18 janvier 2025 | tiré du site inprecor.fr | Illustration : Le syndicat des ouvriers agricoles, Sinidicato Obrero del Campo, aujourd’hui SAT, a joué un rôle très important dans les mobilisations paysannes depuis la fin des années 1970.
Malaise. État de malaise physique ou spirituel. [Ou particulièrement, sentiment indéfini de ne pas être bien physiquement.]
Dictionnaire de María Moliner. Le sud, un jour, se lèvera
Une nation se lèvera
Fatiguée et blessée
République d’Andalousie
Tino Tovar, pasodoble de comparsa du Carnaval de Cadix « Tic Tac », année 2018.
Le présent texte se veut une approche de la question nationale andalouse en essayant d’analyser comment elle opère dans le panorama politique actuel et comment elle constitue un fait fondamental pour la libération sociale en Andalousie, quelle relation elle entretient avec la construction de l’État espagnol pour conclure par une proposition sur la façon dont nous devrions y faire face dans le but d’avancer vers une révolution écosocialiste en Andalousie et à partir de l’Andalousie.
Le malaise andalou
En Andalousie, nous avons un malaise : l’étrange sensation de vivre dans une crise permanente. Il ne s’agit pas d’une exagération, mais d’un malaise collectif face au rôle social et économique qui nous incombe. En d’autres termes, et pour faire simple, tout le monde en Andalousie sent, d’une manière ou d’une autre, que nous sommes plus pauvres que le reste de l’Espagne. Que nous pourrions être obligés de partir pour avoir un avenir, que l’on se moque de notre façon de parler ou que les choses sont plus difficiles ici.
Les facteurs sont multiples et les visions différentes, certaines contradictoires et d’autres complémentaires. Il ne s’agit pas d’un problème temporaire, ni d’un phénomène imputable aux derniers gouvernements ou aux crises économiques de la dernière décennie. Le malaise andalou est vieux de plusieurs siècles et s’inscrit dans l’identité de notre peuple. L’Andalousie ne peut être comprise sans le malaise andalou.
Mais comme je l’ai dit, le malaise andalou n’est pas seulement un sentiment, c’est un fait matériel. Ce malaise a une base réelle. Regardons quelques données.
En 2024, le nombre de personnes en risque de pauvreté en Andalousie est le plus élevé d’Espagne 1, le taux AROPE qui mesure le pourcentage de personnes en risque de pauvreté (idem) ou d’exclusion sociale est également le plus élevé d’Espagne (idem) et le nombre de personnes ayant des difficultés à joindre les deux bouts est supérieur de 7 points à la moyenne nationale (idem).
Le taux de chômage est beaucoup plus élevé que la moyenne de l’État, les salaires sont nettement inférieurs à la moyenne de l’État, six des dix municipalités aux revenus les plus faibles de l’État sont andalouses et même l’espérance de vie est plus faible.
C’est donc un fait qu’il existe en Andalousie une situation spécifique d’appauvrissement et d’inégalité dont souffrent directement les classes populaires et que l’Andalousie a joué un rôle de périphérie politique, sociale, économique et culturelle au sein de l’État espagnol.
La question est maintenant de savoir comment ce malaise andalou fonctionne politiquement, quelle est sa signification, comment il est canalisé et à qui il profite.
Les mauvaises réponses
Au cours des dernières décennies, différentes réponses politiques au malaise séculaire de l’Andalousie et à la situation spécifique d’oppression vécue par les classes populaires andalouses sont apparues.
À l’heure actuelle, nous pouvons distinguer trois catégories principales de réponses au malaise andalou, qui sont terriblement erronées et qui nous mènent dans des voies sans issue, comme je le décrirai ci-dessous.
Le premier de ces groupes pourrait être appelé le chauvinisme identitaire. Il s’agit de la tendance à placer la culture et l’identité au centre de la question andalouse comme une cause et non comme une conséquence de l’évolution matérielle et historique de notre peuple. Dans ce type de réponse, la cause de notre oppression est notre culture et notre façon d’être.
Cette réponse se décline en deux versions. L’une, profondément réactionnaire et classiste, affirme plus ou moins explicitement que la responsabilité de la situation socio-économique de l’Andalousie réside dans les prétendues caractéristiques culturelles des classes populaires andalouses. L’autre version, prétendument plus progressiste, est une forme d’autosatisfaction de la situation de l’Andalousie –se rattachant au mythe de l’Andalousie exotique ou orientale si typique du 19e siècle –, nie le malaise andalou et présente l’Andalousie comme un paradis de vertus où il fait bon vivre, précisément en raison de notre culture et de notre identité.
