Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Le meurtre d'une femme n'est pas un drame familial

Chère société,

Ça fait un moment que nous voulons te parler. Il aura fallu le meurtre de 6 femmes en l’espace de quelques semaines pour que nous t’écrivions. C’est sans compter les centaines de femmes disparues et assassinées depuis des années, souvent dans l’indifférence. Derrière ces horribles crimes, la question de la violence conjugale est actuellement médiatisée et, nous l’espérons, prise au sérieux.

L’auteure est représentante des centres de femmes de l’Estrie.

Nous en parlons, mais nous en parlons mal. Chère société, nous pensons qu’il est temps de changer nos pratiques et d’établir un nouveau contrat social avec toi. Nous voulons te proposer de bannir trois expressions de ton langage. Juste trois, pour l’instant, et on pense que tu peux y arriver. Les voici : « crime passionnel », « drame familial » et « il a perdu le contrôle ».

Le choix des mots est important lorsqu’on parle d’enjeux sociaux et il faut nommer les choses par ce qu’elles sont : « un meurtre conjugal ».

Le choix des mots est important lorsqu’on parle d’enjeux sociaux et il faut nommer les choses par ce qu’elles sont : « un meurtre conjugal ». Car, non, il ne s’agit pas d’un drame et utiliser ce terme rend invisible le geste posé et banalise la violence conjugale. L’utilisation de l’expression « crime passionnel » met de l’avant l’idée que la passion mène au meurtre. Rappelons que ce n’est pas la passion, ni l’amour qui tue, mais bien le meurtrier. Tuer sa conjointe ou ses enfants est un acte de violence inouïe qui se doit d’être nommé et dénoncé.

Rappelons également que lorsque les femmes quittent leur conjoint, elles se trouvent dans une situation de vulnérabilité accrue et il s’agit là de moments propices à l’augmentation de la violence. Selon l’Institut de la santé publique du Québec, l’homicide à l’endroit de la conjointe se commet le plus souvent dans la période entourant une rupture initiée par la conjointe ou lors d’une escalade de la violence au moment de mettre fin à la relation. Ainsi, l’expression « il a perdu le contrôle », renvoie l’image d’un homme déboussolé et qui n’est pas conscient de ses actes. Pourtant, la violence conjugale ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle.

Chère société, nous espérons que tu accepteras notre suggestion de traiter le meurtre conjugal comme un problème de société et non seulement comme un banal fait divers. Nous avons confiance en toi et pensons que tu peux y arriver.

Les signataires sont toutes représentantes régionales et travailleuses pour L’R des Centres de femmes du Québec

L’R des centres de femmes du Québec compte près d’une centaine de membres situés dans toutes les régions du Québec, tous travaillent à l’atteinte de l’égalité, luttent contre la pauvreté et œuvrent pour que cessent les violences faites aux femmes, dont la violence conjugale.

Marilyn Ouellet, Estrie

Graciela Mateo, Montréal / Laval

Nadia Morissette, Côte-Nord

Linda Provençal, Mauricie / Centre-du-Québec

Stéphanie Vallée, Lanaudière

Caroline Saucier, Abitibi-Témiscamingue

Barbara Gilbert, Saguenay/Lac-St-Jean

Marie Turcotte, Laurentides

Isabelle Després, Bas-St-Laurent

Manon Tremblay, Nord du Québec

Éloïse-Geneviève Allain-Beaudry, Outaouais

Christiane Bourgault, Chaudière-Appalaches

Solange Turbide, Gaspésie / Iles-de-la-Madeleine

JC Chayer, Montérégie

Monique Foley, Capitale-Nationale

Odile Boisclair, travailleuse à L’R

France Bourgault, travailleuse à L’R

Valérie Gilker Létourneau, travailleuse à L’R

Isabelle Langlois, travailleuse à L’R

Sylvie St-Amand, travailleuse à L’R

Marilyn Ouellet

Représentante des centres de femmes de l’Estrie

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