Tiré du site NPA, 21 avril 2020
Crédit Photo : Flcelloguy / Wikicommons
Gaston Lefranc
Du coup, ils devaient trouver des acheteurs physiques qui voulaient vraiment réceptionner le pétrole. Avec la crise, les acheteurs se font rares... et les spéculateurs ont, dans la panique (le contrat à terme expirant ce mardi), consenti à payer des acheteurs pour qu’il récupère le pétrole dont eux ne voulaient pas. Le cours du contrat à terme a plongé à -40 $, et il évoluait ce mardi encore en territoire négatif.
Crise économique et tensions entre producteurs de pétrole sont responsables de la chute des cours du pétrole
Lors de la conférence de l’OPEP élargie à la Russie le 6 mars dernier, aucun accord n’avait pu être conclu pour limiter la production afin de limiter la baisse des prix causée par la crise économique. La Russie et l’Arabie saoudite ont fait échouer un accord, chacun espérant que l’autre réduise sa production à son bénéfice. Depuis désormais près de deux mois, l’économie mondiale est à l’arrêt, entraînant un plongeon de la demande de pétrole. Puisque l’offre ne s’est pas ajustée à cette baisse, les stocks se sont accumulés et les prix ont plongé : ils sont passés de 60 $ le baril en février à moins de 20 $ aujourd’hui.
Un accord a finalement été conclu lors d’un nouveau sommet de l’OPEP élargi à la Russie dimanche 12 avril. L’ensemble de ces pays se sont engagés à réduire leur offre de pétrole de 10 millions de barils par jour à partir du 1ermai. C’est la plus grande baisse de production de l’histoire, et les États-Unis, premier producteur mondial (et non engagé par cet accord), ont bien entendu soutenu cet accord. Ils ont également promis de contribuer à la baisse de la production, mais de façon modeste (en diminuant leur production de 2 à 3 millions de barils par jour).
Cette baisse de la production a beau être historique, elle est largement insuffisante pour enrayer la baisse des prix : en effet, la demande de pétrole a baissé de 30 millions de barils par jour depuis le déclenchement de la crise. Les prix devraient encore continuer à baisser dans les prochaines semaines et pourraient devenir inférieurs à 10 $ le baril.
Des conséquences désastreuses pour les pays producteurs de pétrole
Les pays producteurs de pétrole avaient déjà été fortement ébranlés par la chute du cours du pétrole en 2014-2015, passant de plus de 100 $ le baril à 40 $. Le cours du pétrole s’était ensuite stabilisé depuis environ deux ans autour de 60 $. Les pays dominés fortement dépendants des exportations de pétrole (Venezuela, Iran, Nigéria, Algérie, Congo Brazzaville, Angola...) pour se procurer des devises nécessaires à leurs importations ont été frappés de plein fouet par cette baisse. Des plans d’austérité très durs ont été imposés aux travailleurs/ses pour leur faire payer le manque à gagner.
Cette nouvelle chute des prix du pétrole touche donc des pays déjà fragilisés. Elle va avoir des conséquences dramatiques, d’autant plus que ces mêmes pays sont frappés par une fuite des capitaux, qui fragilise leur monnaie et augmentera donc la charge de leur dette extérieure. Le prix de leurs importations va flamber, les exportations vont chuter : cela va se traduire par une explosion de l’endettement extérieur et une baisse du niveau de vie de la population.
Les États-Unis vont également être durement touchés, vue l’ampleur prise par le secteur du pétrole de schiste. Les investissements vont être stoppés et les licenciements vont être massifs.
En revanche pour les pays non producteurs, la baisse du prix du pétrole est une bonne nouvelle puisqu’elle va jouer positivement sur le taux de profit des entreprises. Néanmoins, cette baisse ne pèse pas bien lourd compte tenu de l’ampleur de l’effondrement économique. En outre, la chute des investissements dans les pays producteurs entraînera dans quelques trimestres une hausse des prix du pétrole quand l’économie mondiale commencera à redémarrer, freinant ainsi l’ampleur d’une reprise qui s’annonce de toute façon très fragile.
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