Ces deux visions du chauvinisme identitaire sont profondément ancrées dans la population andalouse et dans le reste de l’Espagne et nous conduisent à la même impasse et à la même paralysie.
Sur la scène politique andalouse, ces éléments ont été particulièrement utilisés dans leur version la plus prétendument progressiste par des positions politiques qui suggèrent une sorte de régionalisme andalou interclassiste qui présente la libération andalouse comme une conséquence directe d’un développement culturel et identitaire particulier, en ignorant la question des classes, de la libération sociale et de la construction même du régime espagnol, comme je l’expliquerai plus loin.
Un deuxième groupe de réponses erronées au malaise andalou est ce que nous pourrions appeler l’anti-catalanisme. Cette idée est profondément ancrée dans la société andalouse et c’est l’élément le plus utilisé par l’État espagnol pour canaliser l’agitation andalouse.
Ces réponses sont basées sur l’idée que l’origine de la situation d’oppression économique de l’Andalousie se trouve dans le développement d’autres territoires en Espagne. Elles partent d’un fondement réel – celui des rôles différents joués par les territoires et les nations dans la construction de la notion même d’Espagne et du sacrifice de certains d’entre eux – pour désigner le peuple catalan (ou basque) dans son ensemble comme l’ennemi d’une Espagne dont l’Andalousie serait le fer de lance, la zone la plus lésée par toute revendication nationale de l’une ou l’autre des nations sans État.
Mais l’idée qui sous-tend cette réponse erronée est un fort interclassisme. La conception des nations, des peuples ou des territoires comme un tout univoque et homogène avec des intérêts égaux, comme s’ils n’étaient pas liés à la classe sociale. Un territoire prétendument privilégié est présenté dans la construction territoriale de l’État comme s’il s’agissait de son peuple, et non d’une classe sociale qui dirige à la fois ici et dans l’État, et qui est responsable du rôle joué par l’Andalousie.
Le plus curieux est que l’État qui « répartit » n’est pas pointé du doigt. Cette théorie est toujours dirigée contre la Catalogne (ou Euskadi) mais jamais contre l’État. Pourquoi ? Parce qu’au cœur de cette vision, il n’y a pas une défense de l’Andalousie en soi, mais de l’Andalousie comme fer de lance de l’Espagne, comme la plus espagnole des « Espagnes ».
C’est actuellement l’axe fondamental du discours de la droite et de l’extrême droite en Andalousie, incluant la création d’un nouveau régionalisme andalou conservateur qui tente de redéfinir les symboles, l’histoire et l’identité andalouses.
Nous trouvons un troisième groupe de mauvaises réponses : ce n’est qu’une question de classes sociales. Ses partisans en viennent à proposer une résolution plus simple de la question : la nier. Ils affirment simplement qu’il n’y a pas de problème territorial en ce qui concerne l’Andalousie et que tous les indices socio-économiques de l’Andalousie répondent exclusivement à la question des classes, niant ainsi l’oppression spécifique de l’Andalousie. Tant sur le plan matériel que sur le plan culturel.
Cette réponse a généralement été défendue par la gauche centraliste, à la fois les plus socio-libéraux et ceux historiquement regroupés autour du Parti communiste espagnol, ou maintenant Sumar/Izquierda Unida ou Podemos. Bien qu’ils se réfèrent généralement aux luttes andalouses des années 1970 et 1980, ils y font toujours allusion comme à une lutte du passé, appréhendée avec nostalgie et dans le contexte particulier de la transition espagnole et de sa défense. Elles ne sont jamais évoquées comme un problème actuel ou comme une oppression majeure qui croise la question de la classe ou du patriarcat.
En somme, ils nient l’existence d’un malaise andalou endémique, il n’y a donc pas pour eux de question nationale andalouse mais simplement la question de la classe ouvrière en Espagne.
Cette réponse refuse de comprendre la composition des classes populaires andalouses, leur situation socio-économique et donc leurs expressions culturelles, identitaires, politiques et combatives. C’est un refus de comprendre la situation en Andalousie.
Face à ces trois réponses erronées, il convient de s’interroger sur l’origine et le développement du malaise andalou et sur son maintien.
L’origine du malaise andalou
Il est courant, lorsqu’on parle de l’Andalousie, de dire qu’il s’agit d’une terre « arriérée », de souligner que la clé pour comprendre la situation socio-économique de l’Andalousie est qu’elle est « sous-développée ». Ainsi s’insinue l’idée largement répandue selon laquelle le développement économique est une échelle univoque, à sens unique, dans laquelle l’Andalousie se trouve simplement à quelques échelons du reste de l’État espagnol.
