Déjà, les Tunisiens et les Égyptiens ont chassé du pouvoir les dictateurs Ben Ali et Moubarak. Cesderniers, au pouvoir depuis des décennies, gouvernaient sans partage, cultivant la peur et dépouillant leurs populations de leurs biens. Et cela sans avoir à s’inquiéter de la réaction des pays occidentaux qui disent « tant que vous continuez à nous envoyer votre pétrole et que vous n’embêtez pas trop Israël, on est bien prêt à détourner la tête ».Mais la situation est en train de changer et le vent de révolte ne semble pas vouloir s’apaiser. Les populations de plusieurs autres pays, exaspérées elles aussi par les exactions de leurs dirigeants manifestent pour retrouver leur dignité et reprendre les rênes de leur avenir. Que faut-il comprendre de ce vaste mouvement de révolte ?
1. Pourquoi ces révoltes ?
Vivant depuis plusieurs décennies sous la coupe de dirigeants aussi corrompus qu’autoritaires, les populations des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, surtout les jeunes, sont aussi aux prises depuis plusieurs années avec une augmentation de la pauvreté et du chômage, conséquences des ajustements économiques imposés à ces pays par la mondialisation et les crises économiques et alimentaires qui ont suivi. Constituant en moyenne 55 % de la population des pays arabes, les moins de 25 ans, très souvent diplômés, mais sans emplois se sont retrouvés face à un mur : avenir « bouché », misère rampante et désespoir alors que la classe dirigeante vivait dans l’opulence. Ne restait plus que la révolte…
2. Comment cela a-t-il commencé ?
Tout est parti d’un jeune marchand tunisien de fruits et légumes, Mohamed Bouazizi, qui en décembre dernier s’est fait arrêter, confisquer son chariot et a vu sa marchandise détruite par des policiers. Tout cela pour ne pas avoir eu de permis
et avoir été incapable de payer le pot-de-vin nécessaire pour que les policiers ferment les yeux. Sans emploi alors qu’il devait subvenir aux besoins de 7 personnes, réduit à la mendicité et sans avenir, Mohamed Bouazizi s’immole par le feu le 17 décembre en signe de profond désespoir. Il décèdera deux semaines plus tard.
Son sacrifice provoque une vague de colère générale en Tunisie et dans les pays voisins aux prises avec les mêmes problèmes. Son geste « public » a été l’élément déclencheur d’une révolte qui couvait depuis des années et qui a enflammé nombre de pays soumis à des régimes autoritaires et répressifs.
3. Que revendiquent les populations ?
Excédées et à bout de patience, les populations qui « prennent la rue » veulent en finir avec des dirigeants qui ont bafoué leur dignité et les ont dépouillés pour s’enrichir personnellement et financer un réseau d’amis. Ces populations, appauvries par les politiques imposées par la mondialisation en ont aussi assez de devoir se plier aux exigences des puissances occidentales et d’être exploitées par celles-ci. Elles revendiquent des politiques économiques qui leur permettent de se loger, de se nourrir et de décemment. Elles exigent de vivre en sécurité sans avoir peur de leurs propres policiers ou soldats. Somme toute, comme tout le monde, ces gens ne demandent que le droit de vivre dans la dignité.
4. S’agit-il de révolutions à caractère islamiste ?
Ces révolutions politiques ont peu à voir avec la religion. Il s’agit essentiellement d’un mouvement de colère très général composé de citoyens provenant de divers horizons et de religions diverses, mais qui est surtout mené par les jeunes. Ceux-ci, souvent très éduqués, subissent avec grande frustration le chômage et la pauvreté. À l’aide de Facebook et de Twitter, ils ont été en mesure de se mobiliser et d’entraîner la population pour maintenir la pression populaire et forcer le changement.
5. Quel est le rôle des puissances occidentales ?
Les États-Unis, le Canada, et les pays européens, champions de la démocratie et des droits humains, ont, pendant des années, fermé les yeux sur les gestes illégaux commis par ces dirigeants corrompus et autoritaires. Conscients des exactions commises à l’endroit des populations exploitées, depuis plus de cinquante ans.
6. La suite des choses ?
La lutte contre la domination et la quête de dignité des populations arabes fait appel à la solidarité des peuples du monde entier. Une solidarité qui doit s’exprimer dans le respect de la souveraineté des peuples, sans ingérence, et dans un souci de promotion de la paix et de stabilité à long terme. L’ébullition en cours dans le monde arabe constitue une formidable remise en question d’un modèle économique qui, au cours des dernières décennies, s’est imposé à la presque totalité des peuples de la planète favorisant partout une accumulation sans pareil des richesses entre les mains d’une minorité de « puissants » aux dépens de populations plus pauvres que jamais. Alors qu’une nouvelle crise alimentaire mondiale est à nos portes, il est plus que jamais urgent de promouvoir un système économique mondial qui partage mieux la richesse et qui permet à toutes les populations de vivre dans la dignité.
Publié par le Comité de Solidarité/Trois-Rivières, un organisme sans but lucratif indépendant, en collaboration avec La Gazette de la Mauricie, grâce à des dons de citoyens et de citoyennes de la Mauricie. Lisez les autres pages de la série « Les grands enjeux » www.cs3r.org dans la section « Publications et archives »