tuent et déportent des civils ukrainiens, mais ont également instauré un système de travail forcé dans les territoires temporairement occupés de l’Ukraine, en particulier dans l’industrie de l’énergie atomique. Le phénomène du travail forcé dans les centrales nucléaires occupées par les Russes est étayé par de nombreux éléments de preuve.

En outre, la persécution et l’expropriation des syndicats ukrainiens, coorganisés par la FNPR dans les territoires temporairement occupés par la Russie, constituent une grave atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs ukrainiens. Ils ont interdit les activités des syndicats libres ukrainiens et persécutent sauvagement toute personne qui tente de maintenir le contact avec leur syndicat.

Ce qui est particulièrement grave, c’est que la FNPR sert volontairement de bourreau et de complice au régime de Poutine dans ses efforts pour supprimer la liberté d’association. La FNPR joue un rôle central dans la persécution des travailleurs ukrainiens dans les territoires occupés par le régime russe et est activement impliquée dans l’expropriation illégale des syndicats ukrainiens, dont elle tire profit.

Le FNPR fait partie intégrante de l’appareil répressif, criminel et inhumain de la dictature de Poutine et, par extension, de ses crimes de guerre. Poutine a publiquement fait l’éloge de la FNPR lors de son congrès de 2024 pour avoir mis en œuvre le système de la « Nouvelle Russie » sur les lieux de travail de l’Ukraine occupée. La FNPR est le seul syndicat autorisé dans les territoires, et ceux qui n’y adhèrent pas et n’acceptent pas le processus de « russification » sont considérés avec suspicion par les forces d’occupation russes. Cette suspicion peut conduire à l’enlèvement ou à l’emprisonnement dans un centre de torture, comme l’ont montré de nombreux rapports de l’ONU.

L’attaque barbare de la Russie contre la Fondation suisse pour le déminage (FSD) à Kharkiv en juillet 2024 constitue une nouvelle violation grave du droit international par la Russie, qui ne sera certainement pas la dernière, et souligne l’urgence de cette question. Un mépris aussi flagrant des droits de l’homme et des normes internationales exige une action constante et décisive.

Il est impératif que ces cas soient portés devant l’OIT et que celle-ci tienne la Russie pour responsable de ses violations flagrantes des conventions de l’OIT destinées à protéger les droits les plus fondamentaux des travailleurs et la dignité humaine. Le système de l’OIT, en tant qu’autorité mondiale en matière de normes du travail, a la responsabilité et la fonction de s’attaquer à ces violations et de prendre position contre les actions de la Fédération de Russie.

Expulser le FNPR et cesser toute collaboration

Il est essentiel d’aborder le rôle de la FNPR dans ce conflit. La FNPR, agissant comme une marionnette du gouvernement russe, a soutenu la persécution des syndicats ukrainiens dans les territoires occupés. Compte tenu de cette complicité, la FNPR ne représente pas les intérêts des travailleurs en Russie ou ailleurs.

La Confédération syndicale internationale (CSI) doit donc cesser tout soutien direct ou implicite à la FNPR. La poursuite de la reconnaissance ou de la collaboration avec une telle organisation ne ferait que légitimer ses actions et saper la crédibilité du mouvement syndical mondial. Cela signifie explicitement que la CSI devrait empêcher la FNPR d’obtenir un siège au Conseil d’administration de l’OIT lors des prochaines élections.

Malheureusement, cette année, la CSI a permis (ou du moins n’a pas essayé d’empêcher) l’élection du représentant de la FNPR, Alexei Zharkov, en lui laissant une place vacante. Malgré l’amabilité malavisée de la CSI et le lobbying agressif de la FNPR et de ses alliés de l’ACFTU chinoise, Zharkov a été élu de justesse. Ce résultat est une réprimande cinglante pour la FNPR. Si la CSI s’était opposée à Zharkov, il n’aurait pas été élu.

En outre, le rôle des représentants russes à l’OIT dans la machine de guerre de Poutine devrait faire l’objet d’une enquête et ceux qui sont impliqués dans des crimes de guerre ou qui les soutiennent devraient être sanctionnés et se voir refuser l’octroi de visas. Il est incompréhensible que Mikhail Shmakov, qui agit sans vergogne en tant que complice de Poutine, ne figure encore sur aucune liste de sanctions, à notre connaissance - en particulier contrairement aux représentants de l’association des employeurs russes qui ont été sanctionnés.

Enfin, lors de la prochaine réunion statutaire compétente, la CSI - le mouvement syndical démocratique mondial - doit faire un choix décisif et expulser la FNPR de ses rangs. Le fait que cette organisation belliciste ne soit que suspendue nuit déjà à la crédibilité de la CSI.