Cette idée, qui est largement utilisée dans l’analyse de nombreuses régions du monde, est très utile pour maintenir le statu quo, ce qui est bénéfique pour les classes dirigeantes qui profitent de la façon dont l’État espagnol a été construit, en termes de classes et de territoire.
Elle leur est très utile pour deux raisons principales : premièrement, parce qu’elle nous place, nous les victimes du malaise andalou, dans une position purement passive, puisque nous ne pouvons qu’attendre que l’évolution naturelle nous fasse gravir l’échelle du développement ; deuxièmement, parce qu’elle ne nous montre qu’une seule voie possible : le développement le long de cette échelle à sens unique, le long de laquelle d’autres territoires ont déjà progressé avant nous.
C’est essentiellement faux. Et ce, pour une raison fondamentale : l’Andalousie n’est pas sous-développée. L’idée que l’origine de la situation de l’Andalousie est qu’elle est arrivée tardivement au développement capitaliste parce que les structures sociales, économiques et politiques d’une période précapitaliste s’y sont prolongées, est fausse.
Comme le soulignent des auteurs tels que Delgado Cabeza, Arenas Posadas et García Jurado, non seulement l’Andalousie n’est pas arrivée tardivement au développement du capitalisme, mais elle a joué un rôle de pionnier dans le développement du capitalisme dans la péninsule ibérique.
La conquête et la colonisation castillane de l’Andalousie entre le 11e et le 15e siècle et la colonisation ultérieure de l’Amérique à partir des côtes andalouses ont jeté les bases de la construction, entre le 15e et le 18e siècle, d’un développement particulier du capitalisme que des auteurs comme García Jurado appellent le « capitalisme seigneurial andalou », dans lequel un processus de prolétarisation précoce de la main-d’œuvre, la privatisation et la clôture des terres et l’importance du marché 2 sont apparues très tôt.
À cela s’ajoutent les institutions politiques issues de la conquête d’Al-Andalus, qui jouent le rôle de garant de la propriété privée des moyens de production, notamment de la terre, et d’une répression brutale au bénéfice des élites.
Très tôt est apparu le « problème de la terre », qui était déjà utilisée comme marchandise, avec des ouvriers sans terre prolétarisés par la spoliation des terres et qui a atteint son apogée au début du 19e siècle avec le désamortissement 3.
À partir du 17e siècle, le chômage est apparu comme un problème structurel et majeur en Andalousie4, où il existait une énorme classe de journaliers totalement dépossédés des moyens de production et obligés de vendre leur force de travail pour survivre.
Ce développement précoce du capitalisme en Andalousie, en lien avec les institutions héritées de la conquête d’Al-Andalus, la formation d’une classe sociale mêlant la seigneurie castillane et le problème de la terre et du commerce avec la colonisation de l’Amérique, ont eu un effet sur tous les aspects de la société andalouse.
C’est précisément ce développement particulier du capitalisme andalou qui façonne les structures sociales, la démographie, la culture, les secteurs économiques et l’identité de l’Andalousie.
Et à son tour, c’est ce qui façonne l’Andalousie en tant que nation. En ce sens, il est intéressant d’observer l’Andalousie à la lumière de ce que Gramsci a écrit sur la question méridionale. Il a compris que l’Italie du Sud fonctionnait, sur le plan politique et économique, comme une « immense campagne, par opposition à l’Italie du Nord, qui fonctionne comme une immense ville » 5. Et c’est précisément ces caractéristiques économiques et politiques et le rôle joué par le Sud qui ont formé et développé une question nationale pour le Sud. Il en va de même en Andalousie, où un fait national s’est constitué sur la base d’éléments matériels, sur un développement particulier du capitalisme qui a façonné toutes les structures sociales et l’identité nationale.
Ainsi, l’État espagnol moderne repose sur deux questions étroitement liées : la classe et le territoire. L’État espagnol, et la notion même d’Espagne, se sont constitués comme un artefact au bénéfice d’une classe sociale qui s’est formée au fur et à mesure que le capitalisme se développait, et qui tirerait profit de ce processus. Et qui, en même temps, il se construisait sur la base d’une distribution territoriale des secteurs économiques, des bénéfices et des politiques, qui généraient directement des territoires sacrifiés. L’Andalousie était l’un de ces territoires.
La clé de cette construction territoriale de l’État espagnol a été et continue d’être l’extractivisme. C’est la relation constituée avec certains territoires, transformés en zones sacrifiée par le biais d’un capitalisme purement extractif.
