Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le défi du Front commun du secteur public : construire un large appui populaire !

Mardi 27 octobre 2009

En mai dernier était lancé le Front commun des employé-e-s du secteur public. Il réunit plus de 475 000 travailleurs et travailleuses dans le cadre des négociations qui viennent. Ce front commun comprend la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et le Secrétariat intersyndical des services publics (SISP). C’est le front commun le plus massif de toute l’histoire du Québec.

Ce front a été rendu possible, car les organisations « ont choisi de ne pas se livrer à une opération de « maraudage » entre elles au courant de l’été, consacrant plutôt l’entièreté de leurs énergies à la construction de ce mouvement syndical unique. »

Il doit présenter ses revendications salariales au Conseil du trésor le 30 octobre prochain. Sa principale revendication est une augmentation salariale de 11,5 % répartie sur la durée de la convention collective qui doit s’étendre sur presque trois ans.

Le dépôt de la plate-forme revendicative au gouvernement a été précédé d’une tournée provinciale qualifiée de vif succès par les responsables syndicaux. Cette tournée a permis de « solidifier les liens qui unissent les membres des divers syndicats de la coalition historique ». Pourtant, le Front commun reste peu connu de l’ensemble de la population. Ceci n’a pas empêché les éditorialistes des grands médias de tirer à boulets rouges sur les demandes syndicales.

Un cadre stratégique périlleux

Le cadre stratégique de ce Front commun prévoit que les négociations pourraient déboucher sur une entente avant le 31 mars prochain, date d’échéance des décrets c’est-à-dire date à laquelle les employé-e-s du secteur public retrouveront le droit de mener des actions de grève dans un cadre légal. Le cadre stratégique suppose donc qu’on espère que le gouvernement Charest sera disposé à faire des concessions au mouvement syndical sans que ce dernier soit obligé de construire un rapport de forces par des moyens d’action de masse.

Cette hypothèse stratégique est audacieuse et relève d’un pari pour le moins surprenant. Il ne faudrait pas oublier les dernières négociations où ce gouvernement a utilisé tous les moyens répressifs à sa disposition et a finalement imposé un décret. On peut légitimement supposer qu’il risque d’utiliser le même arsenal.

Les propositions qui ont filtré des bureaux gouvernementaux montrent que le Front commun risque de se heurter encore une fois à l’intransigeance de Jean Charest. Ces sources affirment que le gouvernement proposerait 0% d’augmentation la première année, 0,5% la deuxième année et 0,5% la troisième année. Comme on peut le voir, on est loin de revendications syndicales. Au départ, les offres du gouvernement frôlent le gel purement et simplement. On serait proche alors du report du décret.

Le gouvernement Charest n’a pas abandonné ses objectifs néolibéraux. La preuve en est sa volonté d’augmenter la tarification des services publics et de poursuivre ses politiques de privatisation dans le secteur de l’éducation et dans le secteur de la santé.
Quel est l’enjeu aujourd’hui le plus manifeste pour une grande partie de la population en ce qui concerne les services publics ?

Sans aucun doute, c’est la hausse et la généralisation de la tarification des services publics et la privatisation rampante qui se poursuit. La population est outrée de ces intentions et le mécontentement grandissant va déboucher sur le rejet généralisé de ces politiques gouvernementales. Un Front s’est mis sur pied pour s’opposer à ces politiques. C’est le Front commun contre la hausse des tarifs et contre la privatisation. Un appel è rejoindre ce Front commun a été lancé par le MÉPACQ, l’ASSÉ, la Ligue des droits et libertés, le FRAPRU, L’R des centres de femmes, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, la Fédération des Femmes du Québec, le Collectif pour un Québec sans pauvreté et le RIOCM.

Ce front commun a invité les organisations syndicales à participer à ce combat. Une réponse positive et concrète à cette invitation serait essentielle pour créer le rapport de forces et souder le combat syndical pour le renouvellement du contrat de travail à la résistance populaire contre son appauvrissement la hausse des tarifs et la privatisation. Et cet appauvrissement touchera les employé-e-s du secteur public également. Si les intentions gouvernementales se réalisent, ils risquent de se voir retirer une partie substantielle des gains qu’ils auront été cherchés par leur mobilisation. Plus, lier la négociation à la défense des services publics jettera les bases de la construction d’un appui massif dans la population.
Un réinvestissement massif dans le secteur public s’impose

D’autre part, il est clair que la généralisation de la tarification et l’extension de la privatisation est liées au sous-investissement dans le secteur public. Le gouvernement Charest est prêt à soutenir les entreprises privées et les banques. Mais il refuse un réinvestissement massif en éducation et en santé et préfère participer à l’affaiblissement du secteur public en continuant son travail de sape que représente la privatisation des services publics. Déjà, ces choix gouvernementaux débouchent sur la fragilisation des services publics d’une part et sur un alourdissement considérable de la charge de travail d’autre part. .

Il est donc essentiel de prévoir dans la plate-forme revendicative qui reprend les objectifs qui répondent à l’alourdissement des tâches en demandant la réduction des heures de travail sans baisse de salaire et une embauche compensatoire. La population qui utilise les services publics connaît très bien la surcharge de travail vécue par les employé-e-s d’hôpitaux et l’épuisement professionnel qui frappe une partie importante du personnel enseignant.

Un front commun aussi massif est un acquis important. Mais pour que ce rassemblement de forces puisse donner tous ses fruits, il sera nécessaire que ces dernières puissent démontrer leur détermination dans la poursuite de leurs objectifs et créer les alliances nécessaires pour que ces objectifs fusionnent avec ceux de la population afin de contrer les projets néolibéraux du gouvernement Charest.

Mots-clés : Québec
Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...