Fermeture du bureau de l’OIT à Moscou

Dans la Russie de Poutine, la liberté d’expression et de pensée est étouffée et il n’est plus possible de travailler librement. Cette situation s’étend même au personnel diplomatique, y compris celui de l’OIT, qui est régulièrement harcelé, comme on le murmure souvent à huis clos. Des rapports d’intimidation à l’encontre du personnel non russe ont également fait surface à plusieurs reprises.

Les travailleurs de nombreux pays ne se sentent plus en sécurité lorsqu’ils se rendent à Moscou, et beaucoup, en particulier ceux d’Europe de l’Est et du Caucase - régions qui ont souffert de l’agression russe - ne veulent pas travailler à Moscou. De nombreux syndicats d’Europe de l’Est, du Caucase et d’Asie centrale refusent d’être « gérés » depuis Moscou. Compte tenu de la situation en Géorgie, en Arménie et en Asie centrale, cette position est tout à fait compréhensible.

Il est particulièrement insoutenable que le Belarus, où Lukashenko, allié de Poutine, a interdit tous les syndicats démocratiques et emprisonné plus de 40 syndicalistes, soit officiellement couvert par un bureau de l’OIT basé à Moscou.

Par conséquent, le bureau de l’OIT devrait être déplacé sans plus attendre.

Les syndicats démocratiques doivent s’opposer au poutinisme

Nous exigeons une véritable solidarité syndicale avec nos collègues syndicalistes et travailleurs d’Ukraine, qui sont actuellement confrontés à l’invasion et à la tentative de destruction de leur nation. Nous attendons de tous les mouvements syndicaux démocratiques, y compris et surtout ceux des pays appartenant à l’UE, au G7, au G20 et aux BRICS, qu’ils s’opposent au fascisme criminel de guerre incarné par le poutinisme.

Rien ne peut justifier que les syndicats collaborent avec un tel régime et ses syndicats asservis, en particulier dans des cadres tels que le G20 et d’autres groupes dont la Russie est membre. Si le G20, les BRICS, etc. ne se distancient pas de ces actions et de ces membres, ils risquent de devenir des « clubs » qui protègent, légitiment et, en fin de compte, soutiennent les dictateurs et les criminels de guerre.

Points d’action contre le régime de Poutine

En conclusion, l’ensemble de la communauté syndicale internationale doit s’exprimer clairement et bruyamment face à ces atrocités. Porter ce cas devant l’OIT n’est pas seulement une étape nécessaire pour demander des comptes à la Russie, c’est aussi une mesure essentielle pour protéger l’intégrité des normes internationales du travail. L’OIT et la CSI doivent rester unies dans leur engagement en faveur de la justice, des droits de l’homme et de la protection des travailleurs dans le monde entier.

Par conséquent, tous les mouvements syndicaux démocratiques devraient exiger

Que l’OIT, en utilisant tous les moyens légaux disponibles, prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires pour poursuivre, nommer et punir toutes les violations des droits des travailleurs et des syndicats commises par la Russie en Ukraine. La CSI et les organisations syndicales internationales doivent prendre toutes les mesures juridiques et pratiques nécessaires à cette fin lors de la prochaine réunion de l’OIT.

Que la CSI et tous ses organes régionaux se distancient complètement de la FNPR en tant que complice du régime de Poutine - non seulement en Europe mais aussi en Asie, en Australie, en Amérique du Nord, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Nous exigeons une véritable solidarité syndicale contre le régime dictatorial imprudent et agressif de Poutine et ses mandataires au sein de la FNPR. La CSI doit enfin expulser la FNPR de ses membres.

Le déménagement immédiat du bureau de l’OIT de Moscou, car son maintien serait en contradiction avec les valeurs et la mission de l’OIT qui est de promouvoir les droits des travailleurs et la justice, étant donné les violations constantes du droit international par la Fédération de Russie.

En tant que syndicats démocratiques fiers et forts, la CUT brésilienne et le COSATU sud-africain devraient envisager de ne pas donner de légitimité et de crédibilité à la FNPR et à l’ACFTU en s’engageant dans le Forum syndical des BRICS.

Vasco Pedrina

Vasco Pedrina a été coprésident du syndicat Unia et vice-président de l’IBB (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois) et représentant de l’Union syndicale suisse auprès de l’AELE (Association européenne de libre-échange).

Ce texte a été publié en anglais sur : https://globallabourcolumn.org/2024/09/18/the-global-labour-movement-must-hold-russia-accountable-for-war-crimes-against-ukrainian-workers/
Traduction :deepl.com

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