L’Andalousie sert de lieu d’extraction de matières premières manufacturées dans d’autres lieux, elle sert de zone d’implantation pour les industries les plus polluantes, de décharges dangereuses ou de stockage de déchets nucléaires (le seul cimetière nucléaire de l’État se trouve en Andalousie). Nous sommes également un territoire d’où l’on extrait une main-d’œuvre bon marché grâce à l’émigration de millions de personnes ou dans lequel on place certains secteurs productifs qui génèrent peu de valeur ajoutée, ont un impact environnemental énorme et répartissent très mal la richesse, comme le tourisme ou la construction. Le même processus peut être observé dans l’extraction de revenus par le biais du logement, le territoire étant le plus touristique d’Europe, ou au niveau culturel avec l’appropriation de la culture andalouse en tant que culture espagnole, avec l’exemple flagrant du flamenco.
Par conséquent, l’Andalousie n’est pas arrivée tardivement au capitalisme, et elle n’est pas non plus en retard. L’Andalousie joue un rôle pionnier et fondamental dans le capitalisme espagnol, elle joue un rôle de périphérie en expropriation permanente. L’Andalousie a été et est sacrifiée quotidiennement au profit de la classe sociale qui dirige l’État. Pour reprendre l’idée de Manuel Delgado Cabeza, l’Andalousie n’est pas arriérée, mais elle est l’arrière-cour du développement des autres.
Comme nous l’avons souligné, les bénéficiaires du rôle de l’Andalousie ne sont pas les classes populaires du nord de l’État, de la Catalogne, du Pays basque ou de Madrid. Les bénéficiaires de tout ce processus de construction territoriale de l’État espagnol sont l’oligarchie et les élites qui profitent de cette expropriation permanente de la richesse. Les élites andalouses aussi, ne l’oublions pas.
C’est pourquoi, en Andalousie, le malaise andalou a une explication qui rend inséparables la question nationale et la question sociale. On ne peut comprendre l’une sans l’autre, car la configuration nationale même de l’Andalousie repose sur les intérêts de la classe privilégiée. En d’autres termes, l’intérêt des classes laborieuses andalouses passe par une transformation, subversive, du rôle de zone sacrifiée que l’État espagnol a donné à l’Andalousie, c’est-à-dire qu’il passe aussi par la libération nationale de l’Andalousie.
Ainsi, nous bannissons du chemin de la libération de l’Andalousie toute hypothèse qui indiquerait la nécessité d’une approche interclassiste de la question andalouse ou d’une alliance avec les élites andalouses ou l’oligarchie andalouse.
Il n’est pas possible, même avec une vision étapiste telle que proposée par certains courants nationalistes à d’autres moments de l’histoire, de promouvoir une sorte de « révolution nationale » en alliance avec une bourgeoisie progressiste, car celle-ci a pleinement intérêt au maintien du statu quo, puisque la situation d’oppression en Andalousie correspond pleinement à ses intérêts matériels.
Une souveraineté andalouse pour construire l’écosocialisme
Par conséquent, une fois que nous avons vu l’origine du malaise andalou et comment l’État espagnol a été configuré sur l’imbrication des privilèges de classe et de l’inégalité territoriale, dont les classes ouvrières andalouses sont les perdantes, il ne nous reste qu’une seule réponse.
Une réponse qui aurait pour objectifs simultanés la libération sociale de la classe ouvrière et le dépassement du rôle de périphérie extractive dont souffre l’Andalousie. De plus, elle incorporerait de manière intersectionnelle la lutte contre l’oppression hétéropatriarcale subie par les femmes et les personnes LGTBIQ+, l’antiracisme, tout cela dans le cadre de la crise écologique d’une planète aux ressources limitées.
C’est là que le concept de souveraineté entre en jeu. Pour l’expliquer, je cite Nancy Fraser lorsqu’elle explique que la clé est de savoir comment et qui décide de l’utilisation de ce qui reste une fois qu’on a reproduit la vie et reconstitué ce qui a été dépensé. Fraser souligne que « la manière dont une société utilise ses capacités excédentaires est centrale : elle soulève des questions fondamentales sur la manière dont les gens veulent vivre – où ils choisissent d’investir leurs énergies collectives, comment ils entendent équilibrer le “travail productif” avec la vie de famille, les loisirs et d’autres activités – ainsi que sur la manière dont ils aspirent à se comporter avec la nature non humaine et sur ce qu’ils entendent léguer aux générations futures. Les sociétés capitalistes ont tendance à laisser ces décisions aux “forces du marché” » 6.
C’est précisément en Andalousie que nous subissons une double usurpation de la capacité à décider, de la souveraineté, sur tout ce qui est important dans la société. D’une part, en subissant un modèle économique, le capitalisme, qui accorde cette souveraineté aux « forces du marché » ; et d’autre part, en subissant un type de capitalisme, extractif et périphérique, qui nous place dans une situation de dépendance totale et d’infériorité. En tant qu’hommes et femmes de la classe ouvrière et de l’Andalousie, la subalternité est double.
Carlos Arenas Posadas a dit (et j’ai lu Oscar García Jurado) que « les peuples pauvres sont ceux qui n’ont pas la liberté de gérer leurs ressources, ceux qui n’ont pas les moyens de développer pleinement leur potentiel ».
Par conséquent, l’idée de souveraineté que nous devons défendre est précisément cela. La capacité des sujets politiques à décider démocratiquement comment, quoi, combien et quand produire, comment distribuer démocratiquement, comment utiliser notre temps, nos corps et comment nous relier les uns aux autres, aux autres sujets politiques, aux animaux non humains et à la planète.
Celles et ceux qui souffrent de ces oppressions croisées entre classe, nation andalouse, hétéropatriarcat et race sont les classes populaires andalouses et, à ce titre, sont constitué·es en tant que sujet politique pour lequel nous revendiquons la souveraineté.
La seule réponse utile pour les classes populaires andalouses est donc cette idée de souveraineté comme projet politique qui mise sur la capacité à décider de nos vies dans le but de renverser l’oppression de classe et le rôle de périphérie extractive, c’est-à-dire l’oppression nationale, que nous subissons en Andalousie.
Une telle souveraineté impliquerait de décider de notre propre voie, qui ne consiste pas à continuer à gravir l’échelle du développement capitaliste. Il ne s’agit pas de promouvoir un développement avec les mêmes valeurs et paramètres que ceux suivis par d’autres territoires, mais plutôt de le renverser.
De promouvoir un développement endogène écosocialiste, en partageant les richesses, selon les clés indiquées par l’économie écoféministe et en affrontant la crise climatique et énergétique de manière équitable, dans une relation saine avec la planète.
Seule cette proposition, qui comprend que l’oppression de classe en Andalousie ne peut être envisagée qu’en recoupant le fait national andalou et la construction territoriale de l’État espagnol qui condamne l’Andalousie à l’extractivisme, a le potentiel de comprendre l’identité même du peuple andalou.
Le peuple andalou a été façonné par des processus historiques et par le développement économique et social. C’est précisément ce processus qui a généré ses caractéristiques, ses éléments culturels, ses institutions sociales, ses expressions de toutes sortes, ses traditions et son identité. Tout ce processus constitue un fait complexe, contradictoire et différencié, avec ses propres expressions et une réalité différenciée.
La seule façon d’essayer de l’organiser et d’avancer vers une rupture avec le capitalisme pour façonner une Andalousie écosocialiste sera de comprendre ce fait national et de formuler une proposition pour résoudre ses contradictions : la souveraineté andalouse pour l’écosocialisme.
Si, par contre, la gauche de transformation sociale continue à ne pas comprendre la question nationale andalouse, il sera impossible non seulement que l’Andalousie cesse de souffrir des douleurs, silencieuses et séculaires, qui provoquent ce malaise andalou, mais il ne sera jamais possible non plus de se connecter réellement avec le seul peuple capable de surmonter ce malaise : la classe ouvrière andalouse.
Il ne sera jamais possible de transformer un peuple qui ne se comprend pas. En tant que révolutionnaires, notre obligation est de faire la révolution écosocialiste dans le lieu et le moment historique où nous vivons. Notre lieu s’appelle l’Andalousie.
Le 16 décembre 2024
Notes
1. « L’état de la pauvreté en 2024 ». Réseau européen de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en Espagne.
2. Approximación al capitalismo andaluz, Oscar García Jurado.
3. Le désamortissement ou désamortisation (desamortización en espagnol) est un processus économique entamé en Espagne à la fin du 18e siècle par Manuel Godoy et qui s’est prolongé jusqu’au 20e siècle, consistant à mettre aux enchères publiques des terres et des biens improductifs détenus dans l’immense majorité des cas l’Église catholique ou les ordres religieux, qui les avaient accumulés par le biais de nombreux legs ou donations, ainsi que des propriétés foncières appartenant à la noblesse.
4. Oscar García Jurado, idem.
5. Gramsci, Antonio. « Rapport sur le troisième congrès du parti communiste italien », publié dans l’Unitá, 24 février 1926. Dans « La question méridionale », Antonio Gramsci.
6. Nancy Fraser, Le capitalisme est un cannibalisme, 2025.
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